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Mines : les vérités de l’ancien ministre Mahamoud Thiam sur les contrats miniers

Dans une lettre ouverte adressée au Président de la République, Mahmoud Thiam, ancien ministre des Mines et de la Géologie, sous l’ère CNDD, s’est exprimé sur les contrats miniers passé entre la Guinée et les Sociétés minières, en particulier, le contrat avec BSGR.

Accusé de corruption dans la délivrance des permis d’exploitation à certaines Sociétés minières et face à la pression de ses supérieurs hiérarchiques, Mahmoud Thiam se défend, tout en attirant l’attention du Chef de l’Etat sur plusieurs questions relatives à l’octroi des permis et à la gestion des ressources minières.

Visionguinee.info vous livre la teneur de cette lettre ouverte adressée au Président Alpha Condé

Lettre Ouverte au Président Alpha Condé
A New York, le 26 Novembre, 2012

Monsieur le Président de la République,Je vous adresse cette lettre par voie publique dans une logique de parallélisme des formes. En effet, j’ai été informé, par voie de presse, d’allégations calomnieuses proférées à mon égard par le biais d’un courrier adressé par le Comité à la société BSGR. Je souhaite préciser avant tout, Monsieur Le Président, que mon propos ici ne reflète en aucun cas l’appréciation que j’ai de Mr. Nava Touré que vous avez placé à la tête de ce Comité, ni de la plupart des membres dudit Comité. Monsieur Touré a été mon collaborateur pendant deux ans. Je retiens de lui l’image d’un cadre appliqué et imprégné d’éthique professionnelle. Je pense donc que ledit courrier ne porte pas sa marque personnelle mais résulte plutôt du travail d’un comité dont les membres les plus vocaux poursuivent apparemment un agenda qui échappe aux termes de référence assignés officiellement au comité.

Mon propos ici ne vise pas à défendre une société qui, du reste, a largement les moyens d’assurer sa propre défense. Je tiens tout de même à traiter certaines questions qui lui sont adressées, pour autant que celles-ci mettent indirectement en cause mon intégrité.

Quant aux questions sur lesquelles j’ai été cité nommément, vous comprendrez que je ne puisse rester indifférent, même si, à date, personne ne m’a contacté directement pour me reprocher quoi que ce soit ou s’enquérir de ma version des faits. Il vous souviendra, Monsieur le Président que je vous ai plusieurs fois demandé avant de quitter la Guinée de m’interroger sur tout aspect de ma gestion qu’il vous plairait et de me confronter, au besoin, à mes critiques. Votre réponse a toujours été que vous n’écoutiez pas les ragots. Vous comprendrez donc ma surprise à la lecture de ce courrier.

Il est précisé dans le courrier qu’il s’agit simplement d’une enquête et que les allégations mentionnées n’ont été ni vérifiées ni validées par quiconque. Force est de constater cependant, que malgré l’engagement du comité à préserver la confidentialité de son courrier et de la procédure, la lettre a été livrée à la presse internationale qui me l’a transmise pour des besoins d’interview et cela avant même que la société destinataire ne l’ait reçue.

Monsieur le Président, il est navrant de constater que la majorité du courrier donne le sentiment d’une ignorance à dessein des faits, leur véracité et même leur vraisemblance. Des interrogations futiles se voient attribuer le même poids que des questions auxquelles il serait important de trouver réponse. La chronologie de certains évènements est sciemment altérée. Des évènements non-plausibles sont traités avec sérieux et des accusations dénuées de la moindre évidence y sont lancées sans retenue. C’est ainsi qu’on y retrouve listés des évènements qui ne seraient ni illégaux, ni éthiquement reprochables, s’ils avaient eu lieu, comme éléments à charge. Des activités qui relèvent de la simple poursuite concurrentielle d’un objectif commercial y sont assimilées au trafic d’influence. Que dirait-on alors des actes réellement répréhensibles qui se perpétuent en ce moment même sous votre leadership, dans le secteur minier ?

