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Il n’y a que les naïfs qui croient que la CENI va organiser des élections crédibles, selon Ahmed Kourouma

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received_1129614200430504[dropcap]A[/dropcap]hmed Kourouma, secrétaire général de l’Union pour le progrès de la Guinée (UPG) fait partie de la génération des jeunes leaders politiques qui tentent de sortir des sentiers battus. Pour lui, on ne pourra sortir le pays de l’ornière qu’en faisant la politique autrement. Entretien !

Le Démocrate : Comment se porte l’UPG ?

Ahmed Kourouma : L’UPG se porte bien. Nous sommes en pleine  reconstruction. On est en
train d’élargir et d’ouvrir le parti à la jeunesse.

A un moment on vous a annoncé du côté de l’opposition républicaine, le lendemain vous avez démenti l’information. Qu’est-ce qui s’était passé réellement ?

Il ne s’est rien passé. Comme je l’ai toujours dit, nous sommes un parti du centre. C’est-à-dire que nous sommes un parti qui est le parti du recours. En fait le centre dans un pays c’est toujours le parti de recours, celui qui dialogue, qui est dans le consensus. Parce que les deux grands partis du pays n’arrivent pas à s’entendre. La preuve en est que Jean-Marie Doré a été le Premier ministre de la transition, ce n’est pas rien, c’est lui qui a amené le pays vers la démocratie, qui a permis des élections. C’est ça le centre.

Donc nous entendons demeurer et ouvrir ce qu’on appelle la troisième voie. Celle de l’équilibre entre les deux grands partis qui sont souvent enfermés dans leurs doctrines, dans leurs oppositions à l’autre. Nous sommes le parti qui prône l’Etat, celui qui se bat pour les citoyens, les sans voix. Donc je suis absolument anti bipartite et je ne veux pas qu’il y ait un holdup dans la vie politique guinéenne. Puisqu’il y a des gens qui ne pensent pas forcement être d’accord avec Alpha Condé ou Cellou Dalein Diallo, on n’entend pas ces gens-là. Donc l’UPG entend être le porte-voix de ces gens-là.

Comment se porte l’économie guinéenne ?

L’économie guinéenne se porte très mal. Nous avons un taux d’inflation de 9%, pour une croissance qui atteint à peine 09. Donc c’est catastrophique pour le pays. Nous n’avons pas une productivité c’est-à-dire un PIB qui est exsangue. Nous consommons et importons beaucoup plus que nous n’exportons. Parce qu’il n’y a pas de productivité agricole suffisante. Voilà l’économie va très mal.

A qui la faute, selon vous ? Parce qu’à entendre le gouvernement c’est Ebola qui est à la base de cette récession économique.

Non ce n’est pas Ebola. Ebola n’est pas la cause ou les maux de toute la Guinée. C’est aussi un manque de vision, de pragmatisme économique. Un manque de leadership de la part des hommes politiques guinéens en général. Et puis surtout je pense qu’on doit sortir de l’affairisme de l’Etat. Il faut donner la priorité aux privés. Parce que c’est le système privé d’un pays qui est le créateur d’emploi, le pourvoyeur d’économie, le pourvoyeur de croissance, c’est lui qui innove, qui invente. Donc il va falloir que la Guinée qui n’est  pas un pays à part, fasse preuve de patriotisme économique, redonne confiance à sa jeunesse et à ses entrepreneurs qui souffrent et qui seraient capables à mon avis si on leur faisait confiance par une politique volontaire, volontariste d’aide aux entreprises, ce que tous les pays pratiquent au monde, nous,  nous ne le faisons pas. Donc voilà les leviers qui devraient permettre à la Guinée de s’en sortir. Donc il faut arrêter d’accuser Ebola, certes Ebola a été important, mais je pense que le manque de vision économique de la part du pays tout entier et de sa classe politique toute entière est responsable du marasme dans lequel nous nous trouvons.

La baisse du prix du carburant n’est toujours pas effective en Guinée. Comment percevez-vous cela ?

Il y a une grosse mafia derrière tout cela. C’est le système qui gangrène le pays. Je ne crois pas que la baisse du prix du carburant est inhérente à la montée du pouvoir d’achat de ce qu’on appelle le panier de la ménagère. Pour moi c’est une fausse solution. Parce que les syndicats ont obtenu il y a deux ans la baisse du prix du carburant, mais ça n’a pas diminué le prix du kilométrage du citoyen lambda. C’est la preuve que l’économie ne ment pas. Donc c’est la preuve que la baisse du prix du carburant n’impactera pas sur le quotidien de ceux vers qui on devait faire une politique d’aide, c’est-à-dire ceux qui ont élu le Professeur Alpha Condé, le peuple d’en bas. Donc c’est un faux problème, ça va bénéficier à quelques privilégiés des fonctionnaires, comme d’habitude, les syndicats.

