Les Malgaches sont appelés aux urnes jeudi pour élire leur président. Dix candidats de l’opposition appellent au boycott face au sortant Andry Rajoelina.
Madagascar, où la capitale sort d’une nuit de couvre-feu, vote jeudi pour le premier tour de sa présidentielle dans un contexte de vives tensions entre le camp du président sortant, Andry Rajoelina, et dix candidats de l’opposition qui ont appelé au boycott. L’un des principaux enjeux du scrutin sera de voir si les électeurs favorables à l’opposition, parmi les onze millions d’inscrits, décident ou non de rester chez eux.
Les bureaux de vote ouvrent à six heures du matin jusqu’à 17 heures sur la grande île de l’océan Indien, dont la population de près de 29 millions d’habitants demeure l’une des plus pauvres de la planète malgré les importantes ressources naturelles du pays.
En 2018, la participation au premier tour avait été inférieure à 55%. Finalement élu à l’issue de ce scrutin, Andry Rajoelina, 49 ans, qui avait accédé une première fois au pouvoir en 2009 à la faveur d’une mutinerie chassant l’ex-président Marc Ravalomanana, brigue un second mandat.
Double nationalité
Depuis un récent scandale sur sa double nationalité française et malgache, son éligibilité est contestée par l’opposition, qui dénonce des manœuvres du pouvoir pour le reconduire.
Dix opposants et candidats, ralliés dans un collectif rassemblant notamment deux ex-présidents et d’anciens ministres, ont dénoncé «un coup d’État institutionnel» et réclamé une suspension du processus électoral. «Nous refusons l’élection de jeudi et nous appelons tous les Malgaches à considérer que cette élection n’existe pas», a déclaré mardi au nom du collectif le candidat Hajo Andrianainarivelo, 56 ans.
Depuis début octobre, les opposants ont multiplié les appels à manifester dans la capitale. Ces protestations, régulièrement dispersées par les grenades lacrymogènes des forces de l’ordre, n’ont toutefois mobilisé que quelques centaines de soutiens.
Le préfet d’Antananarivo a condamné mercredi des «actes de sabotage» après des incidents la veille et déclaré un couvre-feu nocturne jusqu’à jeudi 4 h 00 (02 h 00 en Suisse). Les candidats de l’opposition, qui réclament une intervention de la communauté internationale, ont annoncé leur intention de poursuivre la contestation dans les prochains jours.
«On t’achète»
Andry Rajoelina se retrouve de fait aux prises avec deux candidats encore officiellement en lice. Confiant, il s’est dit lors d’un récent entretien sûr de l’emporter au premier tour. Déployant de gros moyens, il a sillonné le pays en hélicoptère ou avion privé pendant la campagne. «C’est irresponsable d’inciter les électeurs à ne pas aller voter», a fustigé sa porte-parole de campagne, Lalatiana Rakotondrazafy, accusant l’opposition de vouloir «saboter» le scrutin par «une tentative de prise en otage de toute la nation».
La crise politique dans le pays a été déclenchée en juin par la révélation dans la presse de la naturalisation française, en toute discrétion, d’Andry Rajoelina en 2014. Selon l’opposition, il a dès lors perdu sa nationalité malgache et ne peut pas se présenter au scrutin. Mais la justice a refusé d’invalider sa candidature.
À la veille du vote, sur le marché d’Analakely dans le centre de la capitale, des passants marquent une pause devant l’étal d’une marchande de journaux et scrutent les gros titres, l’air soucieux.
«Le peuple, avec le collectif des dix candidats, prend conscience de la dictature qu’il subit», lâche Chrishani Andrianono, 55 ans. «Pendant ses onze années au pouvoir, on ne voit pas ce qu’il a fait pour nous», poursuit-il au sujet de l’actuel président, évoquant l’état de misère d’une grande partie du pays.
Benedicte Lalaoarison, 61 ans, tient depuis 30 ans un stand de sous-vêtements. Elle n’a pas le temps de se soucier de politique: «Ce qui compte pour nous, c’est d’abord de nous en sortir au jour le jour». Vonjisoa Tovonanahary, 34 ans, raconte que dans son quartier, «tout le monde parle des cartes pour recevoir de l’argent» distribué selon lui par des pro-Rajoelina. «On t’achète», lâche-t-il avec dégoût. «Moi, je suivrai la consigne et je n’irai pas voter».
AFP