Après avoir reconduit le Premier ministre, Mohamed Saïd Fofana, à son poste, le président Alpha Condé a procédé, le 20 janvier, à un important remaniement de son gouvernement. L’on peut faire trois observations majeures à propos de cette nouvelle équipe gouvernementale.
D’abord, elle est marquée par un savant dosage ethnique. Toutes les régions naturelles de la Guinée y sont représentées. L’on peut y voir le souci du président Alpha Condé d’associer tous les fils du pays à la gestion des affaires de l’Etat. Dans le contexte de la Guinée, cette démarche peut contribuer à pacifier les relations qui ont très souvent été conflictuelles entre les différentes communautés du pays. Ce clivage ethnique, la Guinée, malheureusement, le traîne comme un boulet à ses pieds depuis le régime de Sékou Touré. Le président Alpha Condé, qui n’a eu de cesse de dénoncer l’instrumentalisation des ethnies à des fins politiciennes, a donc intérêt à apporter la preuve que sous son régime, aucune ethnie ne peut être frappée d’ostracisme.
La deuxième observation majeure est que le nouveau gouvernement est caractérisé par le départ de la plupart des ministres chefs de petits partis politiques qui avaient aidé Alpha Condé à conquérir le pouvoir en 2010. L’on pourra dire, à l’analyse, que les déflatés paient simplement le prix de leur poids politique réel. En effet, beaucoup parmi eux ont été recalés lors des élections législatives de septembre 2013. Ils ont, par conséquent, fourni la preuve au président qu’ils n’ont aucune base sociale. Alpha Condé en a profité pour s’en débarrasser. Le président, comme l’on peut le deviner, ne court aucun risque politique, à renvoyer de son équipe gouvernementale, des représentants de partis dont les militants, en réalité, peuvent tenir dans une cabine téléphonique.
La dernière observation importante à propos du nouveau gouvernement, c’est l’absence de l’Opposition. L’on a l’impression que le professeur Alpha Condé a traduit dans les actes, le principe selon lequel la majorité gouverne et l’Opposition s’oppose. La nouvelle mouture gouvernementale a l’avantage donc de l’homogénéité et de la cohérence politiques pour exécuter le programme pour lequel Alpha Condé a été élu. Au demeurant, dans le contexte actuel de la Guinée, marqué notamment par le retour de la paix et le fonctionnement normal de toutes les institutions démocratiques, un gouvernement dans lequel l’Opposition serait représentée est inopportun.
En réalité, de manière générale, les gouvernements d’union nationale en Afrique ont suffisamment apporté la preuve de leur inefficacité. En effet, sous prétexte d’associer tous les fils et toutes les filles du pays, y compris ceux de l’Opposition, à l’édification de la nation, certaines personnes dont l’incompétence est notoire et la probité douteuse, ont pu être gratifiées de portefeuilles ministériels. Dès lors, l’on assiste à une cacophonie au sommet de l’Etat, qui relègue ainsi aux calendes grecques les préoccupations légitimes des populations. De ce point de vue, Alpha Condé a voulu s’entourer d’hommes et de femmes qui partagent avec lui la vision qu’il veut imprimer à la marche de la Guinée vers son développement, et qui seront solidaires et comptables de son bilan au moment où il rendra compte au peuple de Guinée à l’occasion de la présidentielle de 2016. Cette échéance impose à la nouvelle équipe de répondre au plus vite à la demande sociale. Le président Alpha Condé sait mieux que quiconque qu’il doit faire mieux que ses prédécesseurs. Certes, l’on peut lui concéder le fait que, pendant les 3 ans qu’il a déjà passés à la tête de l’Etat, l’Opposition ne lui a accordé aucun répit pour traduire en actes concrets son projet de société. Maintenant, l’on peut estimer qu’il a les coudées franches pour tirer la Guinée de la misère. Les deux ans qui lui restent pour achever son mandat doivent être des moments de volontarisme fort, consacrés à la réalisation de travaux d’envergure qui apporteront aux Guinéens la preuve palpable qu’ils ont fait le bon choix en le portant d’abord à la magistrature suprême en 2010, et ensuite en lui accordant une majorité au parlement. Le moins que l’on puisse dire, tout en lui souhaitant bon vent, est qu’il a encore deux ans pour convaincre.
Par Pousdem Pickou (In Le Pays)