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« Le président Sékou Touré a brisé l’empire français. On ne le lui pardonnera jamais » dixit Hadja Andrée Touré

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28 septembre 1958-28 septembre 2012. Voilà 54 ans que le peuple de Guinée, sous la direction du tribun syndicaliste Ahmed Sékou Touré disait « Non » à la communauté française par un vote historique. Un virage qui fait date dans l’histoire des peuples d’alors opprimés du monde. Plus de 50 ans après, tout a été détruit en Guinée: la justice, l’armée, la santé, l’éducation, etc.  Au moment où tous les efforts sont concentrés sur la recherche d’une sortie de crise, Hadja Andrée Touré, veuve du premier président guinéen, trouve que l’essentiel doit être mis sur une démarche visant à surpasser les clivages ethniques. Dans l’entretien qu’elle  a accordé à nos confrères, l’ex première dame de Guinée revient sur les épreuves qu’elle a vécues depuis la disparition de son mari, à savoir la prison, l’exil, etc., avant de nous entretenir sur le personnage Sékou Touré. Entretien…

Depuis la mort de votre mari, quelles ont été vos activités principales ?

Je peux vous dire que je n’ai rien de particulier. Je ne suis qu’une citoyenne ordinaire. Depuis la mort de mon mari, je m’occupe des œuvres sociales et du rétablissement de la vérité historique sur le personnage d’Ahmed Sékou Touré. Car après sa mort, j’ai traversé des épreuves difficiles. Une semaine après son enterrement, j’ai été arrêtée et emprisonnée avec toute la famille, à savoir mes enfants, les frères de mon mari, ses sœurs, mes frères et les membres du gouvernement, sans aucune procédure. Je suis restée en prison pendant quatre ans. A la suite d’interventions de personnalités comme le roi Hassan II, on m’a fait sortir de prison le 1e janvier 1988. Par la suite, ce dernier m’a invitée au Maroc en mars avec mon fils pour des soins médicaux.

Après le Maroc, le président Félix Houphouët Boigny m’a invitée en Côte d’Ivoire et a accordé une bourse d’étude à mon fils. Et je suis restée à Abidjan jusqu’à la mort du président Boigny. C’est d’ailleurs ce qui m’a fait revenir au Sénégal chez ma fille Mariam Touré (Ndlr : épouse d’Amadou Moctar Bèye). Je suis retournée ensuite en Guinée en 2000 pour le centenaire de la mort de l’Almamy Samory Touré qui se trouve être l’ancêtre de mon mari. Et après les cérémonies, ma famille s’est réunie et a décidé que je devais rester en Guinée puisque je suis l’aînée de la famille. Je n’étais pas contre cette décision, mais je me demandais où est-ce que j’allais habiter ? Etant donné que tous nos biens ont été confisqués, je n’avais même pas où aller. Mes frères ont dit que même s’ils devaient louer une maison pour moi, ils le feraient pour que je reste avec eux. Et c’est suite à cette requête que je suis finalement restée en Guinée. J’ai vécu pendant des années avec ma sœur et à un moment donné, les autorités guinéennes ont bien voulu nous céder une de nos propriétés (Ndlr : la villa Syli de Coléah où le président Kwame Nkrumah a vécu pendant ses six années d’exil en Guinée). C’était la propriété de Sékou Touré, bien avant les indépendances, qu’il mettait à la disposition de ses hôtes de marque. Au moment où j’en prenais possession, la maison était complètement détruite, abîmée.
Il faut dire que même du vivant de mon mari, je ne faisais pas de la politique. J’ai toujours œuvré pour le social et j’ai continué, à la mesure de mes moyens, à m’occuper de cela. Et j’ai commencé à reconstituer la mémoire de mon mari. Ce qui est un devoir pour moi d’autant plus que tout a été détruit. Ses œuvres, ses écrits ont été brûlés en grande partie. Je n’ai pas encore réussi à reconstituer totalement ma bibliothèque, mais j’ai fait assez de progrès là-dessus.

Pourquoi cette aspiration à faire disparaître les œuvres de votre mari ?