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais rappeler à votre souvenir que la société BSGR a obtenu ses premiers permis de recherche en février 2006. Entre cette date et mon arrivée à la tête du Ministère des Mines et de l’Energie en janvier 2009, trois Premiers Ministres se sont succédé avec leurs gouvernements respectifs. Ces gouvernements successifs ont tous eu à étudier ce dossier et sont tous arrivés aux mêmes conclusions. Certains de ces anciens Premiers Ministres et Ministres des Mines sont aujourd’hui encore des Ministres de votre gouvernement ou parmi vos conseillers les plus haut placés à la Présidence. La logique voudrait que si j’ai eu à recourir à la corruption pour faire agréer ce dossier jugé douteux par votre comité, tous ces gouvernants avant notre équipe gouvernementale ne pouvaient pas être arrivés aux mêmes conclusions sans avoir été eux-mêmes corrompus. Cependant je n’ai vu le nom d’aucun d’entre eux mentionné dans le courrier, alors qu’ils ont été les précurseurs et principaux acteurs dans ce dossier. Je rappellerai aussi que j’ai servi deux gouvernements successifs et deux premiers ministres, et que notre évaluation du dossier a rejoint et confirmé celle de nos prédécesseurs.

Le gouvernement de transition auquel j’ai participé était principalement constitué de membres de l’opposition, des syndicats et de la société civile qui avaient juré, avant de s’informer a priori, d’annuler tous ces contrats. Pourtant ils en ont confirmé la validité. Je rappellerai enfin, que votre Ministre des Mines actuel a été le conseiller en questions minières de tous les Premiers Ministres depuis la rétrocession des blocks 1 et 2 de Simandou et leur attribution à BSGR. Vous devriez, dès lors, être en mesure d’obtenir de lui les rapports et les recommandations négatives qu’il aurait présentés aux Premiers Ministres Fall, Kouyaté, Souaré, Komara et Doré ou aux Ministres des Mines Kanté, Nabé et Thiam sur le sujet.Ceci pour vous rappeler que tous ces gouvernements successifs ainsi que la vaste majorité des cadres du Ministère des Mines ont examiné ce dossier et déterminé que la rétrocession était légale, rétablissait la Guinée dans ses droits et rectifiait une violation antérieure du code minier. Ceci corrobore aussi le fait que la méthode d’attribution du titre sur les blocks rétrocédés était correcte. Certains membres de votre Comité étaient au Ministère des Mines durant toute cette période et étaient parmi mes plus proches collaborateurs. Je n’ai pas souvenance d’une seule voix discordante sur le sujet.

La présentation des faits dans le courrier du comité et les multiples allusions à ma personne ont permis à la presse de sous-entendre que j’ai joué un rôle dans la rétrocession des titres, puis dans leur attribution à BSGR. Cette présentation a déformé la réalité en tordant le cou à la chronologie des faits.Le courrier laisse aussi sous-entendre que dès mon arrivée au Ministère j’aurais été pris en otage par BSGR qui, à force de cadeaux et de voyages m’aurait acquis à sa cause.

Mon introduction à ce dossier, Monsieur le Président, fut par un appel téléphonique du Premier Ministre Mr. Komara me demandant de recevoir une délégation de collègues Ministres et de membres influents du CNDD. La délégation accompagnait des représentants de Rio Tinto porteurs d’une plainte contre BSGR et d’une requête d’annulation immédiate de leurs permis sur Simandou. Je leur ai donné mon engagement d’étudier la plainte et d’arriver à une décision juste et équitable dans un délai raisonnable. Peu après, une visite sur le site de Simandou a été organisée pour moi-même, quelques membres de mon cabinet et le Ministre de l’Environnement de l’époque, Mr. Papa Koly Kourouma, un autre de vos Ministres. Rio Tinto a affrété un avion pour nous y transporter, un hélicoptère pour le survol du site, nous a pris en charge pendant tout le séjour (vous comprendrez plus bas pourquoi je précise ceci). Contrairement à ce qui est dit dans la lettre, c’est Rio Tinto qui m’a « lobbyé » agressivement dès mon arrivée et non BSGR. Des représentants de Rio ont contacté des membres de ma famille, cherché à connaître le domicile de ma mère etc….BSGR n’a été appelée à présenter ses arguments que lorsque j’ai surpris la direction de Rio Tinto au camp Alpha Yaya, chez le Président Dadis, en train d’essayer de lui arracher une décision immédiate sans passer par la procédure sur laquelle nous nous étions entendus. A mon arrivée, la société avait fait miroiter tous genres de cadeaux politiques y compris le rêve de régler tous les problèmes d’eau et d’électricité pour la Guinée. Lorsque j’ai demandé aux représentants de la société de confirmer cette promesse, par écrit, ils ont du admettre que la promesse était fausse. J’ai donc suggéré au Président que nous entendions aussi l’autre société avant de trancher et ce dernier, apparemment déçu, a été forcé d’accepter que les raccourcis n’existent pas dans ce genre d’affaires. Certains membres du Comité de Révision étaient des témoins privilégiés de tout cela et pourraient vous en dire plus.

