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Le débat n’est pas d’ordre éthique ou moral, mais politique

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Je viens juste d’arriver au pays. Mon oncle qui avait des inquiétudes pour ma sécurité, à cause de mes écrits dénonçant  le régime défunt de mon cousin Alpha Condé, a exigé que je rende visite à l’imam de notre village.  Pourquoi Oncle ?  Il me dit à « cause de tes valeurs étrangères de monogamie et de solidarité ». 

Oncle, dis-je, j’ai une moralité qui me guide dans l’exécution de mon devoir de citoyen.  Je paie mes taxes là où je vis et mon pays hôte fait beaucoup pour les moins munis à travers le monde.  Quant à mon éthique, je suis contre la polygamie et les mariages précoces.  Quoi de plus dois-je faire ?  Va voir l’imam du village, cria-t-il.  Il t’attend grâce à mes bons soins, il te recevra immédiatement.  Remercie-le pour t’avoir reçu. Ce qui fut fait quelques heures plus tard.

Arrivé chez notre  imam, j’ai demandé sa bénédiction pour l’implémentation de mon éthique et ma morale pour tout notre village.  Il voulait prier pour moi, dit-il.  Cependant, étant lui-même polygame, il ne souhaiterait pas que mon éthique soit la règle de conduite dans notre village.  Quand je répondis que Dieu a créé tous les êtres humains égaux, il me conseilla de faire attention.  La règle de Dieu, dit-il, s’applique différemment parmi les croyants.  Les hommes et les femmes ne sont pas égaux m’annonça-t-il.  Vraiment fut ma question ?  Oui, tous les doigts de  ta main n’ont pas la même longueur, observa-t-il.  Ton éthique et ta morale ne marcheront que dans le village voisin, dit-il.

Pourquoi, lui dis-je ?  Cet  autre village a une tradition qui perdure depuis de longues décennies.  Il se fait gouverner par une autorité inclusive qui gère les affaires conjugales et le partage équitable de son butin. Il a même un nom que je déteste dit-il: « l’ETAT ».  Notre village n’a jamais pu s’entendre sur les questions fondamentales qui nous confrontent.   Pourquoi,  dis-je encore ?  Sa réponse, quoiqu’ambiguë, m’édifia sur la situation de notre sort particulier.

Selon lui, n’ayant pas pu résoudre ce qui, à moi,  semble être des questions très simples, nos ancêtres décidèrent de recourir à un village lointain qui avait pu ériger une autorité indépendante des exigences d’éthique et morale (« à chacun sa morale et son éthique » était leur slogan).  Ce village décida qu’une autorité laïque allait gérer les affaires publiques avec des règles au-delà de l’éthique et la moralité.  Quelle sottise de penser comme ça dis-je ?  L’imam me demanda de ne pas aller vite en besogne.

La politique, dit-il, repose sur des éléments qui lui permettent (à lui l’imam) d’être polygame et de garder sa petite richesse acquise tant bien que mal.  Les sages du village que nous voulons imiter, dit-il,  indiquèrent que la règle de conduite des êtres humains n’est pas une question de morale ou d’éthique mais plutôt politique.  Ceux qui ont le pouvoir décident de ce qui est acceptable et quelle autorité non religieuse doit exercer ce pouvoir.  C’est pourquoi me dit-il que très peu des membres de sa confrérie des imans dirigent les villages.  Les imams, comme la Suisse,  sont au-dessus de tout soupçon sur le plan moral et éthique, cependant, dit-il,  le débat n’est pas d’ordre éthique ou moral mais politique.

Il me conseilla donc de consacrer mon effort à travailler dans la politique pour contrôler la conduite des habitants de notre village parce que dit-il, le « droit »  est au-dessus de nos éthiques et moralités sélectives d’occasion.  Mieux, il me suggéra de m’associer à la confrérie des chasseurs.  Celui qui sait manipuler le fusil est toujours respecté dans notre village, dit-il.  Maintenant qu’il m’a révélé le secret pour imposer mon éthique et ma morale sur le village, je dois donner sept coqs blancs pour le sacrifice durant la prière du vendredi, dit-il.  Ce sera chose faite, dis-je.  En retournant à ma case une question me vint en tête.  Pourquoi la confrérie des chasseurs ?  Peut-être c’est parce que « La raison du plus fort est toujours la meilleure ? »

Au retour à ma case, mon oncle me présenta ma tenue pour la prière du endredi. Chéchia Nigérien et grand boubou brodé.  Mais oncle dis-je, l’habit ne fait le moine.  Que sais-tu, dit-il ?  Ici, nous avons tous des masques et des  accoutrements pour prétendre être du peuple et soumis à la foi divine.  Mon oncle me demanda de prier pour que Dieu accepte mon sacrifice du vendredi.  Amina Ya Rabayi. 

Et les chrétiens du village, oncle, demandais-je ? Sur ce, me dit-il , ta conscience te guidera.  Vraiment ?

Samedi, j’irai chercher une boussole pour me diriger vers la confrérie des chasseurs. Je demanderai aussi  que mes confrères chrétiens prient pour moi le dimanche : Alléluia !

Dr Abdoulaye Bah
Professeur d’Université aux États Unis, Ret.
Ancien chef de Chaire du Département des Sciences Sociales et Comportementales
Directeur, Centre pour la santé Comportementale et la Résilience
Université de Lincoln
Jefferson City, Missouri USA
Columbia, MO USA

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