Ils sont venus, ils ont vu, certains ont parlé et ils sont tous repartis chez eux. Bénis soient ceux qui, dans le grand stade de Soweto, ont sincèrement vibré, ont fait dans leur conscience, le serment de travailler à ressembler à cette étoile polaire qui vient de décrocher du firmament. Honnis soient ceux qui, frauduleusement, se sont jetés dans le courant impétueux des hommages et qui, par suivisme, se réclament de la philosophie proactive de Madiba.
Il est des circonstances où on éprouve parfois une certaine honte à être africain. Ceux de nos chefs d’Etat, présents ou absents à Soweto, qui adoubent Mandela et qui, dans le même temps, snobent les valeurs qu’ils incarnent, sont l’hypocrisie personnifiée. Qu’ils arrêtent leur fable, qu’ils arrêtent de se mentir à eux-mêmes et à leur peuple en feignant de magnifier Mandela, cet homme qui était déjà canonisé de son vivant. Ce baobab est entré pour toujours dans la sacralité et l’éternité. L’hommage du vice à la vertu n’est rien d’autre que cynisme et tartuferie.
On ne peut aimer un homme tout en détestant son œuvre. La vie et l’œuvre de Nelson Mandela renvoient devant le miroir de leur conscience trouble, tous ces imposteurs qui le « bénissent en dehors et qui le maudissent en dedans ». En vérité, les chefs d’Etat qui, avec leurs mains malhabiles, tripatouillent les Constitutions, s’arriment indûment au pouvoir, ont toujours fait le chemin inverse emprunté par l’enfant prodigue de Qunu, toujours prompt à donner de sa personne. Sous d’autres cieux et en d’autres temps, certains des chefs d’Etat africains qui ont fait le déplacement du stade éponyme de Soweto, n’en auraient pas eu l’autorisation de franchir le seuil de la porte d’entrée.
« Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre », était-il écrit sur le fronton de la bâtisse des premiers mathématiciens grecs. Certains des chefs d’Etat africains qui étaient à Soweto ne méritaient pas de franchir le seuil du stade de cette ville mythique qui a concentré la quasi-totalité des douleurs de l’Afrique du Sud.
Que vont en effet chercher à cette cérémonie d’hommages un homme comme papy Mugabe, véritable antithèse de l’alternance ? L’évocation de ce seul mot lui donne de l’urticaire. Mais, des Robert Mugabe, on en compte à la pelle sur le continent africain. Ils rêvent de mourir au pouvoir tout en étant sûrs que même là, ils n’auront jamais des funérailles comme celles de Mandela. Mais, comme il est facile de mourir au pouvoir en Afrique ! Les élections truquées, la corruption, un corps électoral très majoritairement assimilable à des bêtes sauvages qui ignorent tout des enjeux des consultations électorales et référendaires, et le tour est « régulièrement joué ». On le voit, c’est tout le contraire du style Nelson Mandela. Alors, si devant Dieu et les hommes, ils ne sont pas prêts pour l’alternance que tous ces chefs d’Etats africains prédateurs de la démocratie, se taisent à jamais. Qu’ils arrêtent de profaner la mémoire et l’œuvre de ce géant de l’Histoire. Qu’ils arrêtent leur bal masqué. Car, leurs hommages sont blasphématoires et achèvent de convaincre qu’en matière de leçon, ils n’ont rien pigé de la personnalité et de l’œuvre de cet homme unique en son genre.
On retiendra surtout de la méga-cérémonie d’hommage à Madiba, l’esprit œcuménique qui a soufflé en permanence sur le stade. On a vu Barack Obama serrant la main à Raoul Castro, Winnie et Gracia assises ensemble, Sarkozy et François unis dans le même élan d’hommage. Assurément, par-delà la mort, Madiba continue de rassembler les humains de tous continents. Mandela nous laisse un mémorial fort impressionnant. Celui de l’amour, de la fraternité et de l’altruisme.