Monsieur le Président, la plupart des accusations et allégations qui sont énumérées dans ce courrier nous ont été soumises à l’époque et nous avons dû vérifier leur véracité ou leur plausibilité. Je vais donc vous soumettre point par point mes réponses à certaines des interrogations :

1) Les vraies intentions de BSGR de développer le site :

Si la question pouvait et devait être posée avant l’octroi du permis (et je suppose qu’elle l’a été), la question ne se posait plus lorsqu’elle nous a été soumise en 2009 et ne devrait certainement plus se poser aujourd’hui car les faits ont parlé d’eux-mêmes. BSGR a obtenu un permis de recherche. Ses obligations étaient de prospecter et de développer la connaissance géologique des surfaces qui lui ont été attribuées, de soumettre ses rapports périodiques au Ministère et de s’acquitter des taxes et impôts. Avant mon entrée au gouvernement, cela avait été fait. Ceci peut être confirmé par vos conseillers et auprès de toutes les directions compétentes du Ministère.

Un travail de prospection a été entamé et achevé, des réserves avaient été prouvées à Zogota, dans une zone estimée stérile auparavant. C’est tout ce que le code demande à un détenteur de titre de recherche. Avant la date de rétrocession la société a présenté une étude de faisabilité et une demande d’engager les négociations pour une convention. Les départements techniques en charge du processus ont reçu les études, les ont jugées acceptables et m’ont recommandé d’engager la procédure. Aujourd’hui, même si les intentions de départ de la société avaient été de ne pas remplir ses engagements, force est de reconnaitre qu’elle les a remplis et a fait face à tous les investissements nécessaires. Ses capacités financières et techniques en sont donc ainsi démontrées.

2) Intentions de revendre :

Le fait que la question soit posée comme une indication de mauvaise foi ou de mauvaise intention me surprend. La majorité sinon la totalité des projets miniers et pétroliers est initiée par des opérateurs grands ou petits qui fournissent les efforts sur le terrain leur permettant de prouver que la minéralisation existe de manière commercialement viable. A différents stades de ce processus toutes les sociétés décident si les résultats obtenus justifient plus d’investissement en temps et en argent ou s’il faut arrêter. A chacune de ces étapes la société décide ou non d’allouer un budget supplémentaire et doit trouver les fonds pour faire face à l’étape suivante. Certaines compagnies font appel à leurs banquiers, d’autres aux marchés financiers en vendant des parts du projet à des investisseurs en bourse et d’autres encore en attirant un investisseur stratégique ou financier dans le projet.

Je mets votre Comité au défi de me montrer un projet minier de cette envergure qui aurait été développé autrement. Je voudrais citer en guise d’exemple des transactions similaires dans le secteur :

– BHP a invité Newmont et Areva sur Nimba. -Rio Tinto a invité la SFI et Chinalco dans Simandou (Bloc 3 et 4), -Rusal a mis en bourse à Hong Kong, -GAC a vendu à BHP, Mubadala et Dubal,- Hyperdynamics a vendu des parts à Dana Petroleum et serait actuellement en pourparlers avec Tullow. – Votre gouvernement a tenté de vendre des parts de CBG et du projet d’infrastructure du Simandou à Mubadala, sans parler des tentatives malencontreuses avec palladino, AIOG et autres initiatives plutôt douteuses.

C’est exactement ce qu’a fait BSGR en invitant Vale dans son projet guinéen. Ce partenariat n’est en rien différent des cas évoqués ci-dessus. Pourquoi donc le Comité applique-t-il deux poids deux mesures pour des situations rigoureusement identiques ?

Certains points du courrier :

Point II.20.

