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La Guinée renoue avec la violence : SOS et hymne pour une jeunesse en danger (opinion)

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IMG_3345 [dropcap]G[/dropcap]uinée : Au moins 5 morts ! Tel est le titre des médias et des flashes infos de la presse internationale ! Cinq morts de trop !  Car ce pays, mon pays, notre pays, la Guinée, a trop versé le sang de ses filles et fils ! Les autorités de toutes époques, les systèmes passé et actuel ont trop joué avec la vie du Guinéen ! Alors stop !

Que se passe-t-il encore ?

Depuis plus de trois semaines, la Guinée est sous les tourments et les violences subséquentes aux revendications des élèves, étudiants, enseignants et autres  corps affiliés.

Ces mouvements de revendications rappellent les grèves des mêmes corporations de 2006 qui ont atteint leur paroxysme en janvier 2007 en se soldant par des dizaines de morts et disparus. La même logique se dessine et reproduit l’histoire douloureuse du pays. Dans la journée de ce lundi 20 février, encore un lundi, comme celui de septembre 2009, « le lundi noir », des Guinéens sont tombés sous les balles des forces de l’ordre. A ceci s’ajoutent plusieurs dizaines de blessés et de nombreuses arrestations.

Ces dernières concerneraient l’artiste Elie Kamano et des responsables des mouvements de jeunes qui seraient issus de la grève en cours. Paradoxe, les pros tout comme les anti-grèves se retrouvent dans les commissariats urbains ou autres centres de détention de Conakry.

Comment est-on arrivé à ce stade qu’on ne peut plus tragique ?

Les raisons sont nombreuses et seule l’analyse de la situation socio-politique du pays pourrait donner une tentative d’explication.

La Guinée est gangrénée par toutes sortes de maux : corruption, faillite du pouvoir en place, démission, si ce n’est trahison des élites politiques et des cadres, toutes catégories confondues. Me dira-t-on qu’il s’agit d’une vision simpliste qui accuse tout le monde. Mais non ? Il s’agit d’une  réalité  qui dure depuis six décennies. Des décennies durant lesquelles tout semble se répéter pour faire perdurer une situation on ne peut plus dramatique.

Du point de vue politique. Qu’est-ce qui compte depuis la fin du pouvoir militaire et l’arrivée du pouvoir actuelle ? Les élections ! Rien que les élections ! Aucun combat qui vaille si ce n’est celui des élections. Des élections qui n’ont rien changé si ce n’est du mauvais au pire. Pourquoi cela ? Dans notre pays, chacun court derrière un titre, un poste d’élu ou de responsabilité pour se beurrer et tirer le maximum de profit. Tout le monde, y compris le batteur de tam-tam, se voit non pas ministre, mais président ! On a eu Dadis me rétorquera-t-on.

Un seul exemple. Prenez la représentation nationale. Fermer l’assemblée nationale qui devrait être le haut lieu de la défense du peuple mandataire et dites à nos « honorables députés » d’aller travailler entre les sessions parlementaires ! Et faites le constat ! Vous verrez ! Moins d’un pour cent de nos honorables sont en activité ! Tous les autres sont, soit sans emploi, soit à la retraite. Pire, certains n’ont jamais travaillé de leur vie ! Résultats, la plupart attendent patiemment, que dis-je, impatiemment, la fin du mois pour toucher le pécule de député. Si ce n’est la prochaine session parlementaire pour se remplir les poches d’une session qui, rarement, aboutit à un résultat. Et de quoi en débat-on ? D’élections ! Encore  et toujours !

Si on s’empoigne, on braille sur les bancs de l’assemblée, c’est pour des élections ou des histoires de budgets. Quand  les jeunes se font tuer dans la rue  pour la revendication de leur droit inaliénable, ce qui compte, ce sont les élections ! La preuve, ces dernières semaines, on ne parle que de respect d’accords. Point de la revendication des jeunes ou de leur  sort.