Rio Tinto a annoncé son retrait du mont Simandou. Quel est votre point de vue ?

Qu’ils s’en aillent. Nous sommes fatigués. Ma génération est fatiguée de voir que Rio Tinto joue avec nos matières premières. Il boursicote, c’est-à-dire, ils viennent ici signer des contrats, ils vont dans les bourses de New York, de Londres et de Tokyo se faire des plus-values extraordinaires, pendant que nous, nous souffrons. Donc moi je dis que Rio Tinto s’en aille. Parce qu’il y a une génération qui va renégocier les contrats miniers ici.

C’est une génération qui a fait des études soit à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, mais qui parle le même langage qu’eux. Il est temps que l’Afrique comprenne qu’elle serait capable de faire bénéficier son peuple de ces matières premières, parce qu’elles nous appartiennent, c’est la terre de nos ancêtres. Et puis en suite négocier des contrats en fonction de l’intérêt collectif du pays, mais pas en fonction de quelques-uns. L’Afrique détient 60% des richesses mondiales, c’est ce qu’on appelle les richesses fossiles. Donc ce dont ils ont besoin là-bas pour se développer.

Je vous donne un exemple. La Guinée est le deuxième producteur mondial de bauxite. La bauxite sert à fabriquer leurs voitures, leurs avions, etc. Comment se fait-il que nous soyons encore à tendre  la main au niveau du FMI, nous soyons contents lorsque le FMI daigne nous donner un petit 25 millions de dollars us. C’est le manque d’ambition d’une génération, d’une classe politique qui  fait qu’on  est encore à tendre la main. Et ça pour ma génération, ça me parait insupportable.

Donc vous vous ne craignez pas une conséquence néfaste pour le pays suite à ce retrait ?

La conséquence néfaste c’est de croire qu’une seule compagnie minière pourrait sauver le pays. On a fait le ‘’tout minier’’ dans ce pays. Or il faut je le redis se reconcentrer sur ce qui marche ailleurs, c’est-à-dire l’esprit d’initiative, l’esprit d’entreprise, le libre-échange. Il faut développer l’échange inter-régional. Nous sommes le pays qui sommes composé à 70% de cultivateurs. Il va falloir que l’on produise pour exporter. Nous avons des pays qui sont demandeurs de produits agricoles, comme le Sénégal, le Mali. Nous avons la chance d’avoir un port autonome. Nous sommes plus ouverts sur la mer. Donc nos produits pourraient être exportés si nous avions de meilleures routes, un port plus développé, etc. C’est une question de volonté politique. Moi le ‘’tout minier’’ je n’y crois pas. Le projet Simandou date de plus de 30 ans, s’il devait se développer, ce serait depuis longtemps.

Qu’est-ce que vous appelez le ‘’tout minier’’?

C’est-à-dire qu’on a basé notre économie sur le fameux dicton ‘’la Guinée est un scandale géologique’’. Moi je dirais  que la Guinée est un scandale de matière grise. Et la matière grise c’est d’abord l’homme. Et l’homme d’abord c’est le peuple. Le peuple c’est-à-dire les entrepreneurs, l’élite de ce pays. Voilà sur quoi moi je compte, je ne compte pas sur les mines. On est fatigué d’entendre des fausses promesses des mines. Il faut que l’on mise sur la valeur humaine, seule la génération va développer ce pays économiquement. C’est à dire
les entrepreneurs, les jeunes diplômés des écoles, mais qui sont souvent mal formés malheureusement. Il faut qu’on les redonne l’envie d’initiative et qu’on les aide à créer leurs entreprises. Voilà ce qui est pour moi l’économie d’un pays.

Le gouvernement a annoncé récemment la construction de 100 mille logements pour une valeur de 6 milliards de dollars US. Votre point de vue, en tant que banquier?

Il faut arrêter avec ces grandes annonces ou ces fausses promesses. Mais si tel est le cas, j’espère encore une fois qu’on ne va pas donner ces constructions à des gens qui ne sont pas dans le bâtiment pour voir les refaire dans trois ans. Il y a des entrepreneurs en Guinée j’en connais. Donc le problème ce n’est pas l’investissement. Le problème c’est investir 6 milliards us pour des logements sociaux. Va-t-on les donner à des constructeurs, donner la priorité à des Guinéens qui vont bien construire ces bâtiments pour que ça soit des bâtiments qui durent dans le temps. Encore une fois, c’est là il y a la question.