Il est reproché à la société d’avoir travaillé à attirer des partenaires pour aider à l’exécution effective de leurs obligations d’exploration. Je constate que la première allégation était que la société n’avait aucune intention de remplir ses obligations. Maintenant on lui reproche d’avoir travaillé de façon hardie à les remplir.

Tout ce qui est soutenu par le comité sur ce point est probablement vrai, mais c’est aussi légal, et même souhaitable comme j’ai tenté de l’expliquer et de l’illustrer au chapitre précédent. La chronologie est fausse cependant.

Le résultat des investigations menées à l’époque, par mes soins, indique que BSGR a d’abord investi plus de $150 millions de Dollars américains pour démontrer qu’il y avait suffisamment de réserves pour justifier la viabilité économique du projet et pouvoir attirer des investisseurs potentiels. Toutes les approches envers des partenaires potentiels ont été faites en consultation avec le Gouvernement et avec son accord préalable. BSGR nous a informé et obtenu notre accord pour engager des pourparlers avec le Fonds Souverain Libyen. Apres les avoir prévenus que les Libyens étaient connus pour ne pas décider vite, nous leur avons donné un temps limité pour arriver à un accord. Lorsque les Libyens ont dépassé le temps qui nous semblait raisonnable pour décider, la société nous a fait part de son intention d’engager des négociations exclusives avec Chinalco, chose que nous leur avons accordée. Lorsque l’Ambassadeur de Chine en Guinée nous a fait comprendre que Chinalco était lié à Rio et ne signerait jamais avec BSGR nous avons instruit la société de présenter une autre alternative. C’est ainsi que Bao-Steel est entré en jeu. Ceci a résulté en une compétition entre Bao et Chinalco et un gel des pourparlers imposé par le gouvernement Chinois qui ne souhaitait pas une guerre entre deux sociétés d’Etat.

Pendant ce gel nous avons été approchés par les Chinois qui souhaitaient faire affaire sur Simandou avec la Guinée en éliminant Rio et BSGR. Notre intérêt national étant clairement que deux sociétés avec les moyens et la volonté de développer cette montagne le fassent au plus vite et simultanément, nous avons recommandé à BSGR de chercher un autre candidat. C’est ainsi que Vale est arrivé sur la scène.

Lorsque la permission d’engager des pourparlers avec Vale nous a été demandée nous l’avons accordée mais avec une obligation d’aboutir très vite. Je le rappelle, notre priorité était d’assurer un développement accéléré d’au moins un projet de fer en Guinée et de le rendre irréversible avant la fin de la transition. Nous voyions cela comme l’héritage le plus précieux que la transition pouvait laisser au peuple de Guinée.

Je vous rappelle aussi que la société n’avait pas obligation de nous demander la permission avant d’engager ces négociations, mais sachant qu’elle avait obligation de nous informer et d’obtenir notre assentiment avant de signer avec un partenaire, elle a préféré ne pas avancer avec un partenaire qui risquait de ne pas être acceptable à l’Etat.

Maintenant, si c’est le fait de négocier avec la Lybie qui est le problème, il convient alors de rappeler que tout le monde voulait faire affaire avec la Libyan Investment Authority à l’époque. Toutes les banques du monde et beaucoup de compagnies. Vous même, Monsieur le Président avez négocié avec Kadhafi pendant votre campagne présidentielle et avez obtenu des fonds électoraux et des armes de lui (après élection). La Mercedes classe S blindée dans laquelle vous circuliez encore la dernière fois que je vous ai rencontré était un cadeau de Kadhafi.

Point : II. 21

Vous dites que « BSGR a développé des relations particulières avec M. Mahmoud Thiam. ». Monsieur le Président, toutes les sociétés minières opérant en Guinée et dans le monde ou qui souhaitent y faire affaire s’emploient à développer de bons rapports avec le Ministère des Mines, le Premier Ministre, le Président de la République, les autorités en général. C’est à ce titre que les émissions de la RTG de 20h font de larges échos de vos audiences en tant que Chef de l’Etat avec les investisseurs. Ne pas le faire serait une preuve d’incompétence ou d’arrogance. Un des rôles majeurs du Ministre des Mines est de créer les conditions pour que des investisseurs qui veulent mettre des milliards de dollars dans notre pays sachent qu’ils sont les bienvenus. Il ne faut surtout pas imaginer, comme on le fait souvent en Guinée, qu’ils ne peuvent pas aller ailleurs.

