[dropcap]L[/dropcap]a circulation routière bloquée par endroits, des magasins et commerces fermés avec une administration quelque peu paralysée. C’est le constat que l’on pouvait faire hier, 14 mai 2018, à Conakry, Kinda, Dubréka et Manéah, en Guinée.
Cela fait suite à l’appel à villes mortes lancé par l’opposition guinéenne conduite par Cellou Dalein Diallo aux fins d’exiger la publication, dit-elle, « des vrais résultats des élections communales » du 4 février dernier.
Et ce n’est pas tout. Dalein Diallo et ses camarades qui en ont gros sur le cœur, déplorent le fait que le pouvoir « rejette les propositions faites par les partenaires techniques et financiers ; histoire de concilier les différentes positions en vue d’une sortie de crise pouvant faciliter l’installation des conseillers élus des collectivités locales ».
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la Guinée a mal à sa gouvernance. Car, quand ce ne sont pas des femmes qui ruent dans les brancards pour dénoncer des violences policières, c’est l’opposition politique qui est constamment dans la rue, serinant la même antienne.
Conséquence, l’atmosphère socio-politique est constamment tendue, le pouvoir faisant preuve « d’une attitude arrogante » à nulle autre pareille. Tout se passe, en effet, comme si pour le président Alpha Condé, « le chien aboie et la caravane passe ». Toute chose qui n’est pas de nature à faire baisser le mercure social.
La Guinée court le risque d’un basculement
En témoigne la détermination de l’opposition à poursuivre la lutte ; elle qui, en plus de cette journée villes mortes, prévoit une série de manifestations à travers le pays. Dans un pays où sont prégnants les clivages ethno-régionalistes, et où la violence a pignon sur rue, on croise déjà les doigts, de crainte que tout cela ne se termine par un bain de sang ; ce qui allongerait inutilement la liste déjà trop longue des militants de l’opposition tués au cours de manifs de rue.
Cela dit, le président Alpha Condé est interpellé. Plutôt que de faire l’autruche, il doit ouvrir, dans les brefs délais, un dialogue franc et sincère avec l’ensemble de la classe politique, afin de trouver une solution durable à cette crise qui n’a que trop duré. A défaut, la Guinée court le risque d’un basculement, alors que se profile déjà à l’horizon la prochaine présidentielle. A moins que le président Condé n’ait fait le choix de jouer la carte du pourrissement pour in fine justifier son incapacité à organiser les élections de 2020 et prolonger ainsi son bail au Palais Sékoutoureya. Ce n’est pas impossible, surtout qu’on lui prête l’intention de vouloir briguer un troisième mandat.
En tout cas, l’appel à journée villes mortes de l’opposition constitue un avertissement sans frais pour le pouvoir qui, pendant qu’il est encore temps, se doit de prendre toute la mesure de la situation. Car, plus tard, ce sera trop tard.
C est trop partisane ces propos
Connaissant le personnage et le peu d’intérêt qu’il porte réellement à la cohésion sociale et à l’évolution sociopolitique et économique des populations de ce pays, cette dernière hypothèse de « pourrissement politique » n’aurait rien de surprenant…
D’abord, parce que c’est cette carte-là qui a permis entre autres, à Joseph Kabila du Congo RDC de se maintenir encore au pouvoir, sans élections depuis la fin de second et dernier mandat, en 2016. Ensuite, parce que la stratégie n’aura pas beaucoup de mal à fonctionner, avec l’Opposition Crédible molle et l’opinion publique culturellement résignée du pays. Et enfin, en raison des deux réussites les plus tangibles de la gouvernance d’AC: la répression militaro-policière assortie d’un réel musellement de la justice et la corruption d’Etat. Mais, qui vivra verra bientôt.