L’opposition menace de reprendre ses manifestations de rue. Que pensez-vous de ces actions en vue?

Vous savez j’ai un problème avec l’opposition comme aussi avec la mouvance. C’est-à-dire que le mot d’ordre de l’opposition est un mot d’ordre politique. Je voudrais qu’il devienne plus social. Je voudrais que l’opposition pointe du doigt les carences de la gouvernance actuelle. C’est à dire celle qui n’est pas dirigée vers le peuple. Le peuple souffre aujourd’hui et il n’y a pas de voix pour le défendre. Donc les revendications de l’opposition actuelle ne sont pas les miennes et ne sont pas celles de l’UPG malheureusement. J’aimerais qu’elles en soient autrement. Il faut redonner le pouvoir d’achat, aider les femmes, les familles par des allocations claires et nettes.

Il faut rassurer les enfants qui vont à l’école. Il faut former les éducateurs, nos instituteurs, les revaloriser. Ce sont les gens la qui ont été laissés pour compte depuis des années. Or ce sont eux qui préparent l’avenir de nos enfants. Comment se fait-il que ces gens-là ne soient pas formés aujourd’hui. Pourquoi l’Etat a abandonné son système éducatif au profit du système privé. Je pose toutes ces questions-là. Parce que c’est à l’Etat d’éduquer nos enfants. Voilà des questions que j’aimerais que l’opposition pose et manifeste pour cela.

Pourquoi votre parti n’avait pas participé au dialogue de la semaine dernière?

Parce que le sujet de ce dialogue-là, n’est pas le bon. Nous à l’UPG, nous voulons un dialogue sur l’économie. Nous voulons que ce pays se développe. Il y a des gens qui souffrent, qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Il y a des pères de familles qui n’arrivent pas à nourrir leurs enfants. C’est ça qui nous préoccupe. Ce n’est pas le  énième dialogue sur la énième CENI qui devrait tenir des élections. Comment voulez-vous que le peuple qui a faim puisse aller voter. Ce qui m’intéresse aujourd’hui c’est de sortir le pays de ce marasme économique dans lequel il faut le ‘’tout économie’’ dans ce pays. Il faut qu’on se batte pour ça. Ma préoccupation première, elle n’est pas politique. Je refuse de participer à ce débat-là qui pour moi constitue un débat stérile. Parce que ces débats ne font pas avancer ou ils ne se font pas en faveur des plus démunis. Et ce qui nous préoccupe de plus c’est le peuple.

Pensez-vous que les élections locales se tiendront au mois d’octobre comme prévu par la CENI ?

Non, je n’y crois pas. Je pense que la CENI comme d’habitude va faillir à sa mission. Parce qu’elle l’a toujours fait. Aucune élection depuis 2010 n’a été organisée dans les règles de l’art, c’est-à-dire dans les règles démocratiques. Il va falloir que la  CENI arrête d’être inféodée au pouvoir. Ça devient insupportable. Il n’y a que les naïfs pour croire que la CENI va encore une fois organiser des élections propres et crédibles.

 L’UPG va-t-elle participer aux élections communales et communautaires ?

Communales et communautaires je ne sais pas. Mais aux législatives certainement. Nous allons balayer l’Assemblée nationale, croyez-moi.

Le parti au pouvoir accuse le chef de file de l’opposition de tenir des propos incitant au renversement du régime en place. Comment voyez-vous cela ?

Lorsqu’on aspire à diriger une nation, lorsqu’on a une image de futur chef d’Etat comme le cas de Cellou, il y a des mots et des phrases qu’on ne dit pas. Il faut garder raison. Il faut avoir une retenue. Parce qu’il doit nous servir d’exemple. Le Chef de l’Etat actuel, le Professeur Alpha Condé n’est pas soussou, n’est pas malinké, n’est pas peul ni forestier. C’est le président des guinéens dans leur ensemble. Cellou Dalein Diallo en tant que chef de file de l’opposition et peut-être futur président de ce pays, doit avoir la posture d’un Chef d’Etat. Donc pour se faire il n’a pas à tenir les propos qu’il a tenus. Je pense qu’on doit apprendre dans ce pays à dialoguer, avoir de l’argumentaire plutôt que de l’insulte. Alors la mouvance présidentielle l’accuse à juste titre et c’est de bonne guerre. Parce qu’il a failli dans la représentativité qui est la sienne à mes yeux, c’est-à-dire celle d’un futur Homme d’Etat. Et quand on a cette étiquette-là, on n’est plus un homme politique. On ne s’appartient plus. On doit servir d’exemple, c’est ce que je lui ai dit. Pour moi, Cellou ne devait pas avoir ce genre de propos.