Depuis notre indépendance cela fait plus de cinquante-quatre ans que ce mauvais traitement des investisseurs nous voue à l’échec. Ne pas entretenir de bonnes relations avec des investisseurs, grands ou petits, eut été un manquement à mon devoir de Ministre de la République. J’attends donc que quelqu’un me dise où se trouve le crime.

Point : II.22

Ici, vous soutenez que j’aurais réceptionné l’avion de BSGR à l’aéroport à plusieurs reprises et reçu du cash à distribuer à des gens en Guinée. D’abord, Monsieur le Président je n’ai souvenance d’avoir croisé un avion de BSGR à l’aéroport qu’à trois reprises :

(1) A l’arrivée d’un homme d’Etat étranger par un vol affrété par la société,

(2) au départ d’une visite du site de Zogota dans un avion affrété par BSGR, et cela en compagnie de cadres du Ministère des Mines ainsi que d’autres ministères, et finalement,

(3) lorsque j’ai moi-même profité d’un départ de leur avion de la Guinée pour me faire déposer en Europe ou j’avais une mission. Cependant, je vous confirme avoir souvent voyagé en vols privés pendant les deux années passées en Guinée. Vos observateurs confondent peut être les types d’avions et leurs numéros d’identification. Ces avions n’étaient nullement lies à BSGR. Je vous prie de revérifier avec vos sources.

Pour ce qui est de l’argent donné à M. Thiam ou distribué par lui, je dois vous avouer qu’être traité de porteur de valises me choque beaucoup. Tout le monde sait en Guinée que j’ai un certain respect de ma personne et qu’il y a des taches auxquelles je ne me serais jamais livré même si j’avais été dans le besoin. Il est vrai, par contre, que j’ai souvent donné de l’argent, sur mes fonds propres, a beaucoup de compatriotes: Amis, collègues ministres, collaborateurs ou autres. A chaque fois que quelqu’un est venu me poser un problème et que je pouvais aider, j’ai puisé dans mes poches et ai contribué à la mesure de mes moyens. Si certains veulent aujourd’hui prétendre que c’est de l’argent d’autrui que je leur ai donné, libre à eux.

Il me plait aussi de relever que parmi les membres même dudit comité, certains ont bénéficié de mes largesses. Votre actuel ministre des mines par exemple, a reçu de moi les fonds nécessaires à l’achat d’un véhicule lorsqu’il m’a sollicité. J’ai payé son voyage et ses soins médicaux à l’étranger lorsqu’il est tombé malade et lui ai même offert l’équipement sportif que les médecins lui avaient recommandé. Un autre membre de votre commission m’a demandé une voiture de service. N’en ayant pas le budget, je lui ai promis et offert une voiture personnelle de ma poche, alors même que je n’étais plus aux affaires. Si mon geste avait été intéressé, je n’aurais pas tenu ma promesse.

Je pourrai citer bien d’autres exemples. Les membres de mon cabinet qui vous entourent aujourd’hui savent que je n’acceptais pas de per diem lorsque nous allions en mission et que même mes jetons de présence lors de conseils d’administration, leur étaient répartis. Ils vous diront aussi qu’à aucun moment je n’ai entendu l’un deux me rétorquer que cet argent était le fruit d’actes de corruption ou voir y renoncer.

Vous-même, Monsieur le Président vous avez accepté de l’argent de moi. Cette aide et celle apportée à votre concurrent au 2ieme tour dans les mêmes conditions étaient désintéressées. C’était ma façon d’accompagner le processus démocratique dans notre pays. L’avez-vous refusé ou proposeriez-vous aujourd’hui de me le rendre ?

En contribuant à votre campagne ne vous ai-je pas indiqué clairement que je n’attendais rien de vous, ni ne travaillerai dans votre cabinet, et que ma décision de retourner à New York pour y reprendre mes affaires dans le privé était irréversible?

