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Lounceny Nabé:« Les assemblées annuelles du FMI et de la BM ont été fructueuses »

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En marge des Assemblées annuelles 2012 du FMI et de la Banque Mondiale auxquelles il a participé, le Gouverneur de la Banque centrale de la République de Guinée, M. Louceny Nabé, a accordé un entretien exclusif à notre confère Bachir Sylla à Tokyo. Entre autres questions abordées, la participation guinéenne à ces assemblées, le rôle joué par son institution dans l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE, l’impact de la crise de la zone euro en Afrique subsaharienne et l’intégration monétaire en Afrique de l’Ouest. Lisez !

La République : M. Nabé, vous faites partie de la délégation guinéenne aux assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale à Tokyo…

Louncény Nabé : Nous sommes-là dans le cadre des participations traditionnelles aux réunions traditions annuelles du Fonds monétaire international et du groupe de la Banque mondiale. En plus de la participation dans la préparation des rapports qui sont présentés par les hauts représentants de ces deux institutions, il y a les rencontres bilatérales que la délégation a souvent avec un certain nombre de partenaires. On profite de ces assemblées annuelles pour rencontrer différents partenaires et discuter des sujets d’actualité qui concernent la coopération entre la Guinée et ces institutions.

Quelles sont les attentes que vous aviez, personnellement en tant que gouverneur de la Banque centrale de la République de Guinée en venant à ces assemblées de Tokyo ?

En venant ici, à l’image des autres membres de la délégation guinéenne, nous avions à cœur la volonté de renforcer nos relations de coopération avec les institutions de Bretton Woods dont on célèbre l’assemblée annuelle. Nous en avons profité pour rencontrer effectivement des représentants de la Banque mondiale, dont le directeur général-adjoint et puis l’administrateur représentant la Guinée et un certain nombre de pays, pour parler des répercutions du point d’achèvement de l’initiative PPTE que notre pays a atteint il y a quelques semaines. Des répercutions non seulement sur le plan budgétaire, mais aussi sur le plan monétaire, avec l’allègement de la dette et, donc, une pression moins forte sur les réserves de change de la nation, mais aussi sur la possibilité d’engranger de nouvelles ressources pour le budget de l’Etat et pour le budget en devise de la nation. A tous les niveaux, les discussions ont été très constructives. Et, tous les partenaires avec lesquels on a eu ces contacts-là ont reconnu les efforts que nous avons fournis et la nécessité de venir en aide, encore plus massivement à notre pays.

En tant que gouverneur de la Banque centrale, je suis gouverneur de la Banque islamique de développement pour la Guinée. Nous avons mis les Assemblées annuelles à profit pour rencontrer le président de la BID et essayer d’aborder les questions essentielles afférentes à la coopération entre cette banque et notre pays. Nous avons abordé l’état des projets actuels et la nécessité d’évoluer vers un deuxième projet Waqf, pour que le projet Waqf-BID/Guinée puisse servir d’exemple dans la sous-région et, pourquoi pas, en Afrique, en tout cas, comme cela a été sa vocation dès le départ. Nous avons profité aussi pour lui exprimé notre souhait de voir la BID intervenir dans des projets plus importants encore pour la Guinée. A ce titre, un certain nombre de suggestions lui ont été faites, concernant par exemple le Waqf auquel je faisais référence plus haut, mais aussi concernant l’assistance technique à la Guinée pour mener à bien un certain nombre d’études de faisabilité de projets que nous avons. Nous avons des idées de projets, mais nous n’en avons pas encore de bien ficelés. La BID, par la voix de son président, a déclaré qu’elle est tout à fait disposée à apporter très rapidement ce soutien à la Guinée. Mais, comme vous le savez, il y a des institutions qui sont membres du groupe de la BID aussi, comme la société islamique de développement du secteur privé et la Société islamique d’assurance à l’exportation. Le directeur général de la Société islamique du secteur privé, étant présent à la réunion, a fait état de son souhait de développer les relations de cette institution avec la Guinée. Nous lui avons suggéré d’effectuer une visite en Guinée, pour qu’on puisse organiser une journée de vulgarisation au niveau des opérateurs économiques et de toutes les parties prenantes en Guinée, pour voir comment ces deux structures-là peuvent intervenir plus massivement dans notre pays, surtout dans la dynamique de ce point d’achèvement et de l’allègement de la dette guinéenne.

