J’ai longtemps résisté à la tentation de nommer les personnages secondaires de notre tragédie nationale. Par décence. Par principe. Par souci de ne pas gonfler l’égo de ceux qui ne pèsent rien dans le destin de notre nation. Mais parfois, le silence devient une complicité. Aujourd’hui, je fais une exception.
Je m’adresse à Alseny Makanera Kaké — mon sanakou, dit-on, mais surtout le porte-voix bruyant d’une époque où l’incohérence fait office de stratégie, et où la trahison se maquille en évolution.
Qu’on se comprenne : Makanera n’est pas un homme politique. C’est un spécialiste du changement de costume. Un caméléon de la place publique. Il ne pense pas, il performe. Il n’analyse pas, il vocifère. Il ne suit pas une ligne politique, il suit la direction du vent, espérant y trouver sa prochaine rente.
Quand il parle, ce n’est pas pour éclairer. C’est pour exister.
Et il crie, fort, toujours plus fort — peu importe que ses mots soient vides, incohérents, ou insultants pour l’intelligence collective. Il s’imagine tribun alors qu’il n’est qu’écho malheureux d’un vide intellectuel profond.
Le Coran nous enseigne dans la sourate Luqman : « Sois modéré dans ta démarche, et baisse ta voix. Car la plus détestable des voix, c’est bien celle des ânes. » (31:19)
Voilà un verset qui semble l’avoir toujours évité, tant il incarne son contraire. Il aurait gagné à méditer cela avant de s’épancher sur tout ce qu’il ignore.
Sa dernière sortie en est une parfaite illustration : prétendre que tout Guinéen qui voterait en faveur d’une nouvelle constitution serait automatiquement complice d’un projet de candidature du Général Doumbouya — alors même que ce dernier n’a exprimé aucune intention électorale. Une telle absurdité dépasse l’indigence intellectuelle : elle devient une offense à la République.
Confondre un texte fondamental, censé bâtir l’avenir institutionnel du pays, avec un homme de passage à la tête d’une transition, c’est confondre la Constitution avec la conjoncture, l’État avec l’émotion, la responsabilité avec la peur.
Mais pouvait-on s’attendre à mieux de celui qui a successivement adulé Alpha Condé, trahi Cellou Dalein Diallo, et désormais s’en remet à Mamadi Doumbouya tout en le redoutant ? Makanera n’a pas d’allié. Il n’a que des occasions.
Le Coran le décrit encore, sans détour, dans la sourate Al-‘Adiyat : « L’homme est, envers son Seigneur, très ingrat. Et certes, il en est lui-même témoin. Et certes, il est passionné dans son amour des richesses. » (100:6-8)
Les versets parlent. Les faits crient. Le personnage s’affiche. Mais au fond, il ne s’agit pas seulement de Makanera. Il est le symptôme d’un mal plus profond : celui d’une classe politique sans colonne, sans cap, sans courage. Une génération de bavards qui ont confondu le micro avec la pensée, la démagogie avec la vision.
Il faut du courage pour défendre ses convictions. Il n’en faut aucun pour les vendre.
Ce pays a besoin de réformateurs lucides, pas de bavards erratiques. De visionnaires courageux, pas de comédiens recyclés. De débats de fond, pas de spectacles minables.
Qu’on m’accorde un plateau, une heure, un débat ouvert — et je démontrerai, à la face du peuple, ce qu’il reste de la pensée politique de ces faux prophètes. Ils savent gesticuler. Moi, je préfère les idées.
La Guinée mérite mieux. Elle mérite qu’on élève le débat. Et qu’on fasse taire le vacarme des inutiles.
Qu’on me pardonne ce coup de gueule.
Mais à force de se taire, on laisse la parole aux tambours vides.
A bon entendeur salut ! D’ici-là, merci de contribuer au débat.
Elhadj Aziz Bah
Entrepreneur, auteur et expert en transformation stratégique
Caroline Du Nord, USA
*Note de l’auteur : Acceptons la pluralité d’idées. Pas d’injures, et rien que d’arguments.