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L’Afrique, le continent de demain

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Le décollage économique de l’Afrique est une réalité. Mais il reste encore beaucoup à faire pour accélérer le processus de création d’emplois.

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L’Afrique n’est plus le «continent perdu» de l’imaginaire collectif. Le continent connaît un essor rapide depuis dix ans, le secteur privé prend de l’ampleur et une nouvelle classe de consommateurs détient un important pouvoir d’achat.

Avec une population jeune et en pleine augmentation, sa croissance future ne devrait connaître aucune limite: entre 2010 et 2020, le continent verra sa main-d’œuvre augmenter de 122 millions de personnes.

Une telle expansion devrait planter le décor d’une croissance dynamique, mais pour capter ce potentiel, un changement de stratégie de développement économique s’impose.

A son rythme actuel, l’Afrique ne génère pas d’emplois salariés assez rapidement pour absorber sa main-d’œuvre massive, qui en 2035 sera devenue la plus grande du monde.

Dans toute la mosaïque des pays d’Afrique, le défi est le même: créer les emplois qui garantiront aux populations une prospérité et une stabilité soutenues et permettront à l’Afrique de devenir un acteur majeur de l’économie mondiale.

Si les tendances actuelles se maintiennent, il faudra au continent un demi-siècle pour que la part de sa main-d’œuvre pourvue d’emplois stables et rémunérés atteigne le niveau actuel de l’est asiatique.

Les économies les plus développées d’Afrique connaissent de meilleurs résultats dans ce domaine, mais des insuffisances persistent même dans des pays comme l’Afrique du Sud, l’Egypte et le Maroc.

Faute d’emplois rémunérés, des millions de personnes seront obligées, pour survivre, de se tourner vers des activités de subsistance, laissant ainsi filer un vaste potentiel.

Pour déjouer ces prédictions, les leaders africains devront prendre des initiatives qui permettront d’accélérer le processus de création d’emplois, pour donner à la croissance économique des bases solides et continuer à élargir la classe émergente des consommateurs en Afrique.

Mais cela ne sera pas facile. Afin de mettre en lumière les opportunités et les obstacles, voici 10 informations que vous ignoriez peut-être sur le paysage économique africain:

1— L’Afrique est en plein essor

Ces dix dernières années, avec une croissance annuelle de son PIB de 5,1%, l’Afrique a connu la deuxième croissance la plus rapide du monde.

Une plus grande stabilité politique et des réformes économiques ont permis au secteur privé de s’épanouir dans nombre des économies diverses qui composent le continent.

En outre, la pauvreté recule. Une nouvelle classe de consommateurs la remplace: depuis 2000, 31 millions de ménages africains ont rejoint les rangs des consommateurs mondiaux.

C’est lorsque les revenus des ménages dépassent 5.000 dollars, mesurés en parité de pouvoir d’achat, qu’ils commencent à consacrer plus de la moitié de leurs revenus à autre chose qu’à l’alimentation et au logement.

Le continent compte désormais autour de 90 millions d’habitants correspondant à cette définition. Chiffre qui devrait atteindre 128 millions d’ici 2020.

L’Afrique dispose désormais d’un pouvoir d’achat considérable à utiliser à sa guise. Car contrairement à ce que l’on a tendance à croire, la plus grande partie de la croissance africaine vient des dépenses intérieures et des produits autres que les matières premières, et non du fort développement des ressources.

2— Bientôt la plus grande population active du monde

En 2035, la main-d’œuvre en Afrique sera plus conséquente que celle de n’importe quel pays du monde —plus nombreuse encore que celle de monstres économiques comme l’Inde et la Chine.

C’est l’occasion pour le continent de faire fructifier son capital démographique, en utilisant ses travailleurs jeunes toujours plus nombreux pour dynamiser sa croissance économique.

La configuration varie d’un pays à l’autre. Le Nigeria et l’Ethiopie, les pays les plus peuplés d’Afrique, verront leur main-d’œuvre s’enrichir de 30 millions de travailleurs —soit une augmentation de près de 35% d’ici 2020— tandis que l’Afrique du Sud devrait gagner 2 millions de travailleurs supplémentaires, soit une croissance de seulement 13%.

