[dropcap]D[/dropcap]epuis l’arrestation au Sénégal de Kemi Seba et sa déportation vers la France l’année dernière, chacun y va de son analyse sur le Franc CFA.
Il y a ceux qui estiment que le CFA n’est pas leur problème, car ils ne vivent pas dans un pays de la zone CFA. Ils oublient pourtant que leur pays est entouré du Franc CFA et entretient des relations commerciales avec les pays de cette Zone. Donc le Franc CFA a un impact sur eux.
Il y a aussi ceux qui disent que le Franc CFA n’est pas un obstacle au développement car s’il en était un, la Guinée serait plus avancée que les pays de la zone CFA. Ils oublient que les pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie) faisaient aussi partie de la zone Franc, mais ils s’y sont retirés et ont créé leurs propres monnaies. Ces pays ont aujourd’hui des économies mieux gérées et plus avancées que les pays de la zone CFA. Il y a aussi la Guinée Bissau qui a introduit le Franc CFA en 1997, mais cela n’a apporté ni stabilité ni progrès économique pour ce pays.
Le Franc CFA a bien sûr ses avantages et parmi les plus cités, il y a notamment le faible taux d’inflation, la stabilité macroéconomique et la facilité des échanges dans les zones qui utilisent cette monnaie. Cependant, ces avantages ne sont pas inhérents au Franc CFA car avec une gestion saine, une monnaie indépendante aurait procuré à ces pays les mêmes avantages. Il faut aussi rappeler les conditions de la création de cette monnaie coloniale jadis appelée Franc des Colonies Françaises d’Afrique (FCFA) et qui est maintenant devenue Franc de la Communauté ou de la Coopération Financière Africaine (FCFA). Quelle créativité !
En effet, pendant la période coloniale, les pays africains ne représentaient qu’une source de matières premières pour la métropole (France) et un débouché pour les produits français. L’essentiel des échanges commerciaux des colonies se faisaient avec ou à travers la France et surtout que ces colonies, pour des intérêts économiques n’étaient qu’une prolongation du territoire français. Donc, après la signature des accords de Bretton Woods par la France en 1945, il fallait mettre en place une monnaie stable convertible avec le Franc de la métropole pour faciliter les échanges et protéger les intérêts du colon et de son commerce. C’est ainsi qu’ils ont créé le Franc des Colonies Françaises d’Afrique (FCFA).
Après les indépendances, l’Afrique noire a continué à exporter ses matières premières à bas prix pour acheter les produits finis Made in France à des prix plus élevés. Surtout que, durant toute la période coloniale, il n’y avait eu aucun effort sérieux d’industrialisation des colonies pour leur permettre de créer de la valeur ajoutée sur place. Ensuite, avec la parité fixe et l’influence ou le contrôle qu’elle avait sur ses anciennes colonies, la France achetait au prix qu’elle voulait et indirectement avec sa propre monnaie. Le pire est qu’avec la parité fixe, les conditions économiques des pays de la zone CFA ne déterminent pas la valeur du Franc CFA par rapport aux autres devises (dollar, yen, etc.) mais ce sont plutôt les conditions économiques de la France et maintenant de la zone Euro qui déterminent la valeur du Franc CFA par rapport au dollar, au yen ou au yuan, etc.
Les conséquences négatives de cette parité n’étaient pas facilement perceptibles auparavant car les échanges commerciaux se faisaient essentiellement avec la France. Cependant, de nos jours, les exportations vers la zone Euro ne représentent moins du quart des exportations de la zone CFA, soit la moitié de ce qu’elles étaient vers la fin des années 1990.
Par conséquent, avec la mondialisation, la libéralisation des échanges commerciaux et surtout l’émergence de la Chine comme un des plus grands partenaires commerciaux des pays africains, l’ancrage du CFA à une monnaie forte comme l’Euro rend les produits des pays de la zone CFA plus chers et moins compétitifs sur le marché mondial. Pire, une monnaie forte favorise l’importation en provenance de l’Asie car celle-ci revenant moins chère. Pourtant, si les produits importés reviennent moins chers, ceci va heurter la production locale car les entreprises locales ne pourraient pas rivaliser avec les bas prix de la Chine ou des autres pays dont les produits seront sous-évalués à cause de l’appréciation de l’Euro.
