[dropcap]L[/dropcap]e président guinéen est un homme avec un long parcours politique, cela fait largement consensus. Quant à la durée de son combat politique en tant qu’opposant aux régimes guinéens d’avant, on l’entend parfois dire avoir lutté durant 40 ans, d’autres fois 44 ans et d’autres fois encore, il revendique avoir mené cette lutte pendant 45 ans.

Sans porter trop d’attention à ce bémol arithmétique, si l’on retient le dernier chiffre, on pourrait dire qu’Alpha Condé aura donc cumulé 45 ans de lutte politique dans l’opposition et 10 ans d’exercice du pouvoir en tant que chef d’État. Ce qui fait un total de 55 années d’activisme politique sans repos ! Malgré tout ça, Alpha Condé veut encore demeurer président parce qu’il est aujourd’hui le candidat favori de l’élection présidentielle du 18 octobre prochain. Et la façon dont il est arrivé jusque-là n’échappe guère au plus naïf des individus.

Même l’inoxydable Fidel Castro, un des plus grands révolutionnaires inflexibles des temps modernes, avait fini par lâcher le pouvoir, alors même qu’en décembre 2007, il était  choisi par l’Assemblée nationale de son pays comme candidat pour la présidentielle de 2008. Mais 16 jours après ce choix, il y renonce en invoquant le motif suivant : « Mon devoir élémentaire consiste à ne pas m’accrocher à des fonctions et à ne pas non plus faire obstacle à l’émergence de personnes plus jeunes ». L’esprit le plus critique rétorquerait que de toute façon il n’avait plus le choix, en raison de son âge et de son état de santé fragile. Soit ! Néanmoins, le 17 décembre 2008, il tient sa parole et à  81 ans, passe la main à son frère Raul Castro après 49 ans de règne sans partage.

Nelson Mandela dont s’identifie Alpha Condé avait connu bien pire expérience que lui dans l’opposition : plus de 20 ans de sa vie foulée en prison, sans parler d’autres exactions, dans une Afrique du Sud polluée par la tragédie de l’Apartheid. Mais une fois libéré et devenu président, il ne fera qu’un seul mandat de 5 ans (1994 à1999) à la tête de son pays. Quant à son second « idole », Barack Obama, qui ne fera lui que deux mandats, ce dernier se moquera – dans l’enceinte même du siège de l’Union africaine – de tous ces chefs d’État qui se fixent à vie au pouvoir. Dans les faits, ni Castro, ni Mandela ni Obama ne sont des modèles pour Alpha Condé.

Quel autre président peut donc être considéré comme le modèle d’Alpha Condé en toute objectivité ? Il s’agit certainement du zimbabwéen Robert Mugabe. Élu pour la première fois président de son pays en 1990, il sera ensuite réélu 4 fois de suite. Il a fallu 2017 pour qu’il soit mis à l’écart à l’âge de 93 ans par un coup d’État qui conduit le Parlement à engager une procédure de destitution à son encontre.

En Guinée, avec la nouvelle Constitution qu’il a fait adopter, Alpha Condé se donne la possibilité de se faire élire deux autres fois pour une durée de 12 ans sans compter ses 10 ans déjà passés au pouvoir sans air de matamore. S’il réussit son exploit et parvienne à gouverner durant deux mandats de plus, il aurait alors été président pendant 22 ans. Cela lui vaudra en tout 45 ans de combat dans l’opposition et 22 ans d’exercice du pouvoir comme chef d’État, soit un total de 67 ans de vie politique pleine et entière. À cette date (2032), il sera âgé de 94 ans alors que Mugabe fut déposé à 93 ans. Ce qui sera un record inégalé en Afrique.

La vie politique d’Alpha Condé est à ce jour plus dense que celle de Lansana Conté et de Sékou Touré. Le président Conté qui menait une vie de militaire actif n’a pas eu de passé en tant que politicien, malgré cela il a totalisé 24 ans de présidence, de 1984 à 2008. Quant au président Sékou Touré, ce dernier a exercé 26 ans de présidence de 1958 à 1984 et 13 ans de syndicalisme politique très engagé. C’est en 1945 qu’il devient en effet le secrétaire général du syndicat des postiers de Guinée. Il totalise alors 39 ans de vie politique. Tous ces deux sont de loin derrière Alpha Condé qui totalise 55 ans de vie politique, 45 ans dans l’opposition et 10 ans au pouvoir. Quel record et pour quel bilan !

Aboubacar Fofana, ing.