Je dois dire que toutes les aides financières que j’ai consenties sont tirées de mes ressources propres gagnées à la sueur de mon front au fil d’une longue carrière dans le privé ici aux Etats Unis. Je défie quiconque de me donner un exemple d’un service que j’aurais demandé en retour de ma générosité. Car la logique voudrait qu’un service soit attendu en retour d’un acte de corruption.

Point II.23.

J’aurais, en échange de cadeaux selon le comité, œuvré agressivement en faveur des intérêts de BSGR. Monsieur le Président, Comme je vous l’ai expliqué plus haut, j’ai œuvré très agressivement pour l’avancement de beaucoup de projets miniers et plus particulièrement d’un certain nombre que nous jugions important de mener à bout car assez avancés pour entrer très vite en production et à cause de l’impact que cette entrée en production aurait pour notre économie. J’étais, dans mon rôle de Ministre des Mines, chargé de faire décoller l’industrialisation de mon pays. Parmi ces projets figuraient BSGR, GAC, Bellzone, BHP à Boffa Santou-Houda, CPI à Boffa etc. Ses compagnies par leurs actions et le travail sur le terrain avaient prouvé que, si elles recevaient le support approprié, elles avaient réellement l’intention de produire.

Par contre j’ai combattu les opérateurs qui étaient en violation du code minier ou de la loi et qui refusaient de s’engager clairement à développer leurs sites. Ceci, Monsieur le Président sans jamais leur interdire de travailler ou retirer leurs permis. Nous avons toujours été convaincus qu’il était mieux de contraindre les compagnies à travailler que de leur interdire de travailler. La Guinée y a plus à gagner.

BSGR aurait selon le comité, mis son avion à ma disposition et payé mon hôtel à Genève. Comme je l’ai expliqué plus haut, j’ai en effet emprunté une fois, un avion de BSGR, dans le cadre de missions pour l’Etat avec des collaborateurs, je me suis aussi fait déposer dans une destination où ils allaient. La société n’a jamais mis d’avion à ma disposition.

C’est une pratique courante que les sociétés minières affrètent des avions ou paient des billets à des fonctionnaires en mission de l’Etat lorsque ces missions entre dans le cadre des activités de la société dans le pays. Le Ministre des Mines actuel lui-même se déplace souvent dans des avions affrétés par des sociétés.

Par contre, je suis choqué par le fait que Rusal ait affrété des avions pour vos déplacements à l’étranger en 2011 et ce, malgré le contentieux financier de l’ordre de 860 millions de dollars entre l’Etat et cette société, lequel a été mis à nu par notre équipe gouvernementale.

Comment le Comité interprètera-t-il la mise au placard de cet important contentieux et l’impuissance de l’Etat face à la situation d’arrêt de l’usine de Friguia qui a jeté dans le chômage des centaines de nos compatriotes et dans la ruine et le désespoir toute une ville. Votre Comité rendrait un précieux service au pays en accordant à ce dossier le degré de priorité qu’il mérite.

Quant à mes séjours au Mandarin Oriental, je vous informe que cet établissement est l’un des deux hôtels que je fréquente à Genève depuis 1994 alors qu’il était encore appelé Hôtel du Rhône. Je n’avais pas besoin que BSGR m’y loge avant d’être Ministre, pendant que j’étais Ministre et j’y loge encore parfois, maintenant que je ne suis plus Ministre.

Si vous vous étiez donné la peine de vérifier les allégations qui vous sont soumises, vous auriez la confirmation que toutes les factures y ont été payées par mes soins et par des cartes de crédit à mon nom. Est-il encore utile de rappeler qu’en tant que Ministre, j’ai effectué tous mes voyages officiels et privés à mes frais, j’étais logé et véhiculé à mes frais et j’ai refusé tous les avantages que mon rôle de PCA de certaines société minières mixtes m’octroyaient ? Ceci précisément pour éviter des exercices comme celui auquel vous me soumettez. A votre avis une nuitée dans un hôtel aurait valu la peine de compromettre tout ces efforts ?

Je voudrais encore faire appel à votre sens de la logique. Pourquoi aurais-je favorisé, moyennant argent, une seule compagnie alors que tant d’autres, plus grandes et plus riches seraient disposées aussi à acheter mes faveurs ? Pourquoi combattre et me faire attaquer dans la presse par Rusal et Rio Tinto, voir recevoir des menaces de mort par certains alors que j’aurais pu céder aux propositions qu’ils m’ont faites ? où est la logique, Monsieur le Président ?

