En Guinée, comme dans beaucoup d’autres pays africains, l’idée que « la prison est faite pour les hommes forts » continue d’alimenter les débats. Cette perception, nourrie par l’histoire de figures emblématiques comme Nelson Mandela, refait surface à chaque nouvelle arrestation de personnalités politiques.
Aujourd’hui, elle est ravivée dans notre pays par le cas d’Aliou Bah, président du parti MoDeL, récemment condamné à deux ans de prison pour « offense et diffamation » à l’encontre du président de la transition, le général Mamadi Doumbouya, décision confirmée en appel malgré l’indignation générale qu’elle a provoquée dans l’opinion publique nationale et internationale.
Depuis son arrestation en décembre 2024, Aliou Bah est devenu un symbole de la résistance au CNRD et à sa tentative de s’emparer du pouvoir civil en Guinée. Mais cela signifie-t-il que nous devrions normaliser l’utilisation de la prison comme outil de légitimation politique ? Faut-il se résigner à ce que les voix critiques du CNRD soient systématiquement réduites au silence par l’instrumentalisation de nos lois ?
L’argument, selon lequel, la prison forgerait des leaders politiques repose sur une vision romantique de la répression. Il occulte une réalité bien plus sombre des nombreuses victimes de la répression d’État. Pour chaque Mandela devenu président, combien de militants pacifiques restent oubliés, anéantis physiquement et moralement par des décisions arbitraires ?
Présenter la prison comme une « étape nécessaire » dans le parcours d’un homme politique revient à banaliser les dérives autoritaires. Cela légitime implicitement l’instrumentalisation de la justice pour briser les oppositions. Dans le cas d’Aliou Bah, ce n’est pas un combat d’idées qui a eu lieu, mais une volonté manifeste de criminaliser la parole politique.
Un État de droit digne de ce nom ne se mesure pas à sa capacité à jeter en prison ceux qui pensent différemment, mais à sa capacité à garantir un espace de liberté de débat, sans crainte ni représailles. La force d’un responsable politique ne doit pas être jugée sur sa capacité à survivre à la prison, mais sur sa détermination à défendre ses idées dans un cadre légal, libre et démocratique.
Déconstruire ce mythe selon lequel « la prison est faite pour les hommes forts » est essentiel à la construction d’une culture politique plus saine. Il ne s’agit pas de nier le courage de ceux qui, comme Aliou Bah, poursuivent leur combat politique malgré les épreuves, mais de rappeler que leur place naturelle est dans le débat public, et non dans une cellule.
Karamoko Kourouma