Alors que tout le monde retient son souffle dans l’attente des résultats des législatives du 28 septembre dernier, censées parachever le processus démocratique en Guinée, de gros nuages s’amoncellent dans le ciel guinéen. L’espoir, né du climat d’apaisement dans lequel s’est passé le scrutin, est en train de s’estomper eu égard à la tournure actuelle des événements.

En effet, pendant que les Guinéens piaffent d’impatience, la CENI tarde à proclamer les résultats, confrontée qu’elle est, à de multiples difficultés dans la compilation et la centralisation de ceux-ci. Et comme pour ne rien arranger, les représentants de l’opposition au sein de l’instance électorale ont claqué la porte hier 3 octobre dernier, estimant que le dépouillement ne s’est pas déroulé selon les règles de l’art.

Va-t-il pleuvoir sur Conakry ?

Déjà que l’opposition soupçonne la CENI de partialité en faveur du pouvoir, cette nouvelle donne risque de mettre le feu aux poudres. Ce, d’autant que des deux côtés, on se perd en conjectures : l’opposition se dit gagnante dans plusieurs circonscriptions pendant que le parti au pouvoir se déclare sûr de sa victoire.

Tout laisse penser que cette bravade du président en direction de l’opposition, loin de calmer le jeu, risque plutôt de braquer l’opposition.

C’est dans cette atmosphère lourde, sur fond de dissensions, que la Guinée a fêté, dans la morosité, le 55e anniversaire de son Indépendance. A l’occasion de cet anniversaire, le président Condé a mis en garde l’opposition contre toutes velléités de contestations en déclarant : « le débat politique doit quitter la rue pour se faire désormais au niveau du parlement ».

Si les propos du président guinéen sont d’une justesse irréfutable pour toute démocratie qui se respecte, l’on peut toutefois s’interroger sur leur opportunité à ce moment précis où tout le monde est dans l’expectative des résultats dans un climat de vives tensions.

Est-ce de la prévention que fait le président Condé ? En tous les cas, la manière n’y est pas, et tout laisse penser que cette bravade du président en direction de l’opposition, loin de calmer le jeu, risque plutôt de braquer l’opposition. Du reste, en se fiant aux déclarations sans équivoque des leaders de l’opposition qui se disent décidés à ne pas se laisser voler leur victoire, on a bien peur que, dans le contexte actuel, les propos du président guinéen ne produisent le contraire de l’effet attendu.

On a parfois le sentiment que la rue a remplacé les institutions de recours. La démocratie en Guinée a encore du chemin à faire.

De toute évidence, il aurait été plus indiqué d’attendre les résultats et l’installation de l’Assemblée pour tenir un tel discours. Autrement dit, comme il l’a fait et maintenu, cela peut être interprété comme une volonté de prendre les devants pour réprimer une éventuelle manifestation de rue si l’opposition venait à appeler ses militants dans la rue au cas où les résultats ne lui seraient pas favorables. Condé gagnerait donc à calmer le jeu et à aller dans le sens du dialogue avec l’opposition et non à se mettre dans une logique de confrontation.

Plus que jamais, l’orage s’annonce sur Conakry et il faut craindre, en cas de déflagration, ses effets dévastateurs dans une Guinée ancrée dans la culture de la violence. En principe, dans toute élection, il y a des mécanismes de recours en cas de contestation, mais dans le contexte guinéen, on a parfois le sentiment que la rue a remplacé les institutions de recours. La démocratie en Guinée a encore du chemin à faire.

En tout état de cause, la CENI, qui joue sa crédibilité et sa légitimité dans ces élections, est attendue au tournant. Les lendemains apaisés ou tourmentés de la Guinée sont entre ses mains.

Outélé KEITA (In Le Pays)

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