Il m’est reproché d’avoir assisté au mariage de la fille de Monsieur Steinmetz en Israël. C’est vrai, lors d’un de ses passages à Conakry, Mr. Steinmetz a remis une invitation au Président Dadis pour le mariage de sa fille. Je pense que c’était pour la forme, mais le Président m’a chargé de l’y représenter. Je m’y suis donc rendu, à mes frais, et avec plaisir. Comme c’était pendant le mois de Ramadan, j’en ai profité pour aller prier à la mosquée sainte d’Al Aqsa à Jérusalem. Il va sans dire que même cette visite n’a pas été organisée par BSGR.

Point II.24. Il m’est reproché d’avoir renouvelé les titres de Rio Tinto en excluant les blocs 1 et 2 de BSGR. Monsieur le Président, faut-il le redire ? La position de mon cabinet ne faisait que confirmer une décision gouvernementale de 2008 confirmée par 3 gouvernements consécutifs et à l’unanimité par les cadres du ministère. Rio Tinto, elle-même, dans sa demande de renouvellement n’a pas jugé utile de réclamer les blocs 1 et 2. L’Accord Transactionnel signé avec Rio Tinto par votre gouvernement lui-même, n’a pas cherché à restituer ces blocs à Rio. Cette question semble avoir été rédigée par un représentant de Rio Tinto dans votre comité, Monsieur le Président.

Il m’est reproché d’avoir signé la Convention de base pour Zogota en Décembre 2009. Je dois d’abord dire haut et fort que ceci est un des actes dont je suis le plus fier. Notre objectif était de produire et exporter du minerai. Ceci passe nécessairement par l’octroi de conventions aux sociétés qui en remplissent les conditions. A défaut, nous resterons pour toujours, un pays à potentiel minier. En effet, Un Comité interministériel, auquel aucun ministre n’a participé, a négocié cette convention pendant des semaines avec la compagnie qui avait au préalable rempli toutes les conditions que le code minier impose. Ce Comité interministériel, dont certains membres siègent aujourd’hui dans votre Comité de Révision, a sorti un document qu’il m’a présenté avec une recommandation de la présenter en Conseil des Ministres. Apres présentation et débat en Conseil, Le Premier Ministre, Monsieur Komara a insisté pour que nous essayions d’extraire quelques avantages supplémentaires de la société sur certains points. Lorsque ceci fut fait, le Conseil a voté et autorisé la signature. Le Ministre des Finances et moi-même avons alors signé. Cette procédure est celle prescrite par nos Lois, Monsieur le Président. Durant la même période nous avons signé la Convention de Bellzone et recommandé la formation du comité pour la négociation de la convention de CPI des que cette société nous a livré ses études de faisabilité. Votre régime a annoncé quelques mois après mon départ, et avec fanfare les accords avec CPI.

Encore une fois Monsieur le Président que l’on m’indique le crime ou même la moindre violation d’une quelconque disposition de notre arsenal législatif et règlementaire.

Il m’est reproché d’avoir consenti à l’accord entre BSGR et Vale. Cela, Monsieur le Président était de mon devoir et mon droit en tant que Ministre des Mines.

Vous n’êtes pas sans savoir que même si notre code interdit la vente ou le transfert de permis de recherche ; cette interdiction ne concerne pas la cession de parts d’une société détentrice de permis. Vous savez aussi que l’article 62, tel qu’il est rédigé, prête à interprétation, d’aucuns soutenant que l’obligation d’informer les autorités et d’obtenir leur approbation y est implicite et d’autre le contraire. Notre position a toujours été de défendre l’obligation d’informer et d’obtenir approbation. C’est pourquoi les deux sociétés nous ont informé, par écrit, et obtenu, également par écrit, notre accord. A moins que nous ne puissions opposer des arguments légaux solides, nous sommes tenus de consentir. BSGR se proposait de vendre 51% des parts de sa société détentrice des permis à Vale. Ce n’est pas le permis qui a été offert. La loi le permet et le bon sens l’impose. Vale étant numéro un mondial dans le minerai de fer, remplissait toutes les conditions financières et techniques requises. Nous avons obtenu de Vale un engagement ferme de respecter toutes les obligations de BSGR. Que pouvions-nous souhaiter de plus, si notre objectif était réellement de faire développer ce projet par un consortium capable et réellement désireux de le faire. Tous les membres de votre commission qui ont fait le voyage du Brésil sur invitation de Vale ont reconnu que c’était le bon partenaire. Le monde financier et l’industrie minière ont salué de concert dans la presse spécialisée à travers le monde le fait que nul n’était plus capable que Vale de développer ce projet.

