[dropcap]A[/dropcap]lpha Condé ne fait pas que réveiller les morts. Il déterre carrément une vieille hache de guerre que tout le monde avait préférée ensevelie. Lui qui avait annoncé la publication des résultats des audits de la gestion de ses opposants (tous anciens Premiers ministres sous Conté), occupe l’opinion avec sa fameuse «liste partielle» des biens immobiliers «dits cédés» par l’Etat dans les communes de Kaloum, Dixinn, Matam et Ratoma.
Et cela tonne plutôt comme une provocation visant principalement l’ancien président de la transition le général Sékouba Konaté mais également Sidya Touré le premier des anciens Premiers ministres et le chef de file de l’opposition Cellou Dalein Diallo.
On retrouve sur cette liste des bénéficiaires ayant pour la plupart des titres de propriété. A Almamya, Hadja Gorma Traoré occupe un immeuble situé non loin du siège de la SEG répertorié sous l’estampille PBP/KA/0226-0227. Elhadj Mamadou Saliou Diallo a bâti un immeuble non loin de l’ex-hôtel Niger sur le domaine PBP/ KA/0165. D’autres domaines sont sous les noms de Ahmed Nunez Zaïdan et les frères Amadou et Sadio Diallo de Ninguelandé (PBP/KA/0267). Le Bar restaurant Le Grillon, l’ex-Cinéma Palace (PBP/KA/ 0203), le bâtiment du colonel Himmy Sylla ainsi que celui attribué à l’ancienne Première dame Henriette Conté (PBP/ KA/0400 CVMA) avenue de la république, sont sur cette même liste.
A Boulbinet. Le bâtiment abritant l’ex-Cinéma Rialto (PBP/KA/:0168) et les demeures de Mme Béatrice Dupontou (PBP/KA/044), Mme Alima Soumah et M. Félix Faber le célèbre mathématicien et ancien compagnon politique de feu le doyen Ba Mamadou.
Au quartier Cameroun, outre le siège du Parti de l’unité et du progrès (PUP) ancien parti au pouvoir (PBP/CAM.CMN/0077) derrière lequel pousse une cité, il y a le domaine abritant le supermarché Super Bobo (PBP/CAM/ CMN/0083 et 0090) et ceux occupés par Alhassane Barry (PBP/CAM/CMN/0019), Sékou Larac Camara (PBP/CAM/CMN/0086), et Morlaye Aribot (PBP/CAM/CMN/0057).
A Donka, la villa occupée par l’ancien Premier ministre de la transition Jean-Marie Doré n’est pas listée. Par contre celle de la secrétaire particulière de feu le président Sékou Touré, Mme Aye Bobo Barry (PBP/ CAM/CAM/0044) est répertoriée. En bonne place figurent celles d’anciens barons bien connus comme Elhadj Mamadou Sylla (PBP/CAM/CAM/0025), Alpha Ousmane Diallo (PBP/CAM/ CAM/0027), Alpha Abdoulaye Camara (PBP/CAM/CAM/0037), Sékou Keita (PBP/CAM/CAM/ 0068 et 0070), Sidiki Demba Nabé (PBP/CAM/CAM/00111), Abdoul Razak (PBP/CAM/CAM/ 0019-0020), Bachir Barry (PBP/ CAM/CA//0022) et Amadou Camara (PBP/CAM/CAM/0045).
A Landréah cité de l’air, non loin de l’université Gamal Abdel Nasser, Kaba Soba (PBP/CAM/LAN/001) et Mariam Camara (PBP/CAM/LAN/0012) la directrice générale de la Soguipah, les résidences Habib Barry (PBP/CAM/LAN/0013), Perissa Camara (PBP/CAM/LAN/0023), Aboubacar Bruno Bangoura ancien sociétaire du Hafia FC (PBP/CAM/LAN/0046), Alpha Tanoundy Camara (PBP/CAM/LAN/0048), Fatoumata Binta Diallo (PBP/CAM/LAN/0049) et l’ex-permanence devenue école privée (PBP/CAM/LAN/0045).
A Dixinn-centre, le chef de file de l’opposition, l’ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo (PBP/CAM/DCI/002), son doyen Elhadj Thierno Mamadou Cellou Dalein Diallo, ancien ministre, ancien ambassadeur, actuellement conseiller d’Alpha Condé (PBP/CAM/DCI/0017). Mounir Cissé (PBP/CAM/ DCI/007) et Elhadj Amadou Bah (PBP/CAMDCI/001).
A Bellevue-marché. Il y a surtout le Lycée Libanais (PBP/CAM/ BVM/003) non loin de l’héliport, le domaine Fauloro et celui de Maningbè Doumbouya. Au quartier Minière, l’ancien Premier ministre Sidya Touré (PBP/CAM/CMI/0126).