Après sa mort, on a cherché à le salir, à détruire ses œuvres, à faire disparaître ses idées avec la bénédiction de l’impérialisme français. Des gens sont allés jusqu’à brûler publiquement l’imprimerie Patrice Lumumba pour faire disparaître ses œuvres, mais on ne peut pas effacer l’histoire. Il y a eu un tel acharnement pour détruire l’homme et cela se comprend. C’est de bonne guerre parce que le président Sékou Touré a brisé l’empire français et cela, on ne le lui pardonnera jamais. Cependant, c’est à nous Guinéens, nous Africains, de comprendre que la lutte de cet homme a été pour son pays et pour son continent. Il n’a jamais pensé à lui-même, car tout son combat, c’était pour l’Afrique toute entière.

Après le coup d’Etat militaire, les Français sont devenus les conseillers du président Conté. Et ils ont utilisé l’ignorance de ces hommes pour les guider. C’était une manière pour les Français de prendre leur revanche sur Sékou Touré. C’est pourquoi, ils ont tenu à habiter dans la maison de celui qui les avait chassés du pays. En effet, c’est dans notre résidence de Syli Coléah que Conté avait installé ses conseillers militaires français. La résidence était équipée de sorte qu’il puisse automatiquement recevoir leurs ordres. C’est après la mort de ma mère que Conté m’a appelée pour me demander de venir. C’est par la suite qu’il a mis la pression sur les Français, en les faisant sortir pour me rendre la résidence dans un état défectueux.

Quel est le rôle des clubs Ahmed Sékou Touré que vous êtes en train de mettre en place ? Est-ce pour réhabiliter votre mari?

Le terme de réhabilitation est inapproprié, car Sékou Touré n’a jamais été condamné. Le premier club a été créé au Mali en 1993 pour faire connaître l’homme surtout par la jeunesse et la génération qui n’a pas pu le connaître. Le combat de l’homme a été connu du monde entier, surtout en Afrique. Après le Mali, il y en a eu au Togo, au Niger et bientôt au Sénégal. Nous souhaitons que cela puisse fleurir sur l’ensemble du continent pour permettre à la jeunesse de connaître la vraie histoire de l’Afrique et non celle qui a été tronquée. Vous savez que le Pdg (Ndlr : Parti démocratique de Guinée de Sékou Touré) a eu beaucoup de difficultés après la mort de son leader. Beaucoup de gens n’ont pas eu le courage de revenir, mais certains sont restés fidèles au combat. Le parti n’est donc pas mort, il a été certes très diminué, mais je me suis fait un devoir d’être en compagnie de quelques camarades pour le faire vivre.

Sékou Touré était un homme très simple qui vivait essentiellement pour son peuple. Il n’a jamais rien voulu pour lui-même ou pour sa famille ( ) Il faisait abstraction de lui-même pour mettre en exergue l’Etat. C’était un homme sincère, très simple, qui croyait en ce qu’il faisait et qui avait foi en l’Afrique.

Pouvez-vous nous parler de l’homme Sékou Touré ?

(Rire) Peut-être que je suis mal placée pour parler de cet homme. Mais je pourrai vous dire que l’homme avec qui j’ai vécu pendant tant d’années, était un homme très simple qui vivait essentiellement pour son peuple. Il n’a jamais rien voulu pour lui-même ou pour sa famille. Comme je le disais souvent à nos amis, quand on épouse Sékou Touré, on épouse ses idées, son idéal. Autrement dit, vous ne pouvez pas ne pas vous entendre, car il faisait abstraction de lui-même pour mettre en exergue l’Etat. C’était un homme sincère, très simple, qui croyait en ce qu’il faisait et qui avait foi en l’Afrique. Il a beaucoup aimé son peuple et son continent. Il a tout donné pour le peuple de Guinée, il n’a jamais voulu vivre mieux que son peuple. Sékou Touré avait imposé à sa famille une vie modeste, surtout à ses enfants. Je me rappelle que, quand ses enfants (Ndlr : Aminata et Mohamed Touré) sont sortis très jeunes de l’université, je lui avais demandé de leur donner des bourses pour qu’ils aillent faire des études à l’étranger, il avait catégoriquement refusé, en me faisant savoir que ses enfants seront formés exclusivement en Guinée. Et c’est ainsi qu’ils ont suivi le cursus de tous les jeunes Guinéens. Aucun de ses enfants n’a possédé une voiture personnelle. Nous n’avions pas de privilège personnel non plus, car mon mari, comme tous les hommes, me donnait la dépense quotidienne. L’Etat intervenait juste quand il y avait des hôtes, car il y avait un service qui s’occupait exclusivement de cela. Mon mari nous a beaucoup aidés en nous habituant en cette vie modeste et je l’ai su lors de mon séjour carcéral.

Walfadjri

Mediaguinee

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