La Commission provisoire de la réconciliation nationale a présenté les résultats  des  consultations nationales effectués sur le projet de réconciliation. Qu’en pensez-vous ?

C’est une bonne initiative. Ventre affamer n’a point d’oreille. Pour que les guinéens se réconcilient, faut-il encore qu’ils aient un pouvoir d’achat, qu’ils aient un salaire digne de ce nom, qu’ils puissent se lever le matin et avoir des services publics, qu’ils n’aient pas à galérer. Moi je vois nos compatriotes galérer même pour trouver un taxi tous les matins. C’est insupportable. Oui je suis d’accord avec la réconciliation nationale, mais faut-il qu’il y ait autre chose derrière.

Je veux de l’action, des preuves de ce que nos hommes politiques nous disent à longueur de journée. Il y a un sublime, un formidable discours qui a été fait par le ministre de la Citoyenneté, M. Gassama Diaby, j’invite tous nos jeunes compatriotes y compris nos hommes politiques à lire ce discours qui, dans n’importe quel pays devrait être un discours fondateur d’une nation. C’est le discours sur la citoyenneté et ce discours-là est magnifique. Parce qu’il pointe du doigt, il nous regarde en face, nous scrute et nous dit la Guinée ça ne va pas, parce que vous avez transformé ce pays en pays d’ethnie. Les politiques se servent de l’incurie de notre peuple à comprendre qu’il ne faut pas voter pour quelqu’un en fonction de son nom ou de son origine, mais en fonction de son programme. Voilà ce que ce discours nous dit.

Que pensez-vous de la commission de réflexion sur l’éducation mise en place récemment par le président de la République ?

Il y a déjà eu des problèmes, je crois que Bah Oury a démissionné. Parce que vous avez un énième conseiller de Monsieur le président de la République qui a voulu tirer la couverture à lui. Ces gens-là n’ont pas malheureusement le sens de l’Etat. C’est ce que je dénonce en longueur de journée. Il y a une commission qui est mise en place par le président de la République et vous avez un petit fonctionnaire qui décide qu’il doit être à la tête de la commission. Ce n’est pas ça la République, ce n’est pas ça l’Etat. Servir l’Etat ce n’est pas se servir soi, c’est servir la collectivité. Je le dis, il y a une nouvelle race d’hommes politiques qui arrive, qui estime que l’Etat ne leur appartient pas. On est mandaté par le peuple et cet Etat-là appartient au peuple. Les postes ministériels, de directeurs ne nous appartiennent pas. Il va falloir qu’on le comprenne. Il va falloir qu’on arrête de penser qu’être ministre c’est héréditaire, ça appartient à une caste. Moi je veux des hommes politiques intègres techniques et qui travaillent pour le pays, en fin ce qui n’a toujours pas été le cas.

Voilà ce que je pense de cette petite commission qui a été mise en place, malheureusement qui ne va pas résoudre le fond du problème. On va rester sur la forme, le fond du problème c’est que l’Etat a abandonné un secteur de souveraineté qui est l’éducation de nos enfants. Vous avez des gens aujourd’hui qui gravitent auprès du président de la République qui sont des fonctionnaires, qui sont propriétaires d’universités. L’argent que le contribuable paye ne va pas à la formation des professeurs, mais va à la rénovation de leurs bâtiments. Ça veut dire qu’ils se construisent un patrimoine au détriment de l’éducation de nos enfants. C’est ça la vraie réalité de l’éducation guinéenne. Et ça pour moi c’est insupportable.

Entretien réalisé par Alpha Amadou et Sadjo Diallo

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4 commentaires
  1. Gsamissou dit

    On appelle ca le discours hypocrite et ratelier, il est meme pas ambigue… Dommage pour l’UDG et son banquier Kourouma.

  2. Gassama dit

    Gsamissou, si tu avais la moitié de la sagesse de Mr kourouma tu l’as fermerais ta grande bouche !

    Ps- apprends à écrire avant de critiquer les hommes qui pensent pour notre pays

  3. Haba dit

    L’hypocrite c toi !

  4. etienne dit

    juste une petite correction c’est L’UPG au lieu de L’UDG trop pressé mon ami

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