Les confidences de Aladji Cellou à Bâ Mamadou, l’homme politique qui ne reculait devant aucun danger
#Ces_années_là… Il était une figure incontournable de la politique guinéenne. Il s’en est allé le 26 mai 2009, sans voir se réaliser ses rêves. Abandonnant cette année-là, la Guinée dans les bras destructeurs de militaires inexpérimentés qui finiront d’ailleurs par ensanglanter une nouvelle fois le pays, avant de s’effacer dans le déshonneur. Laissant çà et là des cicatrices à jamais douloureuses. Irréversibles.
C’est pourtant cela, ces dictatures aux multiples formes que Bâ Mamadou, sa vie durant, a combattu. Vaincu uniquement par la mort, « le Doyen » comme nous l’appelions, a marqué de façon indélébile la vie politique de la Guinée.
S’il n’a pas réussi à accéder à la magistrature suprême, il a exercé pendant longtemps son énorme pouvoir de… dissuasion, ne reculant devant aucun danger. L’exil, les humiliations, la condamnation à mort, la prison et les brimades, Bâ Mamadou aura tout enduré pour que SA Guinée connaisse les délices de la démocratie. Souvent incompris, ‘’trop direct’’ pour un fin politicien, provocateur, n’ayant jamais eu sa langue dans sa poche,
Bâ Mamadou était un TOUT à la fois. Mais c’est aussi et surtout à cause de son franc-parler unique, son verbe facile, que les journalistes se l’arrachaient pour commenter l’actualité, avec les mots qu’il faut pour dénoncer les maux du moment.
Pour moi, il a toujours été d’une disponibilité sans limites, se soumettant à tous mes ‘’caprices’’ de journaliste. Il acceptait souvent d’ailleurs de m’épargner les ‘’harassants’’ décryptages des longues interviews qu’il m’accordait dans son petit bureau familial, dans un modeste appartement, au cœur de Kaloum, répondant par écrit, (de sa fine écriture de banquier) à mes questions. Me faisant ainsi gagner du temps à l’heure du bouclage.
Préoccupations d’hier, problèmes d’aujourd’hui ? Les défis, en tout cas, sont les mêmes dans divers domaines. Exemple : ces révélations sur les conditions de vie à la Maison centrale de Conakry qu’il me décrit comme dans un roman de science-fiction-cauchemardesque lors d’un entretien publié dans Le Démocrate n°3 du 7 février 2000.
Lui, ‘’l’honorable député’’, avait été obligé de partager sa cellule avec des… rats qui pullulent dans cette prison. Avec la bénédiction du gouvernement de Lansana Conté. Du passé ? Sans doute. Mais il conditionne encore hélas notre présent et le futur de notre pays.
C’est pourquoi, en de nombreuses reprises, j’avais demandé à l’ancien président guinéen de rendre hommage, par un geste fort, à ses compagnons de lutte (Bâ Mamadou, Siradiou Diallo, JMD, Alfa Sow…), afin que la nouvelle génération comprenne le sens exact de leur lutte. Vœu, hélas, jamais réalisé. N’empêche : la République doit cette reconnaissance à ses meilleurs fils !
Du moins, telle est ma conviction…
Aladji Cellou