A mesure que la population active africaine grossira, le nombre d’enfants et de retraités financé par chaque travailleur passera du plus haut du monde aujourd’hui à un niveau comparable aux Etats-Unis et à l’Europe en 2035 —l’autre dividende du capital démographique.

Avec moins de bouches à nourrir et moins de personnes dépendantes à soutenir, les ménages africains vont commencer à bénéficier d’un pouvoir d’achat encore plus grand à utiliser à leur guise, ce qui alimentera d’autant plus la croissance économique.

3— Une main-d’œuvre plus instruite que jamais

Aujourd’hui, 40% des Africains ont suivi des études secondaires ou supérieures —un pourcentage en rapide augmentation. En 2020, la proportion de travailleurs diplômés du secondaire ou du supérieur aura augmenté pratiquement de moitié.

Si le nombre de diplômés est supérieur à ce que pourraient penser nombre d’observateurs extérieurs, il n’en reste pas moins que les pays africains ont encore des progrès à faire pour rester dans la course d’un point de vue économique.

Si 33% de la population active africaine a fait des études secondaires, c’est le cas de 39% des travailleurs indiens. En Chine, ce taux atteint rien moins que 66%.

Aujourd’hui, une nouvelle enquête McKinsey auprès de 1.300 employeurs africains révèle que le niveau d’éducation et de qualification n’est pas perçu comme un obstacle majeur.

Cependant, ce facteur est susceptible de prendre une importance croissante à mesure que les économies du continent se développent —en Afrique du Sud par exemple, les employeurs sondés ont évoqué parmi les obstacles aux affaires la difficulté de trouver des employés dotés de certaines qualifications essentielles.

Dans tout le continent, l’éducation et les programmes de formation pratique idoines pourront fournir à la prochaine génération de travailleurs les compétences relationnelles nécessaires pour n’importe quel métier —il ne s’agit pas simplement d’apprendre à lire, écrire et compter, mais aussi la ponctualité, l’art de la communication et la fiabilité.

4— Des emplois stables encore difficiles à trouver

Voici hélas le revers de la médaille: aujourd’hui, seulement 28% des Africains ont des emplois stables et rémunérés.

Pour récolter les bénéfices de ses bonnes données démographiques et de ses progrès en matière d’éducation, l’Afrique doit créer de nouveaux emplois au plus vite. Bien que 37 millions d’emplois rémunérés «stables» aient été créés au cours des dix dernières années, 91 millions de personnes sont venues grossir sa population active.

Conséquence, 9% de la population active est officiellement au chômage, et presque deux-tiers des travailleurs africains se nourrissent grâce à des activités de subsistance et en étant à leur compte, très peu payés—ce qu’on appelle des emplois «vulnérables».

La pauvreté est peut-être en recul, mais elle se maintient à un niveau obstinément élevé.

Le chômage des jeunes constitue également un immense défi. En Egypte, l’un des foyers du printemps arabe, le taux de chômage des adultes est modéré—mais à 25%, le chômage des jeunes est bien plus élevé.

La stabilité sociale et politique de l’Afrique nécessite qu’elle accélère sa création d’emplois stables qui sont la clé d’une prospérité durable et d’une augmentation du nombre de consommateurs.

5— De nombreuses réformes incontournables

L’expérience d’autres économies émergentes montre que l’Afrique pourrait accélérer sa création d’emplois stables de façon spectaculaire.

Lorsqu’ils étaient au même stade de développement que l’Afrique aujourd’hui, la Thaïlande, la Corée du Sud et le Brésil généraient deux à trois fois plus d’emplois qu’elle.

Si les tendances et les politiques actuelles se maintiennent, l’Afrique devrait pouvoir créer environ 54 millions d’emplois stables supplémentaires d’ici 2020, faisant passer la part d’Africains en bénéficiant à 32% de la population active.

Mais si l’Afrique se montrait au niveau de la Thaïlande, de la Corée du Sud et du Brésil, elle pourrait créer 72 millions de nouveaux emplois stables—et faire passer la proportion d’Africains qui en seraient dotés à 36%.

Voilà qui tirerait des millions d’Africains de la misère et propulserait des millions d’autres dans la catégorie des consommateurs.

Cela permettrait en outre de diminuer de plus de moitié le temps nécessaire pour atteindre le pourcentage d’emplois stables de l’est asiatique—soit de plus de 50 ans à juste 20 ans.

