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Niger : ‘’la CEDEAO doit faire preuve de fermeté face à la contagion des coups d’Etat’’, préconise Régis Hounkpè, analyste en géopolitique

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Au Niger, le président élu Mohamed Bazoum a été renversé par des membres des forces de défense et de sécurité, réunis au sein du Conseil national pour la sauvegarde de la partie (CNSP). Malgré les multiples appels à rendre au pouvoir, la junte, avec à sa tête le général Abdourahmane Tchiani, proche de l’ancien président Mahamoudou Issoufou, déroule son agenda comme si de rien n’était.

La rédaction de VisionGuinee a interrogé Régis Hounkpè, enseignant à l’Université de Reims Champagne-Ardenne et à l’Ecole Nationale Supérieure des Armées du Bénin). Cet analyste en géopolitique et relations internationales, directeur exécutif d’InterGlobe Conseils, cabinet-conseil international spécialisé en expertise géopolitique et communication stratégique, décortique la situation au Niger. Entretien.

VisionGuinee : Le Niger traverse une période politique mouvementée avec l’incursion de l’armée sur la scène politique, quelle lecture faites-vous de ce coup de force ?

Un coup d’Etat pour convenance personnelle que les putschistes ont rapidement habillé d’arguments sur la gouvernance socio-économique et sécuritaire et qui constitue une violation flagrante de l’ordre constitutionnel. Ce n’est pas savant de le dire mais après deux semaines de séquestration du président Mohamed Bazoum, ce coup de force, comme tous ceux qui ont renversé des régimes civils dans la sous-région, déstabilise non seulement les pays et désigne nos armées ou du moins celles qui procèdent de cette façon comme des instruments de désordre républicain. Ce coup d’Etat ne peut être ni compris, ni justifié.

L’Afrique de l’Ouest francophone continue de vivre des coups d’Etat. Parlez-nous des causes de ce mal qui gangrènent la sous-région

Il y a évidemment des raisons convenues sur la mauvaise gouvernance, l’échec des pouvoirs civils, la démission des élites, les compromissions avec des partenaires extérieurs mais je pense que ces motifs ne sont que le cache-misère d’ambitions d’officiers militaires qui souhaitent goûter à l’exercice du pouvoir par la brutalité et la force.

En trois ans, nous sommes à plus de six coups d’Etat dans la sous-région et parfois, un vent d’espoir a pu souffler mais nous sommes rapidement tombés dans les travers des pouvoirs autocrates. L’autocratie n’est pas que la marque des civils tripatouilleurs de constitutions. Il faut comprendre que nous n’avons pas assez intégré les fondamentaux de l’Etat de droit, de la gouvernance, de la démocratie où chaque corps de la société dispose de sa partition. Les militaires ont un rôle essentiel à jouer dans nos sociétés. Nous avons souvent tendance à les limiter dans leurs casernes mais les armées ont un rôle social et républicain pour la cohésion sociale, l’unité nationale, et évidemment la sécurité et la défense à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières. Aucun justificatif n’est valable pour valider ces intrusions dans le champ politique !

Le président Bazoum est détenu par la junte depuis le mercredi 26 juillet malgré les multiples appels à sa libération. Quelles sont les chances du retour du président Bazoum au pouvoir ?

Nous sommes à deux semaines d’une crise dont les tentatives de résolution par la CEDEAO sont pour le moment vaines. La libération du président Bazoum et la restauration de l’ordre constitutionnel sont des préalables que les putschistes n’ont visiblement pas l’intention d’admettre même dans le périmètre des discussions. Les chances sont minces, mais les grands optimistes s’accrochent à l’idée que la junte cèdera sous la pression des sanctions économiques et diplomatiques et de l’hypothèse de l’intervention armée du bloc régional ouest-africain. Je reste réservé sur la suite. 

La Cedeao n’écarte pas l’option d’une intervention militaire pour rétablir Bazoum dans ses fonctions. Quels sont les risques d’une telle opération pour le Niger et la sous-région ouest-africaine ?

Parlons justement des Nigériennes et des Nigériens qui constitueront les premières victimes d’une telle opération si elle n’est pas menée de façon précise et chirurgicale. Les spécialistes parlent d’une opération aéroportée qui prendrait pour cible la présidence, mais sortons un peu de la fiction d’un film d’action hollywoodien. Il y a évidemment, du fait de l’instrumentalisation des tensions à des fins malveillantes, des risques de division avec les peuples voisins du Niger. L’opération militaire reste une option pour la CEDEAO, mais toutes les voies de recours diplomatique méritent d’être explorées et renouvelées.

Les dirigeants du Burkina Faso et le Mali, soutiens du CNSP, ont prévenu qu’une intervention militaire serait une déclaration de guerre ». A Conakry, le CNRD craint une éventuelle dislocation de la CEDEAO. Que peuvent faire ces putschistes face à l’organisation sous-région ?

La CEDEAO est cisaillée entre plusieurs crises qu’elle a peine à résoudre et l’idée même d’une scission avec d’une part l’alliance des putschistes contre le reste des pays ouest-africains serait un échec supplémentaire pour tous les Africains, au-delà de l’institution. D’un côté, nous avons la solidarité des frères d’armes qui ont pris le pouvoir par la force et de l’autre une organisation suffisamment accablée qui doit retrouver de la crédibilité et faire preuve de fermeté face à la contagion des coups d’Etat. Chaque junte dispose de son propre agenda et de ses spécifiques perspectives mais la réalité d’un adversaire en commun aura opportunément créé un sous-bloc contestataire aux injonctions de l’organisation. Cela n’est pas de nature à ramener la stabilité dans une région confrontée au péril sécuritaire avec les groupes armés terroristes, aux crises sociales et économiques, à une jeunesse désespérée qui choisit fatalement le cimetière des eaux méditerranéennes.

La sous-secrétaire d’Etat américaine Victoria Nuland n’a pu accéder au président déchu du Niger, Bazoum. Elle n’a pas pu rencontrer le chef de la junte Abdourahmane Tchiani. Quelles peuvent être les conséquences de l’insensibilité du CNSP aux offres de négociations ?

Cela radicalisera les positions de part et d’autre et j’espère que les pressions occidentales et ingérences des partenaires extérieurs cesseront car elles n’aident pas en l’état à trouver des issues favorables au dénouement de la crise au Niger. Soyons lucides, les Etats-Unis et les autres puissances occidentales y ont des intérêts économiques et stratégiques à défendre et à la lumière de ce coup d’Etat, nous remarquons aisément que beaucoup s’intéressent au Niger mais pas pour les Nigériens et les Nigériennes. Je préfère de loin une médiation de la CEDEAO et de l’Union Africaine pour venir à bout de cette situation qui a trop duré.

Par Ciré BALDE, pour VisionGuinee.Info

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