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La Guinée n’est pas une famille

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[dropcap]L[/dropcap]e véritable frein au développement de ce richissime pays reste l’ethnocentrisme… Etre solidaire les uns des autres, s’entraider, se respecter mutuellement et surtout partager du bonheur, c’est ça la famille.

Or à priori, la Guinée manque quasiment de toutes ces vertus. Et l’ethnocentrisme qui est la tendance vers la division et qui à l’encontre des valeurs de la République, est fort malheureusement la caractéristique principale du peuple de Guinée.

D’abord, les forces vives de la nation qui sont censées orienter le peuple, déterminer la direction, la bonne direction qui mène à la République, sont elles-mêmes déboussolées par l’ethnocentrisme.

Prenons le cas des élites. La réussite d’un fils du terroir est toujours vue comme un atout pour sa communauté et considérée comme un facteur d’influence sur les autres communautés.

Lorsqu’on est nommé ministre, directeur ou élu à un poste de responsabilités, on organise une fête à coloration ethnique à domicile, expression flagrante de la volonté réelle de chaque communauté d’accéder au pouvoir. Et par conséquence, influencer les autres.

Mais qu’est-ce qu’un ministre ou élu peut bien faire pour sa communauté ? Pas grand-chose. Au contraire, il profite de cette illusion de sa communauté et du laxisme des autres pour s’enrichir illicitement, en toute impunité. Comment ? Par la corruption, le détournement des deniers d’abord, puis par la création d’entreprises dirigées généralement par les membres de sa famille ou prête-noms, exonérées de toute obligation fiscale et prédisposées à arracher les contrats gré-à-gré de l’Etat.

Phénomène nocif qui, aujourd’hui, à saper viscéralement les fondements réels de l’Etat. Cette manière ethnocentrique de concevoir le succès détruit la Guinée et pousse le peuple vers le culte de la personnalité. Cela explique d’ailleurs l’échec de certains cadres visiblement honnêtes dans leurs missions.

L’ethnocentrisme est la base de la difficulté d’intégration sociale. Un jour, je discutais avec un ami traditionaliste au sujet de la démocratie qui m’a dit ceci : ‘’Chez nous, le plus âgé occupe la position de chef du village. Quand je serai le plus âgé, je rentrerai définitivement au village pour cette raison’’. Et si c’est un étranger, dans ton village, qui est plus âgé que toi?, demandais-je. ‘’Non ! Un étranger et un étranger même s’il fait 50 ans chez nous’’, m’a-t-il répondu.

Vous voyez, jusqu’à présent, il y a des guinéens (la majorité, je pense) qui pensent de cette manière. C’est pourquoi, on entend souvent des propos comme : ‘’Je ne suis pas à Conakry pour regarder les bagas. Je suis là pour chercher de l’argent, car, c’est que ma communauté attend de moi. La Guinée est maudite, vaut mieux s’occuper de ses propres intérêts’’.

Quand un guinéen dit, en parlant de son citoyen : ‘’Le guinéen est méchant ou le guinéen est malhonnête ou encore le guinéen est sale’’, dans la plupart des cas, il pense aux autres ethnies ou communautés que la sienne. Car ces propos se tiennent souvent dans l’intimité communautaire.

Comment peut-on parler de la famille dans cette réalité, alors que la notion de Nation manque en nous ? Nous manquons réellement de volonté de faire de la nation véritablement unique. Le guinéen perçoit la Guinée comme un ensemble où sa communauté devrait être mise en avant. Dans le cas contraire, il considère que le pays va mal. C’est donc démagogique de dire que la Guinée est une famille !

Par ailleurs, la Guinée se conforte dans l’injustice et l’impunité à cause de l’ethnocentrisme. En général, les guinéens manifestent contre les actes politiques de l’Etat qui violent la loi. Mais on s’indigne rarement contre les faits qui déshumanisent  notre société. Pourquoi on ne s’indignerait pas contre l’état catastrophique de nos routes qui stagne nos activités et qui altère nos conditions physiques ?

Pourquoi on ne s’indignerait pas du fait que la majorité vit sous le seuil de la pauvreté alors qu’un petit groupe de nantis mène un train de vie luxueux ? Pourquoi on ne s’indignerait pas contre l’insalubrité qui nous tue progressivement ? Pourquoi on ne s’indignerait pas contre la nature même du rapport Etat-citoyen qui est tout à fait injustement oligarchique ?

C’est tout simplement parce que nous avons pris l’habitude de ne lutter que pour accéder au pouvoir, point. Ce qui donne un caractère politique à la plupart des manifestations en Guinée. Sinon, pourquoi pour les causes nationales, c’est souvent la zone appelée péjorativement l’axe Bambeto-Cosa qui manifeste contre le régime ? Pourquoi la Sig Madina (majoritairement malinké), ne manifeste pas contre ce régime pour les mêmes causes ?

A l’état de dégradation morale où nous sommes, la plupart des organisations, qu’elles soient politiques ou sociales, y compris l’Etat, agissent contre la République de Guinée.

Quant à cette éternelle impunité dans notre pays, elle prend sa source dans le fait que nos sentiments encouragent l’enrichissement illicite des élites issues des différentes communautés qui sont, à nos yeux, les représentants communautaires qu’on attend comme des prophètes pour changer nos vies.

Nous pensons presque tous de cette façon : ‘’Quoi qu’il fasse, il reste mon parent et j’irai toujours des privilèges tant qu’il est aux affaires’’. Bref, la Guinée n’est pas une famille. Elle n’est pas même pas véritablement une nation. Et la mission principale d’un digne fils de ce pays, est d’œuvrer à construire cette ‘’famille’’ en luttant contre l’ethnocentrisme.

Lutter contre l’ethnocentrisme, c’est lutter contre la corruption, le détournement des biens publics, l’injustice, l’impunité. Mais aussi et surtout favoriser l’intégration sociale.

M.L. Bangoura Amine, dans Bingo

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2 commentaires
  1. Bangoura dit

    Bravo mon frère c’est très bien dit

  2. amaral dit

    très très bonne analyse, mon frère rien à dire. aujourd’hui, en guinee ou ailleurs, si tu entends ton compatriote parler en une autre langue que la langue de ta communauté tu t’en éloignes par peur, manque de securité, par haine, par manque de confiance….
    quand est ce que ça finira. même dans nos salons nous denigrons les autres ethnies, et cela devant nos enfants. même l’ amour qui existe les personne en souffre.

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