L’inquiétude des avocats face à la justice guinéenne : ‘’Aujourd’hui, c’est Aliou Bah, demain, ce sera qui ?’’
Les avocats d’Aliou Bah, condamné le 6 janvier dernier à 2 ans de prison ferme par le tribunal de première instance de Kaloum pour offense et diffamation envers le chef d’État, ont animé une conférence de presse ce jeudi 13 février 2025. Ils ont annoncé une plainte contre l’Etat guinéen devant la Cour de justice de la CEDEAO.
À tour de rôle, les avocats ont pris la parole pour exprimer leur désarroi face à la situation que traverse leur client. Me Houleymatou Bah a fustigé l’attitude de juges qui prennent des décisions pour plaire au chef de l’Etat.
‘’Ils ont déjà réussi à fermer toutes les radios et les télévisions qui ont une grande audience. Maintenant, ce sont les acteurs politiques qu’ils veulent faire taire. Allons-nous laisser faire ça ? Il faut donner son opinion. Est-ce cette Guinée que nous voulons léguer à nos enfants ? Nous vivons aujourd’hui dans un climat de peur. Chacun a peur d’exprimer ses opinions actuellement’’, a-t-elle déclaré.
‘’Est-ce cette Guinée que nous voulons pour nos enfants ? Nous nous sommes battus pour avoir notre indépendance. Nous l’avons chèrement acquise (…). Le cas Aliou Bah doit interpeller toutes les femmes et les hommes épris de justice. Ne voyons pas Aliou Bah en tant que personne, mais en tant que quelqu’un qui véhicule et fédère des gens vers une démocratie saine. C’est ce qu’on doit voir à travers Aliou Bah’’, a ajouté l’avocate.
Il affirme que les dirigeants ‘’veulent museler tout le monde pour que personne ne parle, alors qu’eux, ils font ce qu’ils veulent et personne n’a mot à dire. Est-ce cette Guinée-là que nous voulons pour nos enfants ? Cette instrumentalisation, moi je la rejette, parce que, jusqu’à preuve du contraire, ces juges ne nous montreront jamais un appel reçu. Ce sont eux qui veulent se plaire. Personne ne leur a demandé de rendre des décisions qui vont dans le sens du palais. Non, personne. C’est une volonté manifeste de nuire à tout le monde. Mais ce qu’ils oublient, c’est qu’aujourd’hui, c’est Aliou Bah, demain, ce sera qui ? Ça peut les toucher personnellement, parce que quand ça touche leur entourage. Et si tu veux que ton entourage dorme tranquille, se réveille tranquillement, tu dois, en toute conscience, rendre des décisions conformes à la loi’’.
Elle a rappelé que la Guinée dispose de textes de loi et a souscrit à des conventions internationales. ‘’La Guinée a des textes de loi. Elle a souscrit à toutes les conventions internationales. Et là, il est question de défense des droits humains. Pourquoi voulons-nous exceller dans le sens contraire ? Pourquoi ce qui est possible au Sénégal, en Côte d’Ivoire, ne peut-il pas l’être en Guinée ? Pourquoi y a-t-il des juges plus forts qui bravent tout pour rendre la justice au nom du peuple ? Parce qu’ils sont nourris, blanchis, logés par le peuple. Ils ne veulent pas rendre justice pour ce peuple-là. Ils ont prêté serment pour rendre justice au nom et pour ce peuple-là. Pourquoi brimer ce peuple ? Donc, aujourd’hui, je refuse de dire que c’est une autorité qui les pousse à rendre des décisions uniques. C’est une volonté personnelle. Et quand on rend une décision pour se faire aimer, dans cinq ans, leurs enfants ne pourront rien dire dans ce pays. Parce qu’on leur rappellera inlassablement le comportement de leurs parents. Quand leurs enfants passeront, on dira : ‘C’est l’enfant d’un tel juge qui a mis en prison délibérément M. Aliou Bah pour ses opinions politiques’’’.
Selon toujours Me Houleymatou Bah, la condamnation d’Aliou Bah est ‘’une honte nationale. C’est une honte pour la justice. Pour que notre pays soit stable, il faut une justice forte. Quand on n’a pas de justice forte, on n’a pas de pays stable. Et toutes les autorités doivent veiller à ce qu’on ait une justice forte. Ça protège tout le monde. Aujourd’hui, nous sommes forts. Nous pouvons parler. On ne sait pas de quoi demain sera fait. On aura encore besoin de cette justice pour nous protéger. Mais si on la piétine, si on la transforme en un instrument pour mépriser les uns et les autres, je ne peux plus y aller. Demain, nous allons nous tourner vers qui ? Et ceux qui seront les plus forts en ce moment-là vont puiser encore dans le service de l’État pour faire ce qu’ils veulent. Ça sera un éternel recommencement. Alors, refusons cela. Et les magistrats de la Cour de la vérité, je crois qu’ils ont pris la mesure de la chose et ils vont refuser d’être des tremplins, des passerelles pour commettre des injustices. En tout cas, le collectif se battra jusqu’au bout pour que M. Aliou Bah recouvre sa liberté. Parce que cela est dans l’intérêt de tous’’.
Salimatou BALDE, pour VisionGuinee.Info
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