Ultimate magazine theme for WordPress.

Le combat contre Ebola en Guinée est loin d’être gagné

0

[dropcap]L[/dropcap]orsqu’on m’a proposé de partir en mission en Guinée, j’ai immédiatement accepté. L’inquiétude n’est venue qu’après. Ni les massacres d’Ituri en République Démocratique du Congo, que j’avais couverts, ni l’instabilité en Haïti où j’avais travaillé, n’avaient potentiellement menacé mes proches. 

EbolaCette fois, je ne craignais pas tant de partir que de revenir. Trois semaines d’incubation en famille, c’est long. L’idée d’exposer mes petites filles à mon retour me terrifiait. Pire, je n’étais pas convaincu par les recommandations médicales en vigueur (tu n’es pas symptomatique, donc tu n’es pas contagieux).

Le 11 septembre 2001, à New York, l’effondrement des deux tours avait été plus anxiogène pour ma famille en Europe, prostrée devant la télévision, que pour moi, circulant dans les rues de Manhattan. Après quelques jours passés à sillonner les villages de Guinée forestière, au cœur du foyer de l’épidémie, j’avais bien moins peur d’Ebola qu’avant mon départ d’Europe.

Villageois guinéens ou citadins occidentaux, le cocktail de peur et d’ignorance peut rapidement nous enivrer. Stigmatisation, repli sur soi, d’un côté; psychose irrationnelle, imposition d’une quarantaine infondée de l’autre. Difficile, parfois, de rester sobres.

Au cœur de la forêt guinéenne, j’ai accompagné mes collègues de l’UNICEF à la rencontre de communautés reculées, pour tenter de renouer un dialogue, négligé ou rompu, avec les habitants. Avec des leaders religieux, nous avons écouté leurs peurs et leurs colères, répondu à leurs questions, et équipé chaque village d’une structure intégrée de veille. Un travail de fourmi, profond, ardu, peu visible, sans lequel le combat d’Ebola ne peut être gagné.

Je mesure maintenant le trauma de ces habitants, qui doivent brusquement renoncer à leurs rites d’enterrements, qui ne peuvent plus tresser les cheveux de leurs défuntes, afin de minimiser les risques de contagion. J’ai compris pourquoi ils dissimulent parfois leurs malades plutôt que de les envoyer dans les grands centres de traitement, par peur de ne plus les revoir. Comment obtenir des changements de comportement indispensables et durables sans établir au préalable un dialogue, dissiper les peurs, rassurer, et tisser une relation de confiance?

Aujourd’hui, par peur d’Ebola, les parents guinéens vaccinent deux fois moins leurs enfants qu’auparavant et les cas de rougeole sont en nette augmentation. Plus de deux millions d’enfants sont privés d’école. Plusieurs milliers d’enfants ont perdu leur père, leur mère ou les deux à la fois. UNICEF se bat également pour eux, aujourd’hui, sur ces fronts-là.

Je sais aussi que le combat contre Ebola en Guinée est loin d’être gagné. La situation reste très préoccupante. Quelle monumentale erreur ce serait que de ne plus en parler, de ne plus y penser, de ne plus financer.

Bientôt, je rentrerai chez moi, en Europe. A la sortie de l’avion, je contrôlerai ma température, et si tout est normal, je m’empresserai d’embrasser mes petites filles. J’aurai alors troqué ma peur initiale d’Ebola contre une conviction: En l’absence actuelle de vaccin, la mobilisation des communautés est l’une des armes les plus puissantes dont nous disposions en Guinée contre Ebola. Avec UNICEF et ses partenaires, accordons-lui tout le soutien qu’elle mérite.

Christophe Boulierac 

Porte-parole de l’UNICEF à Genève

*Le titre est de VisionGuinee.Info

Place this code at the end of your tag:
Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Suivez nous sur les Réseaux sociaux !

Cliquez sur les boutons ci-dessous pour suivre les dernières actualités de VisionGuinee.info