 L’éducation, l’instruction, la formation des jeunes ne sont la préoccupation ni du pouvoir ni des partis politiques se réclamant de l’opposition. En tout état de cause, très peu s’en préoccupe. Pourtant, il s’agit de  questions vitales, de droit inaliénable comme le stipule l’article 26 de la déclaration universelle des droits de l’homme  dans ses alinéas 1et 2 :

« 1-Toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental. L’enseignement élémentaire est obligatoire. L’enseignement technique et professionnel doit être généralisé; l’accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.

2-L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine… ».

C’est pour la satisfaction de ces droits universels qu’on tue les jeunes guinéens. On les tue parce qu’ils revendiquent des enseignants et un minimum de formation. Ils ne revendiquent même pas de conditions d’études ou de moyens financiers. Ils ne se révoltent pas pour l’obtention de bourse d’études, d’aide de l’Etat qui paierait leur scolarité. Non, ils veulent tout juste des enseignants, des cours et des classes. On les tue donc pour ces besoins élémentaires.

Pire, ils ne semblent pas être les seuls à payer de leur vie la revendication d’accès à l’éducation et à la culture : des innocentes personnes, des parents, des citoyens lambda semblent également avoir été fauchés par les balles des forces de sécurité alors qu’elles n’avaient rien à voir avec la grève. D’autres sont blessés (au nombre de 30 dit-on). Et qui sait si on en restera là dans un pays où le plus petit rhume ne se soigne pas.

Tous ces morts  à cause d’une classe politique au pouvoir, parfois hors du pouvoir, gangrénée, laxiste et incapable de satisfaire les besoins des enfants du pays.

Comment peut-on laisser une simple revendication éducative ou salariale perdurer près d’un mois dans un pays dirigé par des hommes et des femmes qui se targuent tous, au lendemain de leur nomination, du titre de docteur en ceci et en cela ? Dire que ce même pays a à sa tête un ex-enseignant d’université à qui les lécheurs de bottes ont affublé  le titre de « Professeur » -et qui semble bien s’en accommoder- rend la situation plus douloureuse.

Que dire si ce n’est notre pays est loin de sortir de l’ornière ; que nous sommes encore dans un trou aussi sombre qu’en 2006-2007.

L’évidence s’impose : le chemin est encore long car chez nous les systèmes se succèdent et se ressemblent. Les premiers semblant être meilleurs que les seconds et font le nid des nostalgiques. Pourtant, qui a connu les premiers sait ce dont il s’agit !

Comment a-t-on pu abandonner les  élèves et leurs enseignants seuls se démener face à un pouvoir myope et incapable de mener une négociation ? Face à un système qui préfère laisser la situation pourrir pourquoi avoir laissé les jeunes et leurs enseignants descendre seuls dans la rue comme si leur revendication ne relevait pas de l’intérêt de la nation ? Comme s’ils n’étaient pas des enfants de la nation, des citoyens ou futurs citoyens qui forment le devenir du pays.

Je m’interroge !

Où sont les syndicalistes qui se sont construits et bâti leur avenir sur les violences, les larmes et le sang des jeunes des années 2006-2007 ? Où se cachent-ils ? Pourquoi sont-ils muets ?

Où sont les partis d’opposition si aptes à faire descendre cette jeunesse dans la rue au nom de la défense des droits de grèves et de manifestation ? Où sont les harangueurs de cette jeunesse et qui se faisant passer comme les nouveaux messies au motif que tous les anciens sont pourris ?

Où sont ceux-là qui disaient qu’ils apporteraient le changement du fait de leur jeunesse tant politique que biologique ? Sont-ils happés par le système ou attendent-ils comme bien d’autres le prochain remaniement pour se tailler, au prix de leur forfaiture coupable, un département ministériel ? On sait que certains ont déjà tronqué leur manteau d’opposant en soutien ouvert du pouvoir ?

