[dropcap]U[/dropcap]n combat de coqs serait en train de commencer entre les mouvances adverses en Guinée. C’est le nom qu’un leader politique très sollicité en cette saison, vient de donner au dialogue interguinéen appelé par le Premier Ministre Youla dont le gouvernement garde une position invariablement confortable de spectateur tranquille. Tout se passe donc entre fractions de partis politiques.
La scène est une sorte d’échanges incendiaires entre protagonistes en situation de pause stratégique. Comme toujours les premiers gestes viennent du pouvoir qui provoque l’opposition.
L’opposition attaque aussitôt sans rien préparer, souvent du même côté et de la même manière et toujours avec la même motivation. Elle lance des coups saccadés envoyés sans trop de calcul vers la partie la moins sensible du corps exécutif. Elle veut que le pouvoir contre-attaque en lui donnant des réponses fiables aux questions relatives à la gouvernance tels la gestion des deniers publics, les infrastructures dont les routes, l’aménagement urbain, les mines, les ordures, l’approvisionnement des populations en eau potable.
Le pouvoir contre-attaque en usant des mêmes arguments: PPTE, célébration décentralisée de la fête de l’indépendance, engrais, Ebola, électricité et barrages hydroélectriques… et depuis peu, un troisième mandat de trop pour l’actuel locataire de Sekhoutoureyah.
Une contre-attaque de taille qui intrigue tout le monde même au sein de ce pouvoir. De quoi soulever de molles querelles préélectorales qui remuent la totalité de la classe politique. Dans cette confusion générale, le pouvoir prend son temps puis réplique en occupant copieusement la scène et les esprits. Il se contente d’expliciter ses arguments habituels cette fois-ci en langues nationales pour être mieux compris des populations et de l’opposition mais refuse d’aborder les sujets préoccupants.
Dans son explication, le Chef de l’Exécutif omet volontairement le troisième mandat mais ajoute un mot de soulagement pour la levée lors du sommet de l’UA à Kigali, d’une certaine concurrence égyptienne quant à la fonction honorifique de Coordinateur de l’Electrification de l’Afrique en reconnaissance de la prouesse du Président Alpha d’avoir donné la lumière à la capitale de son pays.
Pour le reste, on préfère chatouiller l’outil arc-en-ciel qui, par un communiqué revanchard et sans pédagogie, annonce «la réouverture du dialogue inclusif» en insinuant sans gêne que ce dialogue était jusqu’ici fermé. En lieu et place du Premier ministre, le parti au pouvoir va plus loin en «considérant que les voies de recours institutionnelles sont dorénavant à la disposition des partis politiques». C’est comme si ces voies de recours n’ont jamais existé.
Il serait bon de clarifier ce malentendu sémantique aux guinéens, cette fois-ci, dans toutes les langues nationales. De préférence et comme de coutume par la voie la plus autorisée. En tout cas il faut laisser la parole aux professeurs qui éviteraient au public ce faisceau arc-en-ciel de répétitions détaillées d’un nom qui, bien que très connu en Guinée et dans le monde, ne serait retenu des guinéens que si on le répète dans chaque phrase d’un texte. Comme le mot «intimider» dans une certaine note politique confidentielle insistante du CNDD qui ciblait quelqu’un en 2009. L’homme politique ainsi nommé a dû, encore une fois, enfoncer le clou du côté le moins agréable en ces temps d’interrogations. Il va le payer !
Par les voix les moins autorisées et les subtilités les plus astucieuses. C’est là où commencent les baratins et autres blagues politiques. La plus gentille réaction est faite d’une visite de courtoisie tactique rendue au chef de file de l’opposition par le chef de groupe parlementaire d’en face. Une visite très applaudie par le visiteur avec une promesse verbale enthousiaste de la renouveler à Philadelphie aux Etats-Unis d’Amérique. Là-bas en terre démocratique fertile où la notion de genre pourrait enfin avoir son plus fort retentissement en novembre prochain.
Les deux chefs guinéens y seraient à l’aise pour signer un accord «bilatéral» sous forme de convention que l’on respecterait sur le sol américain à chacune des prochaines visites communes chez les Démocrates de l’Oncle Sam. Comme on a respecté les accords de juillet 2013 et d’août 2015 conclus ensemble en mère-patrie.
Dans la même logique fanfaronne, de comiques propositions voudraient que les manifestations soient transférées en rase-campagne et vers Labé, à environ 400 Kms de la capitale. De quoi obliger l’opposition à déranger les paysans en pleine saison agricole; Conakry étant déclarée « territoire hors constitutionnel». Des discours plus sérieux rappellent que le parti au pouvoir comptent encore des militants «à mobiliser» pour démontrer qu’on est «toujours là mais on n’a pas changé et on ne changera pas».
Le changement évoqué dans ces discours menaçants concernerait-il celui stratégique promis dans le projet politique en cours depuis 2010 ? C’est probablement parce que ce changement tarde à venir que l’opposition riposte par une aide au pouvoir en assainissant certains quartiers de la capitale. Une sorte de promenade dans le champ de l’exécutif, on ne sait pour quelle démonstration de force.
En tout cas, les habitants des zones touchées seraient contents de ce geste généreux via la première dame de l’opposition. Il semble même que ce genre d’action peut faire gagner aux prochaines élections selon un titre de presse. L’hypothèse n’est pas si insensée mais sa vérification mathématique se fera dans les cellules opaques de la CENI de Guinée au moment du prochain duel électoral.
En attendant les meetings et contre-meetings se poursuivent à qui mieux pour éviter les manifestations et contremanifestations que tous les camps redoutent par expérience.
Visiblement cette bataille de coqs sur le terrain électoral ne présente rien de nouveau aux guinéens. Elle montre plutôt des limites à franchir pour donner plus de densité au débat national. Encore que ce débat n’engage que deux camps en compétition pour un résultat presque connu d’avance. Les autres acteurs déambulent entre exclusion, frustrations et non alignement loin du ring politique sur un fond de rivalités internes qui minent toutes les institutions de la république. Le pays qui a eu le malheur historique d’en être le théâtre poursuit allégrement son sous-développement économique et social. Pendant ce temps le peuple mobilisé de Guinée continue d’observer sans broncher son intelligentsia nationale.
Lamarana Diallo
Démographe-Consultant
lmrdiallofb7@gmail.com