A la barre du tribunal criminel de Dixinn, Mamady Soumaoro, ancienne recrue de Kaléya, a révélé ce mardi 16 janvier que des éléments en formation dans ce camp militaire, ont été sélectionnés pour rallier la capitale Conakry quelques jours avant le massacre du 28 septembre.

Il dit à qui veut l’entendre que le massacre a été perpétré par des recrues de Kaleya. Proche de Toumba Diakité, il déclare avoir échappé à moult reprises à la mort en raison de sa proximité avec l’ancien aide de camp du capitaine Moussa Dadis Camara.

« J’étais en formation de commune de base à Kaléya. J’ai suivi une formation commando jusqu’à la fin. Sur les cinq meilleurs tireurs d’élite qu’on appelle snipers, j’ai été classé deuxième. Personne ne peut parler de Kaleya mieux que moi.

Ceux qui ont quitté Kaleya pour Conakry, j’étais en formation avec eux. Les accusés dans ce dossier se rejettent la responsabilité des recrues Kaleya. Parce qu’ils savent ce que ces recrues ont fait. Quand j’étais aux 32 Escaliers, j’ai prié à Dieu de me garder en vie jusqu’à ce que j’explique à la population ce qu’ils ont fait au stade. Si je ne parle pas, même Dieu ne va pas me pardonner.

J’étais chez moi quand j’ai entendu mon directeur Bienvenu Lamah dire que personne n’a quitté Kaleya pour Conakry avant le 28 septembre. Je me suis présenté moi-même à la justice pour dire que j’étais à Kaleya. C’est Dieu m’a sauvé. A cinq reprises, j’ai échappé à la mort. Le numéro 1 de Kaleya, c’est Bienvenu Lamah (…).

Après la prise du pouvoir par le CNDD, il y a eu deux recrutements. Le premier groupe a été recruté deux à trois mois après la prise du pouvoir. Les recrues étaient des guinéens. Le deuxième recrutement, c’était notre groupe. C’est le commandant Aboubacar Toumba Diakité. Le jour du recrutement, Makambo est venu nous chercher avec un autre groupe. Nous avons bougé à 23h pour être au Km 66. Nous y sommes arrivés vers 1h du matin. Ils nous ont conduits à Kaleya.

Au total, il y a environ 12.000 recrues à Kaleya dont 3000 qui étaient formés spécialement pour la présidence. On nous a mis dans un groupe d’éléments venus de la Forêt.  C’étaient des gens du président. Beaucoup parmi eux n’étaient pas guinéens. Il y avait un interprète entre eux et les formateurs. La plupart parlaient l’anglais et le guerzé.

Un jour, à l’issue d’un rassemblement, le secrétaire de Bienvenu Lamah est venu tirer les recrues. Pres de 150 personnes ont été triées dans le groupe des fantassins (…). Bienvenu Lamah me menaçait. Parce qu’on croyait que je suis un espion de Toumba. Un jour, il est venu m’arrêter pour me jeter en prison. On lui a dit que j’ai un téléphone avec lequel je prenais des photos. Tous les soldats qui étaient, le faisaient. Il a exigé que je lui donne ce téléphone (…).

Avant le 28 septembre 2009, un groupe a quitté le camp pour une destination inconnue. Le 24 septembre, je ne vais pas oublier cette date jusqu’à ma mort, l’adjudant Bamba est venu avec une liste. Les membres des groupes Titanic et Charlie qui y étaient inscrits. Le lendemain, Bienvenu Lamah nous a dit que si l’on se comporte en bons guinéens, on ira en mission comme nos amis. On se posait la question de savoir où ils sont partis en mission. Bienvenu a disparu entre-temps. Dans le camp, on avait des maillots de Chelsea, Arsenal et Dortmund. J’étais avec un certain Moriba Haba du groupe Titanic. Quand il est revenu de Conakry après le 28 septembre, il avait une moto Safari et de l’argent. Son ami était blessé. Il m’a dit que ce qu’il a vu à Conakry, il n’avait jamais vu cela de sa vie. Il n’a pas dormi au camp. Il est rentré à Nzérékoré.

Plus tard, sur le champ de tir, Bienvenu a ordonné de me tuer. Dieu n’a pas accepté que je meurs. Ils ont tout fait, ça n’a pas marché. Ils ont pris des bois pour me frapper avec. Ça a coïncidé avec l’arrivée d’un formateur blanc qui a déploré les sévices qu’ils m’ont fait subir. Ils m’ont attaché, j’ai passé la nuit dans les cordes jusqu’au lendemain à 15h. ils m’ont mis dans un pick-up pour Conakry.

Au Km 36, nous avons trouvé Jacques Maomy avec nos amis à bord de trois pickups. Ils avaient des machettes. Ils m’ont fait monter à bord d’un autre véhicule qui m’a conduit à la présidence. Une fois là-bas, on m’a envoyé vers Grand Co. Je ne sais même pas comment je suis arrivé là-bas. Ils ont dit : ‘Celui qui connait là où se trouve Toumba, c’est son jeune frère ça’. Pivi m’a demandé où est Toumba. Mais comment pourrais-je le savoir alors que je suis en formation. Il m’a dit que je lui dis où se trouve Toumba, il va me donner une villa. Il a dit que si je ne parle pas, je vais mourir. Vu que je ne parlais pas, il a demandé à ce qu’on m’attache. Jacques Maomy et Thomas m’ont pris pour m’envoyer dans un endroit où il y avait du sang où étaient censés me tuer et découper mon corps. Un capitaine est arrivé et leur a demandé : ‘Si on tue tout le monde, qui va nous dire la vérité ? Envoyez-les en prison’. C’est ainsi qu’ils nous ont jetés dans un véhicule. C’est par la suite que j’ai su que nous étions à l’endroit où ils ont tué Sankara.

Beugré nous a trouvés en détention aux 32 Escaliers, puis Lanciné Kaba, Edouard Bangoura, Bankolé. Marcel était à la tête d’un escadron de la mort qui se livrait à une chasse à l’homme. On a subi des actes de tortures. On raconte que Beugré s’est cogné la tête contre le mur, ce n’est pas vrai. Il est mort devant moi. Il y avait beaucoup de personnes aux 32 Escaliers. Moi je partageais la même cellule que lui. Ils ont éventré Beugré pour sortir ses intestins. Jeannot Destin, on l’a égorgé par derrière. Il y a eu beaucoup d’atrocités. Je me suis caché sous le corps de Beugré. Avant de rendre lame, il a dit qu’il ne sait rien du complot qu’ils ont montré, mais un jour, Dieu va juger. Il a dit qu’il ne va jamais pardonner. Il ne s’est pas cogné la tête contre le mur. Ils sont pris les corps en croyant que je suis mort, mais Dieu n’a pas voulu que je meurs là-bas ».

Par Abdoulaye Bella DIALLO, pour VisionGuinee.Info

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