Une interpellation urgente pour l’Afrique et la Guinée. Il est devenu coutumier, presque banal, d’entendre les dirigeants vanter des taux de croissance flatteurs : 5%, 6%, parfois plus. Les communiqués officiels abondent de mots comme ‘’relance’’, ‘’projets structurants’’, ‘’développement inclusif’’, ‘’émergence’’… Pourtant, une question dérangeante persiste dans les rues de Conakry, de Bamako ou d’Abidjan : où est passée cette croissance ? Qui en profite réellement ?
Car pendant que les indicateurs macroéconomiques dansent, la pauvreté, elle, reste obstinément enracinée. Elle se lit sur les visages marqués, dans les bidonvilles qui s’étendent, dans les marchés qui ferment plus tôt, dans les familles qui ne peuvent plus envoyer leurs enfants à l’école. Le coût de la vie explose, mais les salaires stagnent. Les routes s’élargissent, mais l’assiette se vide.
Croissance pour les uns, misère pour les autres ?
La vérité que l’on ne veut pas dire, c’est que cette croissance est sélective. Elle fonctionne, oui, mais pour une minorité privilégiée, souvent connectée au pouvoir, aux contrats publics et aux marchés de rente. Ce sont les mêmes visages qu’on retrouve dans les conseils d’administration, les partis politiques, les sociétés de BTP et les institutions financières.
Et pendant ce temps, le peuple assiste au spectacle en silence, résigné ou confus, pendant qu’on lui parle d’émergence au milieu de l’urgence. L’économie fonctionne, mais sans lui. Le pays avance, mais les citoyens reculent.
Un développement sans redistribution est un mirage
Le développement ne se mesure pas uniquement au nombre de chantiers ou de ponts. Il se mesure à l’accès à l’eau, à la santé, à l’éducation, à la justice. Il se mesure à la dignité restaurée, au panier de la ménagère, au revenu du cultivateur. Or, en Guinée, la redistribution de la richesse reste une promesse trahie.
À quoi bon des milliards d’investissements si l’enfant continue de mourir faute de soins à l’hôpital public ? À quoi bon des hôtels flambant neufs si les enseignants dorment sans salaire ?
Changer de cap : vers une croissance équitable et visible
Il est temps de changer de logiciel. Ce n’est pas de croissance dont nous avons besoin, c’est de justice économique. De transparence dans la gestion publique, d’équité fiscale, de priorité sociale dans les budgets, d’un État qui régule au lieu de se soumettre.
L’avenir ne pourra pas être bâti sur des statistiques trompeuses, ni sur une croissance à deux vitesses. Une société durable est celle où l’ouvrier, le paysan, l’enseignant et la mère célibataire sentent que le pays travaille aussi pour eux.
Conclusion : pour qui travaille le progrès ?
La question est brûlante, mais salutaire : pour qui travaille le progrès ? Si la croissance ne sert pas à réduire les inégalités, à créer de l’emploi, à garantir les droits fondamentaux, alors elle ne mérite pas d’être célébrée.
Il est temps que les peuples réclament non pas plus de croissance, mais plus de sens.
Et surtout : plus de justice, plus de résultats, et plus de vérité.
Boubacar Dieng