‘’Je suis rentré en Guinée pour les jeunes qui ont beaucoup plus besoin de nous et qui ne savent pas comment nous avons commencé. Ils doivent le savoir, certainement, cela les encouragera…  Il ne faut pas qu’ils attendent l’emploi, mais ils doivent aller le trouver. Et savoir que c’est à l’Etat d’attendre quelque chose des jeunes, non pas le contraire.’’ Dixit Tidiane Soumah,  Président Directeur Général des structures de productions Tidiane World Music, artiste, producteur, manager, diffuseur, entrepreneur culturel, au cours d’un entretien exclusif qu’il a accordé à notre rédaction.

Parlez-nous de votre structure Tidiane World Music ?

Les productions Tidiane World Music sont une agence de production, management, diffusion. Cette structure a 19 ans d’expériences et j’ai 26 ans. J’ai débuté en solo en octobre 1993. Tidiane world music est le fruit de plusieurs aventures avec d’autres associés et structures. Ma structure a une longue expérience pour avoir organisé environ 900 concerts à travers le monde dont 600 en Guinée. Tidiane world music a évolué 8 ans en Guinée et 11 ans au Canada. J’ai observé le pays durant un an et en  2012, j’ai décidé de rentrer définitivement. En août 2010, je suis venu en Guinée afin d’apporter ma touche pour la consolidation de la paix en période électorale. Après je suis reparti pour gérer des concerts au stade de France et à Montréal avec Degg J Force 3 et Banlieuz’art. Présentement, je suis en train d’ouvrir mes bureaux à Conakry et je forme une trentaine de jeunes dont la moitié sont des femmes que j’intègre dans mes activités. J’ai décidé de prendre une trentaine d’artistes pour les former en gestion de carrière. Je suis rentré beaucoup plus pour les jeunes qui ont beaucoup plus besoin de nous et qui ne savent pas comment nous avons commencé. Ils doivent le savoir, certainement, cela les encouragera.

En mars 2012  à Conakry, vous avez offert un concert rendant hommage à Miriam Makéba. Quel a été le motif de cet évènement ?

J’ai commencé à promouvoir ce projet depuis Montréal.  Ce concert a deux objectifs : primo, c’est pour rendre hommage à Miriam Makéba. Donc une manière de la faire revenir dans les esprits des gens pour qu’elle serve de modèle aux nouvelles  générations de chanteurs. Le fait de chanter est un idéal, une vision.  Secondo, c’est une manière d’introniser Aicha Koné, la diva de la musique africaine.  D’ailleurs qui a choisi la musique à cause de Makéba. Après trente ans de carrière, il est temps qu’elle prenne la place de Miriam Makéba. Mais entre temps, les données ont changé en Guinée à cause de la présidentielle. Alors, je suis rentré immédiatement en Guinée pour organiser le concert  » Bougez dans la paix  » qui a été financé par la Banque mondiale. Puis celui d’Alpha Blondy dans la série ‘’Vivre dans la paix’’. D’ailleurs la deuxième série sera avec Takana Zion, Sizzla et Capleton en ce mois de mai. Après ces concerts, nous avons continué au stade de France avec Bambino et Mory Kanté. Degg J Force 3, Banlieuz’art à Montréal.  Soprano à Conakry et nous avons clôturé l’année précédente par Youssou N’Dour (ndlr : actuel ministre de la culture et tourisme du Sénégal), Sékouba Kandia et Takana… Pour l’exécution de notre plan d’actions 2012, nous avons démarré avec Miriam Makéba. C’est la première série de African Renaissance Live. Ceci, pour faire renaître les anciennes gloires de la musique africaine, en faisant participer les nouveaux talents. Aujourd’hui quand on parle de concerts ou d’évènements réussis, on parle des productions Tidiane world music.

Quel est le petit secret de Tidiane?

Le secret, c’est d’abord l’amour du travail. Ne pas tricher dans ce qu’on fait. Nous bossons dur et nous investissons énormément.  Dans le monde du show business, il y a des promoteurs ici qui ramassent de l’argent avec les sponsors, et sur le terrain, ils ne font rien.  Ils n’investissent pas sur les artistes, dans la programmation, dans la production et dans la promotion. C’est très dommage que les gens se servent de la culture pour s’enrichir. Le terrain est là pour dire qui fait quoi. Nous ne trichons pas dans ce que nous faisons. C’est pour cela, nous avons de  très bonnes relations avec les sponsors et les medias. Depuis notre retour en Guinée, nous avons programmé plus de 150 artistes guinéens, en investissant près de 250 millions et cela en un an et demi seulement. Nous n’hésitons pas d’investir ! Par contre, il y a des structures de productions ici, qui ont plus de 10 ans, mais qui n’ont toujours pas investi plus de 50 millions sur les artistes guinéens. Dans tout ce qu’on fait, il faut toujours créer un climat de confiance.  Bref, seul travail paye, c’est ça le secret.

La réussite ne tombe pas du ciel. Comment Tidiane en est arrivé là ?