J’ai participé aussi en tant que gouverneur de la Banque centrale, à la réunion des ministres des finances des pays francophones, qui est devenue traditionnelle lors des Assemblées annuelles. Cette année, il a été question de la mobilisation des fonds pour le financement du développement, en exposant les besoins face aux financements disponibles et ceux à rechercher, mais aussi trouver les moyens de gestion de ces financements-là. Des voies ont été tracées pour qu’on puisse les concrétiser dans un futur très proche. Il y a eu aussi la réunion Afrique du groupe de Banque mondiale et du Fonds monétaire international qui a abordé d’un certain nombre de questions, relatives notamment à la gouvernance, de l’adjonction d’un siège d’administrateur suppléant au groupe 2 de la Région Afrique, qui a été accordé. Comme vous l’avez vu, ces assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale sont des occasions d’avoir de fructueux entretiens avec des partenaires divers et variés.

Les Assemblées annuelles de cette année ont eu lieu au lendemain de l’atteinte par la Guinée du point d’achèvement de l’initiative PPTE. Quel rôle la BCRG a joué dans le processus qui a abouti à ce point d’achèvement ?

Le Programme économique qui a abouti au point d’achèvement est bâti sur un certain nombre de questions fondamentales, qui se rapportent aux activités du ministère de l’économie et des Finances et à celui délégué au Budget, bien sûr, mais aussi à la Banque Centrale. L’épine dorsale du programme, c’était la stabilisation macro-économique dont l’aspect essentiel est la maitrise des dépenses de l’Etat. Pour cela, il faut que les deux institutions interviennes ; d’un côté le ministère de l’Economie et des Finances, appuyé par le ministère délégué au Budget, de l’autre côté la Banque Centrale, pour essayer, dans le cadre d’un plan de trésorerie très strict fixer les priorités et les dépenses à exécuter par l’Etat. Un plan de trésorerie mensuel suivi très strictement nous a permis de maintenir l’endettement du trésor, dans les livres de la Banque Centrale, à des niveaux compatibles avec le Programme. Au-delà de cet aspect, qui nous concerne tous, il y a les questions afférentes à la gestion monétaire, à la maitrise de la base monétaire, à la maitrise de l’inflation et au maintient des réserves de change à un certain nombre de mois d’importation. Et puis, il y a les mesures structurelles qui ont été menées au niveau de la Banque Centrale, qui concernent entre autres la maitrise du processus de gestion du marché interbancaire de change, qui a été institué pour que des instruments de gestion, de ponction de liquidités puissent être renforcés, sans oublier, bien sûr, les autres mesures de politiques monétaires, en ce qui concerne les réserves obligatoires, à l’augmentation du coefficient qui était un moment à 9,5%, que nous avons porté par la suite à 17%, puis à 22%. Tout cela, dans le souci d’éponger les liquidités qui ont été injectées de façon abusive dans l’économie pendant les deux années de la Transition. Naturellement, il y a aussi l’action portant sur le taux d’intérêt lui-même, que nous avons fixé a un niveau tel que le taux d’intérêt réel soit positif et que les épargnants aient de l’intérêt à placer leurs avoirs auprès des banques et institutions financières. Donc, toutes ces questions, les critères qui ont été fixés dans le cadre du Programme et les repères aussi bien quantitatifs que qualitatifs et structurels ont été atteints. Et la Banque Centrale a pris, comme vous le voyez, une part active à ce programme économique dès le départ.

Après l’atteinte du point d’achèvement, certains craignent qu’il y ait relâchement des autorités par rapport aux efforts qui ont permis à la Guinée de voir 2/3 de sa dette extérieure annulée…

C’est vrai qu’il y a cette tentation, mais il faut savoir que la bonne gestion doit être permanente. Il ne s’agit pas d’atteindre un résultat et s’arrêter, parce que, comme je l’ai dit lors d’un point de presse récemment à Conakry, les réformes qui ont été menées dans le cadre du Programme économique ne sont pas données une fois pour toute. C’est à la fois un état et un processus. L’état de réforme n’est jamais complètement atteint, parce que le processus doit se poursuivre, sinon tout le phénomène se rouille et se sclérose. Donc, les efforts de bonne gestion doivent continuer. Les équilibres macro-économiques doivent être préservés. Cependant, l’atteinte du point d’achèvement nous donne un certain confort budgétaire et monétaire, parce que les efforts qui été destinés au remboursement de la dette en faveur des différents créanciers vont être utilisés pour l’amélioration des conditions de vie des populations. En ce qui concerne, bien sûr, les dépenses de santé, de l’éducation et les dépenses visant à améliorer les conditions courantes, en concerne l’eau et l’électricité. Donc, tout ceci peut être fait avec un peu plus de sérénité, sans compter la possibilité qu’il y ait, sur la base de la crédibilité que le pays vient d’acquérir, de nouveaux financements pour que de plus grands travaux d’infrastructures soient entrepris, en même temps que les dépenses sociales augmentent et que des progrès soient réalisés dans le cadre de ces conditions de vie, d’éducation, de déplacement, que des travaux d’infrastructures, en ce concerne les routes, l’eau et l’électricité, puissent être abordés et exécutés à une échelle un peu plus grande qu’aujourd’hui.