Les économies les plus développées d’Afrique —comme l’Afrique du Sud, le Maroc et l’Egypte—sont en bonne voie pour créer davantage d’emplois rémunérés qu’il n’y a de nouveaux actifs sur le marché du travail, ce qui permettra de réduire les rangs des chômeurs et des travailleurs vulnérables.

Trois secteurs en particulier ont déjà prouvé leur capacité de création d’emplois en Afrique et pourront le faire à l’avenir: l’agriculture, l’industrie, et le commerce de détail et l’accueil.

6— L’Afrique peut devenir le grenier du monde

Le continent compte environ 60% des terres arables en friche du monde, ce qui lui fournit une occasion en or de développer simultanément son secteur agricole et de réduire le chômage.

Selon les tendances actuelles, l’agriculture africaine devrait pouvoir créer 8 millions d’emplois rémunérés d’ici 2020.

En mettant en œuvre deux réformes majeures, l’Afrique pourrait y ajouter 6 millions d’autres emplois.

Premièrement, les responsables politiques devraient encourager l’expansion de l’agriculture commerciale à grande échelle sur les terres en friche.

Les pays africains ont besoin de réformer leurs droits fonciers et leur gestion de l’eau, de mettre en place leurs infrastructures et d’améliorer l’accès à des intrants tels que les semences, les financements et les assurances afin de donner un coup de fouet à leur agriculture.

Ce genre de démarches ont permis au Mali, qui a construit un système intégré terrestre, ferroviaire et maritime pour le transport des produits réfrigérés, de multiplier par six ses exportations de mangues vers l’Union européenne en cinq ans à peine.

Deuxièmement, les économies africaines peuvent passer de la production de céréales de faible valeur à des récoltes rapportant davantage; les fleurs et les biocarburants par exemple.

Non seulement cela dynamisera le PIB, mais cela créera des emplois: les matières premières comme les céréales emploient jusqu’à 50 personnes pour 1.000 hectares tandis que les produits horticoles en nécessitent jusqu’à 800.

7— Les produits made in China souvent moins chers

La part de l’industrie africaine dans la plupart des économies est sur le déclin, et cela doit cesser. L’Afrique devrait générer 8 millions de nouveaux emplois industriels d’ici 2020 mais pourrait presque doubler ce chiffre si elle pouvait inverser la tendance.

L’augmentation du coût de la main-d’œuvre et les taux de change en Asie donnent aux économies africaines l’occasion idéale d’étendre leur industrie manufacturière. Ici et là, des entreprises asiatiques sont déjà en train d’installer des usines dans certains pays africains pour regagner un avantage compétitif.

Les coûts élevés des transports et des facteurs de production, les taxes et la bureaucratie sont certains des obstacles qui ont entravé le secteur industriel africain dans le passé.

Le continent a aussi besoin de s’ouvrir aux investissements étrangers. Le Lesotho, pays d’à peine 2 millions d’habitants, exporte aux Etats-Unis 100 fois plus de vêtements par habitant que l’Afrique du Sud, car il a su rendre l’investissement attractif aux acteurs étrangers et mettre en place l’infrastructure ferroviaire et logistique nécessaire.

L’industrie textile, qui fournit un travail stable à 40.000 salariés, est le premier employeur du Lesotho.

Les perspectives industrielles varient en fonction du pays. Les grandes économies diversifiées comme l’Afrique du Sud ont une main-d’œuvre relativement chère, davantage de travailleurs qualifiés et des infrastructures bien développées, et doivent passer à une production à plus forte valeur ajoutée.

C’est ce qu’a fait le Maroc dans le domaine des équipements et de l’assemblage automobiles. Mais les pays africains moins développés ont encore des salaires et une productivité compétitifs et pourraient se transformer en centres industriels low-cost.

8— Seulement six centres commerciaux au Nigeria

Les consommateurs africains, toujours plus nombreux, dynamisent déjà la croissance du petit commerce, mais le secteur pourrait se développer bien plus vite.

Le potentiel du domaine de la vente au détail est largement en sommeil: en Ethiopie, en Egypte, au Ghana et au Nigeria, quasiment les trois quarts des achats d’alimentation sont faits dans de minuscules boutiques informelles.