Ma carrière a démarré au lycée et j’étais acteur de scène du primaire au lycée et aussi dans la grande troupe de l’université de Conakry. J’ai été audacieux. Avant de demander de l’aide à ton pays, montre d’abord de quoi tu es capable, l’aide suivra après. Le show business est mon amour, mais cela ne m’a pas empêché d’étudier. C’était plutôt un plus pour moi. J’ai fait des études en sociologie, j’ai été major et j’ai suivi une formation en management à Montréal. J’ai travaillé fort et dur. J’ai eu une mère enseignante et un père infirmier.

En réalité, tout ce qui est facile n’est pas bien. Ici, nous avons conçu une société de gens en attente de l’Etat. Je me suis passé des postes de l’Etat mais, je vis. En 26 ans, je n’ai reçu qu’une seule aide de l’Etat. C’était lors du concert ‘’Vivez dans la paix’’, où une partie des charges a été prise par les autorités publiques. Pourtant, j’organise des événements qui sont excessivement chers. Depuis l’université, mon amitié avec les gens c’est le boulot, la sincérité. Si tu es sincère, tu travailles, nous sommes ami sinon oublie-moi.

Dans les années 1985, 1986 l’université était rempli d’étudiants mais, il n’y avait pas d’espace culturel pour les étudiants. La venue d’Aboubacar Somparé comme recteur, nous a facilité les choses. Paff nous lui avions informé que nous voulions créer une structure culturelle pour animer le campus. Voilà où est né l’aventure! Ma mère à l’époque m’a donné 2000 Francs guinéens. Cet argent nous a servi à imprimer quatre lettres dont une pour M. Somparé, lui demandant l’autorisation de notre structure ; une pour Madame Aïssatou Bella Diallo qui, nous a ouvert les portes des medias ; une pour Facinet Touré qui était à l’époque Ministre des Transports, et la dernière pour UGAR qui nous a sponsorisé durant deux ans. Nous avons commencé à produire les vedettes étrangères très tôt comme Ami Koïta. Nous nous sommes fait de l’argent sans aller nulle part, en organisant des événements à la portée de tout le monde où la rentrée était à 250 Francs Guinéens. Cet argent nous permettait de financer les activités que nous initions et réalisions. Nous avons financé nous-mêmes notre voyage sur Kankan qui coutait 6 millions. L’actuel ministre de l’enseignement pré-universitaire peut en témoigner.

Après la fac, nous avons créé Chitiba (Cheri, Tidiane, Bao). C’est là que la vision a changé. D’autres membres travaillaient déjà pour l’Etat guinéen et je n’étais pas au courant de cela. Alors, j’ai claqué la porte car, j’ai ma façon de voir le monde. En juin 1992, j’ai décidé alors d’évoluer seul. A cette époque Rougui Baldé venait de lancer gris-gris production et moi j’ai lancé Ibro en septembre 1993. En octobre de la même année, j’ai créé Tidiane World Music. J’ai eu la chance après l’école de travailler à l’Unicef. J’y ai fait au moins 5 ans.  J’ai installé les comités Unicef de toute la Guinée. J’ai été aussi le pont entre le ministère de l’enfance, de la femme et l’Unicef. J’ai aidé les jeunes du marché Niger en les formant dans le cadre du projet Ange-gardien, financé par l’ambassade des Etats-Unis et l’Unicef. J’ai été d’abord Consultant Assistant Infocom et j’ai travaillé comme chargé de communication externe au PNUD dans le cadre de lutte contre la pauvreté parallèlement avec mes activités. Donc je suis dans l’humanitaire aussi. Je suis arrivé du canada avec une certaine fierté j’étais directeur du plus grand festival de toute l’Amérique du nord pendant 7 ans. D’ailleurs j’ai créé mon propre festival qui a produit Degg J Force 3. Aujourd’hui, j’ai un chiffre d’affaires qui dépasse 3 millions 500 mille USD.

Que dire aux jeunes qui ont des atouts qui dorment en eux ?

Les jeunes doivent croire en eux, initier et réaliser des choses.  Développer les atouts qu’ils ont, les mettre en valeur. Aujourd’hui, aucun politicien ne peut me prendre pour me mettre dans son parti parce que je sais c’est dans son intérêt pas le mien. Ce n’est pas la politique qui va vous donner le bonheur c’est votre travail, votre lutte qui le fera. Ni le régime en place, ni l’opposition, n’est capable de donner aux jeunes immédiatement le bonheur. Le régime n’est pas fautif de cette situation actuelle des jeunes, c’est une accumulation de la mauvaise gestion. Donc les jeunes doivent être intelligents et savoir qu’en attendant que ceux qui veulent venir au pouvoir ne sont pas encore au pouvoir. Donc ils ne peuvent pour le moment leur donner le bonheur.

En attendant que celui qui est au pouvoir ait les moyens de les aider et que celui de l’opposition vienne au pouvoir,  les jeunes  doivent penser à eux, se dire qui je suis et qui je veux devenir dans l’avenir et se mettre à la tâche. Je demande aux jeunes de croire en eux, de ne pas s’assoir et attendre les autres, oublier l’Etat. C’est à l’Etat d’attendre quelque chose d’eux, non pas le contraire. Ne pas blaguer dans la formation. Ne pas attendre le marché de l’emploi, mais aller le trouver.

Par Fatoumata BB DIALLO