C’est ce manque de compétitivité qui avait d’ailleurs été cité comme raison principale de la dévaluation de 50% du Franc CFA en 1994. Cette dévaluation a été pénible pour beaucoup de familles africaines qui se sont réveillées un matin pour constater que leurs épargnes ne représentaient plus que la moitié de ce qu’elles valaient le jour précédent. Pire pour ces familles, les prix de tous les biens importés avaient doublé. Cependant, pour les investisseurs étrangers, la dévaluation fut une aubaine car avant la dévaluation, ils se sont débarrassés du Franc CFA pour acheter des devises étrangères. Après la dévaluation, ils sont revenus avec des devises qui valaient le double de ce qu’elles valaient avant.
Si la valeur de cette monnaie était déterminée en fonction des économies de la zone CFA, il n’y aurait certainement pas eu une dévaluation brusque et brutale car sa valeur aurait fluctué en fonction de la performance économique et de la politique monétaire des pays membres. Par conséquent, vu que le Franc CFA est arrimé à l’Euro avec un taux de change fixe, (depuis 1999, le Franc CFA s’échange à 655,957 contre 1 Euro), la valeur du Franc CFA dépend de celle de l’Euro. Ainsi, si l’Euro s’apprécie par rapport au Dollar ou au Yuan en fonction des politiques monétaires de la Banque Centrale Européenne ou des conditions économiques de la zone Euro, il va de soi que le Franc CFA va aussi s’apprécier par rapport aux autres devises et cela quelques soient les conditions économiques qui prévalent dans les pays utilisant le CFA. Les pays de la zone CFA ne sont donc qu’une prolongation de la zone Euro. Donc la zone CFA n’existe pas, il n’y a qu’une zone Euro. Ainsi, le Sénégal, le Mali, la Côte d’Ivoire et tous les autres pays de la zone CFA ne sont en fait que des pays de la zone Euro mais qui n’ont malheureusement pas la même voix ou les mêmes avantages que les pays européens de la zone Euro.
Si la valeur du Franc CFA dépend donc de celle de l’Euro, les pays de la zone CFA ne devraient-ils pas être représentés à la Banque Centrale de l’Europe où se décide la politique monétaire de la zone Euro ? Tel n’est pas pourtant pas le cas. Alors, au-delà des questions de souveraineté et d’indépendance, pourquoi accepter un tel arrangement qui fait des pays africains de la zone CFA des pays de l’Euro sans les avantages que confère l’appartenance à l’Euro? Par ailleurs, à quoi servent les banques centrales de l’Afrique de l’Ouest et du Centre si elles ne s’occupent même pas de la valeur du CFA ? Finalement, avec la Chine devenant de plus en plus présente en Afrique et l’Euro toujours forte, il n’est plus un secret que les pays de la zone CFA ne sont plus aussi compétitifs. Par conséquent, une autre dévaluation ne serait pas à exclure si des changements majeurs ne sont pas opérés.
Abdoulaye Barry
Portland, OR USA
ajbarry@live.com
Monsieur Barry, je crois qu’en raison de votre éloignement de l’Afrique (Portland USA), vous êtes donc en retard d’un train !!
En effet, vous êtes encore adepte de cette jalousie pathologique contre le Franc CFA, alors que cette monnaie n’existera plus en 2020 ; puisque le Franc CFA changera bientôt de nom (pour s’appeler peut-être l’Afro) et deviendra la monnaie unique de la CEDEAO !!
Il y a de nombreuses contre-vérités dans vos propos ; mais, je ne m’évertuerai qu’à relever les plus grossières !!
Le Maroc, l’Algérie et la Tunisie n’ont jamais eu le Franc CFA pour monnaie et appartenir à la zone franc ne veut pas automatiquement dire qu’on a le CFA pour monnaie ; le cas des Comores (qui est certes dans la zone franc ; mais, n’utilise pas le CFA) est là pour le prouver, même en 2018 !!
