[dropcap]M[/dropcap]onsieur le Président, je suis un citoyen guinéen un peu plus ordinaire. Entrepreneur. Monsieur le Président, je ne vais pas m’étaler sur les problèmes de ma Guinée que vous ne connaissez que trop bien.

Je ne vais même pas vous dire que les gens ont faim et soif ici, car le problème est maintenant métastatique. Je ne vais pas non plus vous dire que tout stagne, que tout est sclérosé et qu’on ne peut plus guérir les maux du pays à coup d’anathèmes gluants et creux. Et je ne vais pas vous dire que la classe moyenne fait aujourd’hui partie d’un souvenir doux et lointain, et que la misère noire est le pain quotidien de tous. Vous savez tout ça probablement mieux que quiconque.

Monsieur le Président, je veux vous dire, moi “jeune guinéen” que j’ai peur. Oui, j’ai peur. Une peur sans nom et sans fond mais avec fondements. J’ai peur de l’avenir qui semble ne pas rentrer dans vos soucis immédiats. J’ai peur que mon pays ne sombre dans l’anarchie et le chaos. J’ai peur que la Guinée devienne imprenable. Nous y marchons, vous le premier les yeux bandés.

Monsieur le Président, j’ose vous rappeler que nous vous avons élu et réélu pour un second et dernier mandat parce que justement nous avions peur. Nous sommes sortis femmes et hommes tous milieux confondus pour vous propulser à la tête du pays car vous étiez la seule alternative possible et viable (professeur en droit et monsieur main propre). Car nous avons vu en vous un dernier rempart avant la perte définitive du pays. Nous étions aux anges comme des enfants un jour de fête.

Vous nous avez trahis de la manière la plus inattendue, la plus douloureuse. Vous savez quand vous placez votre confiance, l’avenir de vos enfants et votre foi en quelqu’un et qu’il vous met précisément dans la situation que vous avez essayé de fuir en vous mettant sous son aile est une situation destructrice. Les femmes et les hommes qui vous ont élu et réélu pour le second et dernier mandat ne considéraient pas ça comme un vote utile, détrompez-vous ! C’était un vote vital qui a vite tourné en vote fatale !

Non content, Monsieur le Président, de la gifle que vous nous avez donnée, vous vous êtes bouché les oreilles et fermé les yeux sur les attentes des guinéens. Maintenant vous voulez tuer le petit espoir (la démocratie) qui nous reste ?

Monsieur le président, je n’ai pas de grand rêve pour ma petite personne, mais je caresse un rêve pour mon pays, ma Guinée, la voir un peu plus heureuse, belle et épanouie. Je ne vais pas vous apprendre moi petite personne sans envergure, l’essence de votre mission. Vous êtes garant de la constitution, chef des armées et patron des affaires étrangères. Mais votre tâche essentielle est de procurer la sécurité et de redonner confiance à ce pauvre peuple malmené par des politiques maladivement ambitieux (présidence à vie), de sauvegarder leur unité et leur indépendance.

Faute de ne pouvoir être un vrai père de la nation, comme seuls quelques chefs d’État ont pu l’être, essayez de ne pas être le père d’un seul fils aux dépends de toute une nation qui en a ras-le-bol des fils, épouses, cousins et voisins.

Une dernière requête Monsieur le Président : Offrez-vous une ultime et dernière belle de sortie de la vie politique et une plus belle entrée dans l’Histoire. Ayez pour vous-mêmes un cœur de juge. Les Présidents, les vrais croient à une vie après la présidence, offrez-nous la chance d’avoir un ancien président démocratiquement élu et réélu vivant, offrez-nous l’alternance, démystifiez la présidence à vie dans notre pays. Au moins, laissez-nous cet héritage qui sera intouchable aux futurs dirigeants de notre pays. L’Histoire retiendra que dans un dernier sursaut de lucidité vous avez choisi la Guinée.

Ibrahima BAH