[dropcap] M[/dropcap]onsieur le président de la République, ce dimanche, dans la préfecture de Boké, notamment dans la localité de Kamsar, vous avez qualifié les habitants de démagogues. Un jugement que je conteste, car injuste et inadéquat.

A Kamsar, les habitants, en toute liberté, vous ont exposé leurs nombreux problèmes d’eau et d’électricité. Quoi de plus normal lorsqu’on reçoit un chef d’Etat dans sa localité. Mais comme d’habitude, vous n’aimez pas que des gens vous tiennent tête. Votre personnalité autoritaire ne vous le permet pas. Votre réaction est disproportionnée, insensée et hors la ligne. En colère, vous criez sur la foule : « Ces démagogues,  avant mon arrivée au pouvoir, il y avait quoi ? Ce que j’ai fait en quatre ans, nul autre l’a fait en cinquante ans et tout le monde l’a vu ».

Le démagogue, est celui qui veut guider le peuple en le suivant. Ses armes habituelles sont la flatterie, les promesses inconsidérées, l’appel aux sentiments les plus violents, telle la haine. Le contraire du démagogue serait un homme d’Etat, qui donnerait à raisonner, à agir, à unir.

Il est clair, et en toute objectivité, qu’il n’y a pas de traces de démagogie dans l’exposé fait par des habitants de Kamsar. Leurs réclamations   seraient qualifiées de démagogiques, s’ils n’avaient pas exposé leurs problèmes, et avaient opté pour une autre forme de discours flatteur relatif à votre réélection.

Je le disais plus haut, que le contraire du démagogue serait un homme d’Etat, qui donnerait à raisonner, à agir, à unir. Sur cette base, monsieur le président, vous n’unissez pas les guinéens, vous les désunissez. Vous ne raisonnez pas, vous déraisonnez.

A quelques mois seulement des élections présidentielles, vous entamez un périple à travers toute la Guinée. Vous nourrissez les passions dans le seul but de trouver un chemin pour votre réélection. Cela, c’est de la démagogie pure. Vous dite que « ce que vous avez fait en quatre, nul autre l’a fait en cinquante ans, et que tout le monde l’a vu ». C’est non seulement un  mensonge vis-à-vis des guinéens, mais aussi vis-à-vis de vous-même.

Si en Haute-Guinée, vos supporters vous suivent aveuglement, ce n’est pas le cas dans toutes les autres parties de la Guinée. Et si votre personnalité est contestée dans certaines régions, c’est bien dommage que vous soyez incapable de trouver des adjectifs adéquats pour le jugement, et pour la circonstance.

Le seul démagogue en Guinée, celui-là qui nourrit les passions, et s’en nourrit, c’est bien vous, monsieur le président. L’inculpation tant précipitée de Dadis Camara, dans l’affaire du massacre du 28 septembre, c’est aussi une preuve manifeste d’un acte de démagogie, à la « soviétique », de votre part.

Avec l’espoir que la lecture de ce message vous permette de vous ressaisir, dans le cadre d’une bonne gouvernance, je vous prie d’agréer, monsieur le président, l’expression de ma très haute considération.

Naby Laye Camara

Bruxelles