Après le gouvernement, le président Alpha Condé, à travers un deux décrets rendus publics le mardi soir, a restructuré son cabinet. Mais comme dans l’équipe de Mohamed Saïd Fofana, Sékhotouréyah ne réserve presque pas de place à de nouvelles têtes. En gros, pour une bonne partie de l’opinion guinéenne, c’est un peu la déception. Mais, le chef de l’Etat pourrait bien être indifférent. Parce que lui et cette opinion, le fossé est relativement grand.
Pour le commun des Guinéens, un président, ça doit écouter la volonté du peuple et agir en conséquence. Or, pour Alpha Condé, un chef, tout en ne faisant pas systématiquement dos aux désirs de ses compatriotes, doit surtout se préoccuper de son propre destin politique. Cette approche est celle qui semble avoir dicté le choix de ses proches collaborateurs nommés avant-hier. Sa décision de mettre certains anciens ministres tout près de lui, n’est en effet pas du tout dénuée de sens politique.
Trois raisons pour justifier les choix
Trois raisons pourraient du reste avoir justifié qu’il reprenne Bah Ousmane, Papa Koly Kourouma, Tidiane Traoré et Rougui Barry. La première c’est le contrôle des leaders politiques qu’ils sont. Certes, Bah Ousmane et Papa Koly en particulier avaient clairement indiqué qu’ils demeuraient dans la logique de l’accord les liant au RPG-arc-en-ciel. Mais en fin animal politique, Alpha Condé sait que ce genre de promesse peut vite évoluer.
Conséquence, il s’est dit qu’il faut éviter tout risque de voir ces derniers alliés rejoindre le camp plutôt étoffé de son opposition. Il est vrai qu’en les ayant ainsi sous son aile, il les contrôle davantage. Sa stratégie semble avoir surtout réussi avec Bah Ousmane qu’il a contraint à se dédire. En effet, ce dernier, au lendemain de la nomination du nouveau gouvernement, avait, expliquant les raisons de sa chute, précisé que c’est parce qu’il avait refusé d’accepter la proposition du président qui voulait faire de lui son conseiller spécial en charge des préparatifs des élections présidentielles de 2015.
Lisant entre les lignes, le chef de l’Etat a compris que le problème de son allié était dans la sémantique. Du coup, il fait de lui un conseiller spécial sans mentionner l’attribution qui semblait gênante. Mais dans les faits, on imagine bien que le rôle de l’ancien ministre des Travaux sera bien celui qu’il ne voulait pas jouer !
Coupés de leurs bases respectives, lui et Papa Koly Kourouma gèlent leurs carrières politiques. Du moins, en tant que leaders politiques à part entière. D’ici à 2015, ils sont obligés de n’exister sous le manteau du chef de l’Etat.
La seconde raison pour le président de la République, c’est le combat contre l’image selon laquelle, il n’est pas fidèle dans ses engagements politiques. Cela, Kassory Fofana, Jean-Marc Telliano et surtout Lansana Kouyaté le lui ont reproché. Si à cette liste, s’étaient ajoutés ces quatre nouveaux conseillers dont on a parlés plus haut, la chose aurait presque pris des allures de vérité scientifique. Or, un tel portrait n’est pas vendeur dans la perspective des échéances de 2015.
Rougui Barry et Tidiane Traoré sont cependant ceux qui incarnent davantage ce souci. En effet, contrairement à Bah Ousmane et Papa Koly qui peuvent brandir leurs partis et la poignée de militants dont chacun peut se targuer, il n’en est surtout pas de Rougui Barry. Lâcher l’ancienne ministre déléguée aux Guinéens de l’étranger n’aurait eu aucun impact en termes de démobilisation. Par contre, elle aurait montré une certaine capacité de nuisance, en se présentant notamment sur les médias comme une nouvelle victime de trahison de la part du chef de l’Etat.
Pour ce qui est de Tidiane Traoré, c’est comme si le président de la République avait pris en compte les dernières protestations des vieux militants de son parti. L’ancien ministre des transports serait en effet l’incarnation des sacrifices que certains de militants auraient consentis pour qu’il soit aujourd’hui à Sékhoutouréyah.
Enfin, la troisième et dernière raison qui semble avoir motivé le chef de l’Etat, c’est qu’au besoin, il peut mettre à contribution chacun de ces quatre conseillers. En l’espèce, eu égard à leurs statuts de leaders politiques, ce besoin est déjà là. S’assurant que les oiseaux sont bien cage, “apprivoisés” qu’ils sont ne manquent point de grains, il peut surtout s’en servir dans le cadre de la campagne électorale qui, dans les faits, a déjà commencé.
Papa Koly s’ajoutant à Dirus Dialé qu’il tient certainement, en ayant nommé sa fille Domani Doré au ministère des sports, Alpha Condé peut se frotter les mains pour ce qui est de l’électorat de la forêt. On n’en a pas forcément conscience, mais le chef de l’Etat, a ainsi réussi à garder son alliance avec la Forêt.
Pour ce qui est de la Moyenne Guinée, il ne se fait guère d’illusion. Bien que l’UFDG ne soit pas au meilleur de sa forme, Alpha Condé se dit que le Fouta n’est pas un objectif pour lequel il faut nécessairement se battre.
Par contre, pour le symbole, il tient à ne surtout pas incarner certaines accusations de son opposition, qui disent de lui qu’il a tendance à exclure cette partie du pays de sa gestion. Bah Ousmane et Rougui Barry sont alors ceux qui serviront de vernis au caractère national et inclusif qu’il voudra donner de ses actions et de son approche.