[dropcap]L[/dropcap]e président guinéen est attendu à Dakar pour une visite officielle de trois jours à partir du 07 août. Ce sera la troisième fois qu’Alpha Condé vient au Sénégal dans le cadre d’un séjour officiel depuis son élection à la présidence de la République.

Sa première visite en tant que chef d’Etat a eu lieu en 2011, sous le régime de Me Wade qui avait soutenu jusqu’au bout le candidat malheureux à la présidentielle, Cellou Dalein Diallo, actuel tête de file de l’opposition. Le dernier séjour dakarois du président Condé remonte à décembre 2014. Les années passent vite et déjà, l’imminence du prochain scrutin, prévu en octobre 2015, fait remonter à la surface le poids de la diaspora guinéenne établie au Sénégal : plus de 25.000 électeurs, des Peuls en majorité. Six mois après sa dernière visite, que vient donc faire au Sénégal le professeur du palais Sekhoutouréya ?

Cette visite intervient alors que le Sénégal a rouvert ses frontières avec la Guinée en janvier 2015 après cinq mois de fermeture à cause de la crise sanitaire née avec le virus Ebola. Les relations entre les deux pays avaient alors connu des tensions, surtout qu’un jeune étudiant guinéen, porteur d’Ebola, avait réussi à se rendre à Dakar où il était tombé malade. Jusqu’à ce jour, il est resté le seul cas connu au Sénégal où il a été traité au Chu de Fann avant de retourner dans son pays.

Le président Condé n’avait pas manqué lors de cette mini-crise diplomatique de dénoncer l’attitude de son voisin, « stigmatisante » selon lui. C’est du passé. Et des deux côtés, de multiples signaux démontrent que la page est tournée. Il ne pouvait en être courant en raison des attaches solides qui lient le président Condé au Sénégal où il compte de nombreux amis, des acteurs de la scène politique, des figures intellectuelles ou de moins connus.

Au plus fort de son combat pour le progrès démocratique en Guinée en 1991, contre l’ancien dictateur Lansana Conté, malade suite à des rigueurs carcérales, il avait séjourné à l’hôpital principal de Dakar avant de poursuivre son traitement en France.  Dakar, c’est quelque part son arrière-cour, l’une des villes où il se sent le mieux. C’est ce qui explique l’acrimonie et la colère non feinte notée chez le président Condé quand il avait senti « un lâchage » du Sénégal lors de la crise sanitaire.

Lors de la dernière fête du travail (1er mai 2015), il avait demandé à ses compatriotes de prendre exemple sur le Sénégal, ce voisin dont les habitants sont « curieux, lisent et apprennent », comme d’habitude sur le ton de la plaisanterie, mais pour dire le fond de sa pensée. Fin donc de la brouille née de la décision du Sénégal de fermer toutes ses frontières avec la Guinée après l’irruption de l’épidémie d’Ebola. Présent à New-York lors de la dernière AG  de l’Onu, il avait rappelé l’incongruité d’une éventuelle brouille entre les deux pays. En décembre 2014, tout était rentré dans l’ordre. Cette fois-ci, l’imminence de la campagne électorale est dans tous les esprits.

Le vote des guinéens du Sénégal est loin d’être négligeable. Pas moins de 25 bureaux de vote étaient disponibles sur le site de l’unique centre du scrutin à Dakar lors de l’élection présidentielle de 2010. Apparemment insuffisants, ils avaient été littéralement pris d’assaut par les 25 000 Guinéens résidant au Sénégal. Ce vote, le Pr Alpha Condé ne veut pas le laisser comme une chasse gardée de son principal challenger, Cellou Dalein Diallo qui vient paradoxalement de nouer une alliance avec l’ancien putschiste Moussa Dadis Camara en vue du scrutin présidentiel. Même si les guinéens le jugeront d’abord sur son bilan, Dakar reste un symbole qu’il n’entend pas laisser à ses adversaires. Une visite très électorale donc.

Par Lignedirecte.sn

*Le titre est de la rédaction de Vision Guinee ©