Selon un expert du FMI, la crise de la zone aura un impact indirect sur les Banques de l’Afrique subsaharienne. Est-ce que vous partagez son avis ?

La crise de la zone euro est bien sûr abordée par notre pays, ne serait-ce que parce les pays que sont dans nos voisinage immédiat, notamment de la zone UEMOA sont liées à l’euro par un mécanisme de coopération, qui est la survivance de ce qui a existé entre le trésor public français et la zone Franc de longues années. A part cela, la crise de la zone euro, comme la crise financière internationale, d’ailleurs, n’a pas affecté nos pays comme les effets ont été ressentis dans les pays développés, pour la bonne et simple raison que notre système financier, tout en jouant peu ou prou le rôle qui est le sien, n’est pas aussi inséré dans l’économie mondiale qu’est le système financier des pays développés. Les opérations qui se pratiquent ici ne sont pas aussi complexes que celles que connaissent les pays développés en ce qui concerne les produits dérivés, les bulles qui se constituent quelque fois et qui, à un moment donné, se situent à des niveaux tels que la différence soit très grande entre la réalité des actifs et leur prix. On dit que quand la bulle monte, à un moment donné elle doit descendre et quand elle descend, elle provoque toujours un choc. Nous n’en sommes pas encore à ce niveau. Comme la crise financière, s’est transformée par la suite en crise économique, il est évident que toutes les régions du monde peuvent être touchées d’une certaines manières, Ce qu’on pouvait craindre dans notre pays, c’était que les grandes compagnies minières présentes dans notre pays soient tentées par cela, pour diminuer ou différer leurs opérations en Guinée. Pour le moment, ce n’est pas le cas. Et nous avons les raisons de croire que les délais qui étaient fixés récemment pourront être tenus, surtout en ce qui concerne l’exploitation possible des minerais de fer à l’horizon 2015.

L’expert en question estimait qu’étant donné que la plupart des Banques centrales de pays de l’Afrique subsaharienne ont des actifs dans les banques européennes, ceci entrainerait cela.

C’est vrai que si vous avez des avoirs dans des banques dont la notation est revue par les principales agences de notation à la baisse, vous pouvez vous faire des soucis. Mais pour le moment, en ce qui nous concerne, nos avoirs sont gérés dans des institutions dont la quotation est bonne. Je pense que nous auront la capacité de gérer cela au jour le jour et d’organiser la gestion de nos avoirs en conséquence. C’est vrai qu’il y a des soucis. On ne peut jamais savoir comment et quand est-ce qu-une crise peut survenir. La preuve en est que la faillite Lehman Brothers n’avait pas été prévue, même pas par les grands cabinets. Ça peut intervenir, mais je pense que cela appartient aussi à la nature des choses. Il faut seulement être vigilent et surtout dans la gestion de la trésorerie, faire en sorte de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier. Essayer d’être le plus prudent possible autant qu’un banquier peut l’être. Il prend des risques mesurés.

Est-ce qu’à votre avis, la crise que vie la zone euro ne peut pas constituer un frein vers l’intégration monétaire au niveau de la sous-région ouest-africaine et même du continent africain dans son ensemble ?