En ce qui concerne la Guinée, elle est la preuve que le Franc CFA n’a jamais été un frein au développement, contrairement à ce que disent les pourfendeurs de cette monnaie ; quand on compare la Guinée et la Côte-d’Ivoire !!
La Guinée a créé sa propre monnaie nationale après son accession à la souveraineté nationale le 2 octobre 1958 et n’a plus jamais utilisé le CFA.
Tout africain censé se pose donc la question de savoir pourquoi la Guinée, qui est un scandale géologique et hydraulique ; dont aucun pays de l’UEMOA ne lui arrive à la cheville en matière de richesses, est actuellement « la dernière de la classe », parmi les ex-colonies de l’Afrique occidentale française (AOF) !?
Concernant la Guinée Bissau, le CFA n’a rien à voir avec l’instabilité politique de ce pays !!
Si ce pays change de constitution et passe au régime présidentiel, tout rentrera dans l’ordre !!
La stabilité monétaire acquise grâce au CFA, a été plutôt un atout pour la Guinée Bissau qui aurait sombré dans le chaos depuis belle lurette n’eut été ce rempart !!
Cher frère, il faudrait vous mettre à jour ; car, la guerre contre le CFA est caduque et a pris fin avec la monnaie unique et déblatérer sur l’histoire du Franc CFA n’y changera rien !!
En 2020, le Franc CFA changera de nom et deviendra la nouvelle monnaie unique de la CEDEAO et selon les conditions des pays membres de l’UEMOA !!
Il a été décidé à Accra le 21 février 2017 que les pays de la CEDEAO, remplissant les critères de convergence (Pays membres de l’UEMOA) lancent la nouvelle monnaie et les autres prendront le train en marche.
Se pose cependant une grande question : L’UEMOA doit-elle lâcher la proie pour l’ombre, en matière de stabilité monétaire !? C’est à dire renoncer à la parité fixe avec l’euro, au profit d’une monnaie flottante, future monnaie de singe !?
Est-il vraiment nécessaire de renoncer à cette parité qui a donné durant plus d’un demi-siècle, sa crédibilité au Franc CFA et qui en fait une monnaie prisée dans les pays voisins de l’UEMOA !?
Les populations de l’UEMOA diraient majoritairement « NON », si elles étaient consultées !!
La nouvelle monnaie n’est pas une camisole de force pour les pays membres de la CEDEAO et si le Nigéria n’en veut pas, il n’est pas obligé d’adopter cette monnaie unique !! Par contre le Ghana, la Gambie, le Cap-Vert et le Liberia en sont très intéressés !!
L’Angleterre n’a jamais accepté l’Euro ; ce qui n’a pas empêché la création de cette monnaie ; donc le Nigéria a le droit de bouder cette monnaie qu’il n’a pas piloté et conçu !!
Durant 17 ans, le Nigéria, malgré son égo surdimensionné, a été incapable dans le cadre de la ZMAO de créer l’Eco, cette monnaie qui devait par la suite fusionner avec le Franc CFA ; ce pays ne peut donc pas s’ériger aujourd’hui en donneur de leçons et bloquer à nouveau le processus !!
Les 8 pays membres de l’UEMOA qui eux, respectent tous les critères de convergence vont créer en 2020 la nouvelle monnaie de la CEDEAO ; mais qui ne devra cependant pas s’appeler Eco ; car ce nom porte la poisse (17 ans d’échec) !!
Après 2022, si cette nouvelle monnaie est aussi viable que le Franc CFA qu’elle aura remplacé, alors les autres pays de la CEDEAO qui auront réussi à respecter les critères de convergence pourront être intégrés (Guinée, Liberia, Sierra Leone et Ghana).
Quant à la Gambie et au Cap-Vert (qui a un parité fixe avec l’euro), compte tenu de petitesses de leurs économies, ils pourront même intégrer la monnaie unique dès 2020 ; c’est à dire, en même temps que les pays membres de l’UEMOA !!
Par contre, le Nigéria et le Maroc peuvent aisément se passer de cette nouvelle monnaie unique (Afro), qui pourrait même plus tard, s’étendre aux pays membres de la zone CEMAC et devenir pourquoi pas l’embryon de la future monnaie unique africaine !!
A l’impossible nul n’est donc tenu !!