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Non Monsieur le Président, les Guinéens aiment travailler[1]

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[dropcap]J[/dropcap]e viens de rentrer du pays, j’y ai passé deux mois aux cotés de beaucoup de Guinéens que j’ai vu travailler tous les jours.   Les femmes qui se lèvent de bon matin pour aller aux marchés respectifs de la capitale pour vendre à de vils prix les fruits de leur effort quotidien dans la plus grande insalubrité nauséabonde.

Les enfants qui bravent la poussière sur « la route de soie » (en construction depuis trois ans) pour aller à l’école. J’ai vu bon nombre de ces enfants pendant mon calvaire de dix heures entre Conakry et Mamou.  Les transporteurs qui se débrouillent avec des clients désespérés pour arriver au centre-ville.  Les commis de l’état qui sortent de chez eux à 6 heures du matin pour arriver à leur bureaux vers 7:30 ou 8:00 du matin sur une petite distance de 20 kilomètres.

Les policiers de la circulation routière qui essayent cahin-caha de régulariser une circulation avec des embouteillages monstres sans aucun équipement pour faire respecter le code de la route. Les camions des ramasseurs d’ordures qui travaillent comme Sisyphe.  Les enfants qui un soir ont passés deux heures de temps pour débloquer un embouteillage à Entag.

Notre classe dirigeante, depuis l’Indépendance, est caractérisée par l’incompétence notoire de la majorité des commis de l’état. A son crédit, il faut le souligner, cette classe a fait une lecture exacte de comment prospérer dans ce système corrompu nos Présidents sont préoccupés plus par leur maintien au pouvoir que par le développement du pays. Conséquemment, nos chefs sont séduits par des slogans vides de contenu et des titres ronflants : Père de la nation, Président Paysan, Président Professeur, j’en passe.  Pendant ce temps, les fossoyeurs de notre économie continuent à s’enrichir en plein jour en volant les deniers publiques.  Oui les Guinéens aiment travailler mais ils ne sont pas dupe.  Ils voient clairement le « théâtre Kabuki » que leur classe dirigeante est en train de jouer dans le pays.[2]

Quant aux ministres, je ne peux pas confirmer comme vous l’avez dit s’ils volent ou distribuent de l’argent.  Cependant, durant mon séjour, j’en ai vu bon nombre dans les restaurants prestigieux de la capitale.  À la Camayenne, en train de fumer de bon cigares et boire du bon whisky.  Au Petit Bateau, arrivant incognito avec une garde rapprochée, au centre-ville du côté de l’hôpital Ballay, prenant leur déjeuner.  En banlieue du côté de Coléah et Landréah, pour leurs dîners. Dans la circulation avec leur sirène stridulante, leurs cylindrés ronflantes et leur garde du corps armée aux dents pour dégager la route parce qu’il vont en sens contraire.

À Kindia, une femme m’a offert un seau de mangues greffées pour seulement 10,000 francs guinéens alors qu’une seule de ces mangues vaux 10,000 francs dans la petite ville je vis aux États Unis.  J’ai poliment décliné son offre. Je lui ai promis cependant que j’écrirais mon témoignage sur le travail qu’elle fait pour soutenir sa famille.  Avec un regard incrédule elle me dit qu’au moins quelqu’un saura quelle travaille pour soutenir sa famille.  Les Guinéens travaillent dur mais notre classe dirigeante a décidé depuis longtemps que le sous-sol va nourrir le sol. L’exploitation des mines avant tout.

Pendant que nous y sommes, Monsieur le Président, prêtez-moi le Ministère de l’Agriculture pour trois ans.  Je suis sûr qu’avec un effort relativement dévoué à faire de l’agriculture une priorité, cette femme que j’ai vue à Kindia pourra évacuer ses produits vers des pays qui payeront la vraie valeur de son effort.  Je n’aurai pas besoin de sirène, de bureau, de salaire ou de garde-corps.  Je serai sur le terrain, dans les champs et les villages pour aider nos compatriotes à faire face à leur besoin dans la dignité humaine que nous les devons.

Cartes sur table !  Deal ?

Dr Abdoulaye BAH

[1] http://prod2.visionguinee.info/2021/08/03/en-guinee-denonce-alpha-conde-un-bon-ministre-cest-celui-qui-vole-et-distribue/

[2] « Les expressions théâtre Kabuki, danse kabuki ou pièce de théâtre kabuki sont parfois utilisées dans le discours politique pour décrire un événement caractérisé davantage par la mise en scène que par le contenu. »

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