Si les barrières entravant les acteurs étrangers étaient supprimées et que des initiatives étaient prises pour augmenter la part des magasins modernes, ce secteur pourrait enfin trouver son rythme.

Les secteurs de l’accueil et du tourisme recèlent aussi un énorme potentiel de croissance. Les économies avancées d’Afrique reçoivent aujourd’hui près de 70% des visiteurs internationaux, mais les pays moins développés ont les moyens d’améliorer rapidement leurs attraits touristiques.

Prenez le cas du Cap-Vert, qui a décidé de proposer aux investisseurs une trêve fiscale, des exonérations de taxes d’importation et l’expatriation sans frais aux investisseurs étrangers, jetant ainsi la base de son industrie touristique désormais florissante.

Aujourd’hui, un habitant sur cinq de cet Etat insulaire travaille dans le tourisme. Les secteurs du commerce et de l’accueil pourraient compter 14 millions d’emplois dans toute l’Afrique en 2020 si les réformes nécessaires étaient entreprises.

9— Les pétrodollars ne suffisent pas

L’exploitation minière, pétrolière et gazière contribue pour une grande part au PIB de l’Afrique, mais ces secteurs emploient moins de 1% de la population active.

C’est d’une stratégie de l’emploi dont a besoin l’Afrique, pas seulement d’une stratégie de croissance. Il faut aux pays de ce continent des programmes clairs pour créer des emplois, ciblant des secteurs à fort besoin de main-d’œuvre et qui bénéficient d’avantages comparatifs.

Les gouvernements, en collaboration avec des entreprises privées, doivent améliorer l’accès à ces secteurs au monde de la finance, construire les infrastructures nécessaires, supprimer les règlementations et les formalités administratives superflues, créer un environnement plus ouvert aux entreprises et développer les aptitudes requises pour soutenir les industries du futur.

Les équipementiers marocains sont un exemple de réussite. Conscient de l’avantage unique que constituait la proximité du pays et du vaste marché des Européens à hauts revenus, le gouvernement marocain a fixé comme objectif au pays de devenir le fournisseur automobile de l’Europe.

Le Maroc a analysé ses avantages comparatifs pour plus de 600 éléments automobiles et a fini par en choisir une centaine sur lesquels se concentrer. Il a ensuite créé deux zones de libre-échange dédiées à l’industrie automobile.

Aujourd’hui, le secteur emploie plus de 60.000 personnes, et cette année, une usine de montage Renault à un milliard d’euros y a vu le jour.

10— Un avenir prometteur, mais il reste beaucoup de travail

Plus de 300 millions d’Africains occuperont encore des emplois vulnérables en 2020. Et même si les gouvernements africains arrivent à motiver la création d’emplois, le nombre d’Africains occupant des emplois vulnérables continuera de croître pendant encore au moins 20 ans car la main-d’œuvre augmente à grande vitesse.

Ces Africains aux emplois vulnérables—et ceux qui n’en ont pas du tout—auront besoin de l’aide publique.

Les gouvernements africains peuvent utiliser leurs toutes nouvelles ressources pour faire passer la pilule: en investissant dans des programmes qui aident à organiser l’emploi de subsistance plus efficacement, ainsi que dans la santé et l’éducation des plus vulnérables.

Le défi de l’emploi africain est impressionnant, mais il n’est pas unique. Beaucoup d’autres marchés émergents ont transformé la configuration de leur marché du travail et connu de grandes avancées en termes de croissance économique, et pourvu qu’elle mette en place les bonnes politiques, l’Afrique, qui dispose des ingrédients nécessaires, peut connaître le même genre de succès.

Les entreprises et les investisseurs commencent à remarquer le potentiel du continent —pas uniquement sa foule de ressources naturelles mais aussi son vaste capital humain.

L’Afrique pourrait bien, en fait, se révéler être l’une des grandes prochaines histoires du monde.

 

Susan Lund et Arend Van Wamelen, (Foreign Policy)

Texte traduit par Bérengère Viennot)

Susan Lund dirige le McKinsey Global Institute, la branche affaires et recherche économique de McKinsey & Co. Arend Van Wamelen dirige les bureaux de McKinsey à Johannesburg.

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