Le cas Général Konaté
Dans l’affaire récupération des biens immobiliers de l’Etat, l’ancien bras armé de la transition militaire qui a trop embrassé au moment où il dirigeait le pays en 2010, ne fait pas avec la sagesse de Sékou Touré qui, face à la menace de son homologue malien Moussa Traoré de repousser la frontière terrestre, lui aurait dit simplement qu’il peut installer ses bureaux à Conakry s’il le veut. La Guinée et la Mali étant les deux poumons d’un même corps. Et cela a aidé les deux pays à éviter une guerre fratricide inutile.
A l’inverse de Sékou Touré, le général Sékouba Konaté (en exil de fait depuis l’installation d’Alpha Condé au pouvoir), préfère s’engager dans un rapport de force perdu d’avance face à un pouvoir autoritaire obstiné à mettre ses adversaires dans la trouille aux travers de résultats d’audits ou d’inventaires du genre. Et sa menace, loin d’un trafic d’influence véritable, a tout l’air d’un mimodrame narcissique quand il affirme (au site internet Guineenews qui recueillait son sentiment suite la publication du récapitulatif du patrimoine immobilier de l’Etat): « Ceux qui me cherchent me trouveront sur leur chemin. Maintenant, je ne vais plus me laisser faire; le Général Sékouba Konaté de 2010 est différent de celui de 2014». Et patatras !
Comme pour montrer ses biceps, il durcit le discours: « Ce n’est pas à cause d’un lopin de terrain que je vais me laisser distraire. Mais, vouloir exproprier un bien familial, obtenu dans les conditions régulières depuis le premier régime, protégé par feu général Lansana Conté pour notre famille – tous les documents en font foi – de façon abusive et illégale, serait inacceptable.»
Konaté semble ignorer que les temps où un régime comme celui qu’il a dirigé pouvait tout se permettre, même de décider d’exproprier des exploitants de diamants, d’envoyer un escadron violer des domiciles, commettre des pogroms et torturer des opposants… sont révolus. Désormais, même si le régime Alpha Condé a l’intention d’exproprier des citoyens, il doit se référer à la loi. Sans cela, ses commanditaires seront pour suivis en justice au moment opportun.
Ceci expliquant cela, les menaces de Konaté sont celles d’un tigre en carton rongé par les remords de 2010. Elles n’effraient même pas les jeunes gazelles des zoos à plus forte raison la meute de chats qui peuple Conakry depuis son départ du pouvoir. Tous savent pertinemment que les piliers de la démocratie, si fragiles soient-ils, restent et demeurent les seuls repères pour tout citoyen sentant ses droits bafoués. «La loi est dure, mais elle est la loi», dit l’adage. Mais la loi est là aussi pour tout le monde.
Sidya et Cellou
Selon la déontologie administrative, l’inventaire, la cession ou le bail de biens immobiliers public est un exercice tout à fait normal dans un Etat normal. Cela, moyennant un certain prix et ne peut en aucun cas être commandité dans le dessein de nuire à autrui. Sauf que dans ce cas précis, tout porte à croire que le régime Alpha Condé est obstiné à exproprier.
Mais pour parer à toute éventualité, Sidya Touré a adressé une lettre à l’Agent Judiciaire de l’Etat, l’avocat Goureissy Sow. Il écrit qu’à sa nomination en juillet 1996, comme Premier ministre, il a été logé à la résidence de Landréya à Dixinnn (logement actuel de la Première dame), dont l’achat lui avait été proposé. Mais il a décliné l’offre et sollicité un terrain nu pour construire sa résidence privée. Le Président Conté a signé le décret 96/195/ PRG/SGG lui attribuant le terrain du lot 24 du plan cadastral de Taouyah Cité. La transaction et les actes notariés en font foi. Ils montrent que son nom ne devrait pas être sur la liste. Mais vlan!
Pour ce qui est de Cellou Dalein Diallo, c’est sans surprise. De tous les régimes qui se sont succédé après Conté, il a toujours été une cible à abattre à tout prix. La position géographique de sa résidence (qui jouxte les berges de l’océan atlantique dans le quartier de Dixinn-port) et le parfum que dégage son jardin attisent les convoitises et crée des envieux dans les rangs des dirigeants politiques et militaires.
L’autre aspect de la provocation dont il fait l’objet émanerait des suffrages engrangés aux présidentielles de 2010. Ce n’est plus sous le sceau du secret: Diallo a battu Condé au premier comme au second tour. Seulement, la communauté internationale soucieuse de la paix, a usé de son influence pour faire accepter Diallo les résultats. En attendant la prochaine présidentielle.
A juste titre, Diallo l’a rappelé dans une récente interview en anglais. Il a prévenu qu’en 2015, ses militants n’accepteraient pas la récidive de l’histoire de 2010.
D.Alpha