Un frein ? Peut-être, mais pas dans l’absolu. La crise de l’euro amène les responsables monétaires au niveau continental à se poser beaucoup de questions dans la perspective d’une union monétaire sous-régionale et même continentale. En tout cas, les discussions se poursuivent. L’UEMOA est déjà une zone monétaire complètement intégrée, la ZMAO vise à créer une monnaie unique au niveau de six pays de la CEDEAO non membres de l’UEMOA, à l’horizon 2015. La CEDEAO elle-même se propose d’avoir une convergence de ces deux zones-là, à l’horizon 2020 pour donner naissance à une monnaie unique dans l’espace CEDEAO. Les discussions sont en cours, mais, effectivement, avec les difficultés de l’intégration monétaire au niveau de la zone euro, on se dit qu’il faut examiner certaines questions avec beaucoup plus de minutie, qu’il faut peut-être se donner un peu plus de temps, pour créer des mécanismes de coopération très forts, de sorte que les liens qui existent entre les économies soient irréversibles et que l’intégration monétaire suive l’intégration économique.

En est-on avec la seconde zone monétaire à laquelle la Guinée veut appartenir ?

Les Banques centrales de la ZMAO poursuivent leurs consultations semestrielles, tous les six mois dans un pays membres de la zone. On se réunit, on fait le point et on fixe les meilleurs moyens d’atteindre les objectifs fixés par les Chefs d’Etat. Cela concerne notamment le rapprochement de plus en plus important des peuples. Ces réunions se poursuivent. Les objectifs restent les mêmes pour l’instant. Les études se multiplient dans le cadre des deux agences d’exécution qui existent dans l’espace CEDEAO, je veux parler de l’AMAO (l’Agence monétaire de l’Afrique de l’ouest), pour toute l’Afrique de l’Ouest et de l’IMAO (Institut monétaire de l’Afrique de l’Ouest) pour la ZMAO. Récemment, à Conakry, entre le 1er et le 3 octobre, il y a eu un séminaire concernant les rapprochements de méthodes de procédure en matière de supervision au niveau de la CEDEAO, parce que l’intégration comporter tous ces aspects ; que les banques centrales adoptent les même procédures au niveau de la supervision des banques, pour qu’il y ait à tout moment un système bancaire saint. Donc, toutes ces concertations se poursuivent. Et les harmonisations se poursuivent dans une série d’autres domaines, par exemple le système comptable et le système de reporting, la supervision bancaire, les règles en matière de commerce. Les ministres du commerce doivent se réunir très prochainement. Donc, l’objectif fixé par les politiques est là. Les techniciens essaient de donner le meilleur d’eux-mêmes, pour atteindre cet objectif.

Est-ce que les critères de convergence pour la seconde zone monétaire de l’Afrique demeurent les mêmes ? Et où en est la Guinée dans le respect de ces critères ?

Les critères de convergence restent les mêmes. La Guinée, actuellement, respecte trois critères de premier rang sur quatre : le critère de réserve de change, le critère de déficit budgétaire et le critère d’endettement du Trésor auprès de la Banque centrale. Il nous reste pour l’instant le critère d’inflation à un chiffre que nous espérons atteindre à l’horizon 2014. Je dois vous dire qu’en matière d’inflation, on était arrivé à 21% à la fin de l’année 2010, pour connaître un pic de 23% vers Mars-Avril 2011, en raison du fait qu’on n’avait pas réuni à annihiler tous les effets pervers des injonctions de liquidité de l’année 2010. Mais depuis, il y a eu une inversion de tendance qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui. Jusqu’à fin Août, le taux d’inflation était autour de 14,3%, pour un objectif initial de 15% pour la fin de l’année, mais que nous avons révisé récemment pour le fixer à 12,8. Donc, nous pensons qu’avec les mesures mises en œuvre, que ce critère là aussi sera atteint en 2014.

Un dernier mot pour terminer …

Pour conclure, je dirais que la Guinée est sur la bonne voie dans le redressement de son économie. Toutes les mesures prises depuis deux ans vont dans le sens de la crédibilisation du pays. On a atteint un résultat important : le point d’achèvement de l’iniative PPTE. Le pays est désormais plus crédible. La dette est allégée. Les conditions sont réunies pour que de nouveaux financements arrivent et que la confiance ainsi créée pour que les investisseurs puissent puisse permettre le démarrage du secteur privé, qui est en fait le moteur du développement. C’est le secteur privé qui créera les activités, les emplois, les revenus. Les taxes provenant de ces revenus, l’enrichissement des entreprises, des ménages vont entraîner l’enrichissement de l’Etat et, don, l’enrichissement général du pays. C’est ce que nous souhaitons. Et nous pensons que chacun doit avoir foi dans cette dynamique et apporter sa pierre à l’édification à la construction de cet édifice.

Propos recueillis par Bachir Sylla

Envoyé spécial

 

 

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