[dropcap]E[/dropcap]n séjour à Tunis en compagnie d’autres religieux, de femmes leaders et de parlementaire guinéens, dans le cadre d’un voyage d’étude et d’observation portant sur l’expérience tunisienne en matière de promotion de la santé reproductive et sexuelle, le grand imam de Conakry s’est exprimé sur une question très sensible et presque tabou en Guinée : l’excision.
En Tunisie, l’excision n’a jamais existé dans les mœurs de la société, selon la secrétaire exécutive de l’association tunisienne de la santé de la reproduction Irzak Khenitech. Beaucoup en avance dans le domaine de la planification familiale, de la santé reproductive et sexuelle, le pays constitue aujourd’hui une référence en Afrique et dans les pays Arabes. Avec un faible taux de mortalité maternelle de 44.8 pour 100000 naissances vivantes. Contrairement à la Guinée qui un taux culminant de 724 pour 100 000 naissances vivantes.
C’est dans le but de s’enquérir de cette expérience tunisienne qu’une délégation guinéenne séjourne actuellement au pays du Carthage afin de s’inspirer des stratégies utilisées par ce pays et voir comment les adapter aux réalités de la Guinée. Dans ce projet sérieux qui nécessite une certaine volonté politique et de détermination de leaders nationaux, l’implication effective des religieux est perçue comme primordiale.
Surtout pour s’exprimer sur la problématique de l’excision. Est-elle autorisée par l’islam ? Faut-il l’interdire en Guinée afin d’améliorer le taux de prévalence qui culmine actuellement à 97% ?
Pour Elhadj Mamadou Saliou Camara, il faut d’abord savoir faire la part des choses. C’est-à-dire, il faut savoir interpréter le Coran. Car, si l’islam n’autorise pas explicitement l’excision, celle-ci est tacitement autorisée par la religion. Selon le religieux, tout ce dont l’humanité a besoin est expliqué dans le coran. Il suffit juste de savoir interpréter le livre saint. Malheureusement, ce n’est pas tout le monde qui sait le faire. Il dit qu’une fois un américain lui a dit que le coran n’a pas autorisé l’excision. Répondant, qu’il a demandé à l’américain si le coran autorise la circoncision. ‘’La viande du chien est prohibée, mais ce n’est pas pourtant mentionné dans le courant’’, fait-il remarquer.
Et faisant allusion à l’excision, il indique : ‘’L’islam peut interdire quelque chose sans que cela ne soit écrit dans le coran’’. Mieux, il argue en rappelant que le Prophète Mohamed (PSL) était un jour à Médine avec ses disciples lorsqu’ils ont vu une femme passer. Ses disciples l’ont dit que c’est cette femme qui excise les jeunes filles en ville. Après l’avoir fait venir, le messager de Dieu lui a tout simplement dit de couper un peu en excisant.
Cependant, le religieux reconnait que la pratique de l’excision est dangereuse pour les filles. ‘’Cette pratique peut causer des dégâts durant tout le reste de la vie de la fille’’, reconnait-il, avant de dire sa volonté à promouvoir la lutte contre cette pratique néfaste.
‘’Le problème de l’excision, moi, je peux comprendre’’, dit-il, ajoutant qu’il faut que les religieux prennent leur bâton de pèlerin’’ pour sensibiliser. Mais, précise l’imam, ‘’ce n’est pas pour signer une loi interdisant l’excision et condamner ceux qui la pratiquent’’.
De Tunis, Samory KEITA