Je dois dire sans fausse modestie que le travail fait par les cadres du Ministère sous la période de transition a permis d’instaurer un degré de transparence et de compétition dans le secteur minier guinéen que nous n’avions pas connu auparavant. Grâce à cela notre pays a attiré un nombre record d’investisseurs alors même que nous vivions une crise mondiale et subissions des sanctions économiques et politiques.

Des projets majeurs sont en développement aujourd’hui, grâce aux positions courageuses que nous avons pris et défendues. Vous avez pu, par exemple, négocier l’accord transactionnel de 700 millions de dollars avec Rio Tinto dès vos premiers mois de prise de fonction. Ceci, grâce à nos efforts durant la période de transition. Je fonde d’ailleurs l’espoir que votre Comite va porter sur son agenda le réexamen et la renégociation de certains aspects plutôt mauvais pour notre pays de cet accord.

Il m’est reproché, en fin, d’avoir supporté le passage par le Liberia, contrairement à la politique nationale. Monsieur le Président, lorsque cette politique nationale n’a pu apporter le résultat souhaité pendant 52 ans, il est temps d’essayer autre chose. C’est ce que nous avons fait. Ceci a été présenté en Conseil et débattu. Il a été établi que la nouvelle approche permettrait enfin de réaliser nos objectifs nationaux. J’ai été chargé en tant que Ministre d’expliquer la nouvelle stratégie, ce que je fis fièrement. Durant les débats en Conseil, lorsque les arguments techniques l’ont emporté, un Ministre nous a opposé que Sékou Touré n’a jamais consenti au passage Libérien. Nous avons alors produit l’accord que Sékou Touré avait fini par signer avec le Liberia, consentant au passage Libérien.

Monsieur le Président, j’assimile la défense aveugle d’une politique nationale qui a systématiquement échoué pendant 50 ans à la fierté du Coq qui chante fièrement tous les matins en battant des ailes, sans réaliser qu’il a les pieds dans ses propres excréments.

Pour conclure Monsieur le Président, en relisant mes réponses je constate que je commence tellement de paragraphes par « vous m’accusez » ou « il m’est reproché » que j’aurais pu aisément les remplacer par « je me nomme ». La procédure que vous semblez vouloir mener rappelle étrangement un passé, pas si lointain de notre pays, où par convoitise, jalousie ou simple méchanceté, d’aucuns condamnaient leurs concitoyens à la torture et au meurtre au Camp Boiro. Un temps où il était possible de faire tuer quelqu’un en l’accusant d’être en même temps, un agent Nazi et un espion Sioniste (ceci en 1970, pas en 1944) , une chose et son contraire.

Le style même du courrier du comité est étrangement similaire aux textes d’accusation rédigés par les comités révolutionnaires d’antan et aux aveux rédigés au préalable par ces mêmes Comités et qui commençaient toujours par « Je me nomme ».

A la lumière des scandales qui ont éclaboussé notre secteur minier ces derniers mois, on peut se demander si vous ne voulez pas faire de votre Comité un instrument de confiscation des biens de certaines sociétés minières pour les resservir à des groupes d’intérêt auxquels vous aviez fait des promesses en échange de contributions électorales. Les dossiers Palladino, AIOG et autres semblent bien illustrer ces tentatives malsaines d’expropriation et de spoliation du patrimoine minier de notre pays. Que la Banque Mondiale elle-même ait aidée, à travers sa filiale (la SFI), à défaire certains de ces montages rocambolesques est édifiant.

Pour terminer, je dirais que la mission de tirer les choses au clair et d’introduire la transparence dans nos affaires minières est noble, Monsieur le Président. Je vous y encourage et vous exhorte à ne pas la ternir pour le plus grand bien de notre chère patrie.

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