D’autres  seraient-ils tout simplement tombés sous les charmes des forces obscures qui se cacheraient sous les dalles de Sékhoutouréyah ? La question se pose d’autant plus qu’ils sont rares ceux qui, après avoir parloter ou échanger une accolade avec le locataire des lieux, ont ouvert la bouche par la suite pour dénoncer le système.

Le gouvernement guinéen, au plus haut niveau, étant incapable de solutionner quoi que ce soit, pourquoi l’opposition se complait-elle dans des parades, des discours lors d’assemblée générale et laisse la jeunesse se faire tabasser, violenter et se faire tuer ?

Qui va apporter la solution à notre pays quand ce qui se passe actuellement rappelle à bien d’égard la fin du pouvoir du général. N’est-ce pas que celui qui est actuellement à la tête de la Guinée, accaparé par des souteneurs de tout bord et de tout acabit, des démagogues et autres incultes qui lui prédisent encore 50 ans de règne et non plus 2 ou 3 mandats, semble indifférent à tout ?

Alors que faire ?

Il appartient au peu de cadres patriotes de l’extérieur comme de l’intérieur de se lever et d’écrire une page, non pas nouvelle, mais une page tout court de notre pays. Pour ce faire, point besoin de manifestations pour encore massacrer la jeunesse, il s’agit tout simplement de la conscientiser, la former à travers d’actions civiques.

Il s’agit de briser les barrières des politiques fondées sur l’ethnie, le clan, la tribu, la famille et autres accointances  pour dessiner une nouvelle vision ! Il faut, dès à présent, expliquer à cette jeunesse que depuis 1958, tout ce qui lui a été promis n’est que slogan, gageure et promesses de circonstance !

Il faut l’aider à se construire en l’enracinant dans la nation par l’éducation et l’enseignement de sa vraie histoire et de l’histoire du pays.

Notre jeunesse doit donc connaitre sa propre histoire. Au moins celle qui date de la jeunesse de la révolution démocratique africaine (JRDA) qui permit au parti démocratique de Guinée (PDG) de lui donner sa première mort en l’hypnotisant par un verbiage creux et mensonger.

Cette jeunesse doit comprendre tout autant son histoire présente dont la méconnaissance l’expose aux forces politiques actuelles : celles qui sont en train de la tuer symboliquement, en lui refusant l’accès à l’éducation. Mais aussi physiquement, en lui tirant dessus !

Cette jeunesse scolaire et estudiantine doit également appréhender l’enjeu face aux partis politiques qui l’abandonnent seule dans la rue quand c’est son avenir qui est en jeu. Elle doit s’affranchir des certains politiques, spécialistes de la récupération, qui n’hésitent pas à l’instrumentaliser contre l’adversaire et pour le besoin du moment. Les opposants d’hier qui sont désormais les avocats du système, les pourfendeurs de jour et visiteurs nocturnes ne doivent plus pouvoir compter sur cette jeunesse.

Notre jeunesse des écoles comme des universités doit comprendre ceci : quand tonne le canon du policier, du gendarme, du béret rouge ou vert, personne, ni parti ni responsable politique ne doit se cacher derrière les discours pour la soutenir du bout des lèvres. Les uns et les autres doivent descendre dans la rue avec elle. Ne le fait-elle pas lorsque les partis politiques font le rappel des troupes pour réclamer l’application de tel ou tel accord, l’organisation de telle ou telle d’élection, le respect du droit de manifestation ? Cette jeunesse doit donc être soutenue au-delà des barrières politiques ou syndicales !

La jeunesse guinéenne doit être sauvée ! Elle est l’avenir du pays !  Elle est, comme disait Léopold Sédar Senghor, la sève  de laquelle jaillira la Lumière de demain !

Je dis !

Jeunesse guinéenne, ton combat d’hier comme celui d’aujourd’hui viendra à bout des injustices et pansera un jour les plaies, parfois béatement ouvertes, par tes aînés qui t’ont souvent trahi ou abandonné !

Lamarana-Petty Diallo

E-mail : lamaranapetty@yahoo.fr

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