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Le Sénégal renforce son influence en Afrique de l’Ouest grâce à la tournée de Sonko

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Etudiante en master de Relations internationales à l’Université Jean-Moulin Lyon 3, Marie Guillard est spécialisée en expertise et risques internationaux. Actuellement en stage au sein du cabinet de conseil en stratégie InterGlobe Conseil, elle s’immerge dans l’analyse des enjeux géopolitiques contemporains. Passionnée par la sécurité internationale et la coopération régionale, elle décrypte pour VisionGuinée la portée géopolitique de la tournée ouest-africaine d’Ousmane Sonko, entre ambitions de leadership régional, repositionnement stratégique du Sénégal et quête de stabilité dans un contexte de recomposition des alliances en Afrique de l’Ouest. Entretien.

VisionGuinee : Dans un contexte de recomposition des alliances en Afrique de l’Ouest, que révèle la tournée économique d’Ousmane Sonko sur les ambitions géopolitiques du Sénégal ?

Marie Guillard : La tournée économique entreprise par Ousmane Sonko à travers l’Afrique de l’Ouest ces dernières semaines s’inscrit dans une volonté de reconquête du dialogue régional. Dans le contexte actuel, entre la crise de légitimité que traverse la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la création récente de l’Alliance des États du Sahel (AES), la diplomatie multilatérale en Afrique de l’Ouest est mise à mal. Dans ce contexte, le Sénégal cherche activement à conserver des liens diplomatiques et l’unité de la région.

En rencontrant les dirigeants de pays en rupture avec la CEDEAO, comme le Burkina Faso, le Sénégal s’impose comme un acteur capable de rétablir des passerelles diplomatiques entre les pays de la région.

Au niveau réputationnel, cette tournée présente aussi du bon pour le Sénégal. Le pays s’impose comme un îlot de stabilité et un acteur central de la région. C’est l’esquisse d’un nouveau leadership sénégalais à l’intégration Ouest-africaine, qui renforce le rôle du Sénégal dans la région et son poids diplomatique.

Cette tournée marque-t-elle une volonté du Sénégal de redéfinir son rôle de puissance d’équilibre face à l’émergence de nouveaux blocs régionaux comme l’Alliance des États du Sahel (AES) ?

Par cette tournée, le Sénégal maintient les liens diplomatiques avec plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. À cet égard, oui, le pays semble redéfinir son rôle, s’imposant comme un point d’équilibre et de liaison dans la région. En liant des liens diplomatiques et économiques avec les pays de la région, le pays contribue au maintien des relations régionales.

En outre, en se rendant dans des pays comme la Guinée ou le Burkina Faso, le Sénégal montre aussi qu’il refuse toute logique de confrontation ou d’exclusion. Ce positionnement est renforcé par un discours clair du premier ministre sénégalais qui appelle récemment à un “dialogue entre frères africains” à Conakry.

Pour autant, le pays ne nie pas son engagement à la CEDEAO, une organisation dont le pays est membre fondateur et à laquelle il est encore très attaché. Le premier ministre continue d’ailleurs d’appeler à l’unité des pays de la région sous la CEDEAO.

Les partenariats noués au cours de cette tournée peuvent-ils relancer une dynamique d’intégration régionale, alors que la Cédéao traverse une crise de légitimité ?

Historiquement, la CEDEAO s’impose comme un acteur central de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. Sur le plan économique d’abord, mais aussi sur le plan politique, sécuritaire et même social. Alors que sa légitimité s’est effritée ces dernières années, l’intégration régionale, dont elle était le moteur, s’est ralentie.

Dans ce contexte, les efforts bilatéraux sénégalais marquent la volonté de maintenir la communication avec des pays comme la Guinée ou le Burkina Faso, à défaut d’un cadre multilatéral fonctionnel. Mais si le Sénégal permet le retour du dialogue interétatique, la relance d’une intégration régionale nécessite des ambitions multilatérales et non seulement bilatérales.

Les discussions portent sur des projets d’infrastructures transfrontalières ou encore de mécanismes de facilitation commercial qui peuvent constituer un socle pour de dynamiques collectives futures. Alors, si les accords noués sont un pas dans la bonne direction, limitant la fracturation de l’Afrique de l’Ouest, il reste encore que le Sénégal doit établir un agenda régional clair.

Toutefois, il est clair que cette tournée intervient à un moment de fracturation, permettant maintenir un lien entre les pays de la région. À cet égard, il est clair que la politique du Sénégal, s’il est trop tôt pour parler d’une nouvelle dynamique d’intégration régionale, permet d’éviter l’effondrement de l’intégration régionale entreprise auparavant.

La stratégie diplomatique d’Ousmane Sonko laisse-t-elle entrevoir une rupture avec les orientations classiques de la politique étrangère sénégalaise, notamment vis-à-vis des puissances occidentales ?

Depuis Senghor, le Sénégal s’est toujours imposé comme un partenaire fiable de la France avec laquelle il entretenait des relations assez étroites. Si cette ligne de conduite semblait avoir été suivie jusque-là, la présidence de Diomaye Faye et de son premier ministre Ousmane Sonko marque une inflexion nette de la politique étrangère sénégalaise. À cet égard, le premier ministre n’hésite pas à dénoncer les relations asymétriques entretenues entre les anciennes puissances coloniales et les pays africains.

Cette orientation se manifeste par une volonté de diversification des partenaires. Le pays ouvre ses relations à d’autres pays non occidentaux, comme la Chine ou la Russie, mettant fin à la priorité occidentale. En outre, l’Afrique est placée au cœur des considérations sénégalaise, promouvant le panafricanisme. À Conakry, Sonko a d’ailleurs insisté sur l’importance d’un “panafricanisme des actes”. Cette tournée économique en est un exemple : elle montre la volonté sénégalaise de renforcer la coopération régionale, avant toute autre.

Toutefois, la rupture n’est pas radicale dès lors qu’une multitude de dépendances économiques et même sécuritaires persistent, mais un changement important dans l’orientation de la politique étrangère du pays est notable.

Dans quelle mesure cette tournée économique pourrait-elle aussi servir d’outil d’influence pour renforcer la stabilité régionale, à travers une approche conjuguée des enjeux économiques et sécuritaires ?

À travers cette tournée économique, le Sénégal noue progressivement des partenariats économiques avec différents pays de la région. Au niveau sécuritaire, la coopération économique est un levier de paix incontestable. En nouant des partenariats économiques, non seulement le Sénégal contribue au développement des zones fragiles, réduisant les causes de l’instabilité comme le chômage et la pauvreté, mais le pays favorise aussi une interdépendance pacifique des pays de la région. À terme, la coopération économique réduit les risques de conflit et participe au développement de la région.

Au-delà de l’économie, le Sénégal s’impose aussi en acteur médiateur, capable de dialoguer avec les membres des différents blocs. Ce nouveau Soft power permet au Sénégal d’influencer les dynamiques régionales et possiblement de participer à la résolution de conflits à venir.

Ciré BALDE, pour VisionGuinee.Info
00224 664 93 14 04/cire.balde@visionguinee.info

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