La crise financière et économique actuelle et ses conséquences en termes de précarité et d’inégalités sociales, notamment en Europe, génèrent au sein de sa population des incertitudes et des préoccupations quant au présent et leur avenir. En réponse à cette crise qui les prive ainsi de toute opportunité d’insertion sur le marché de l’emploi, les Européens, les jeunes en particulier, font le choix de l’exode vers des destinations quelque peu surprenantes.
En effet, les habitants de certains pays, jusqu’ici très attirants pour les immigrants notamment africains, commencent à émigrer vers leurs anciennes colonies à la recherche d’une meilleure situation professionnelle. C’est le cas entre autres, des jeunes Espagnols, Portugais et Français. Beaucoup se dirigent vers l’Amérique latine, en particulier le Brésil ou certains pays d’Afrique lusophone (Angola, Cap Vert ou Mozambique) ou francophone comme le Maroc. Plus l’Europe s’enfonce dans la crise, plus ce phénomène relativement nouveau s’amplifie.
Depuis 2010, des milliers de jeunes portugais se rendent ainsi régulièrement à Luanda, la capitale angolaise. Ils seraient 30 000 à demander chaque année un visa de séjour, en plus des 100 000 qui, selon la Chambre de commerce et d’industrie Portugal-Angola, vivraient déjà dans ce pays en pleine mutation. Le Portugal, dont le taux de chômage national a récemment atteint le niveau record de 15,8%, est l’un des pays européen avec l’Espagne et la Grèce (respectivement 55,9 % et 57%) ayant le taux de chômage le plus élevé chez les jeunes de 15 à 24 ans, soit 39% contre 23,4% pour l’ensemble de la zone euro. Avec un taux de chômage aussi catastrophique, rien de surprenant à ce que les jeunes Portugais et Espagnols désertent leur pays en direction de certains pays du Nord aux économies plus dynamiques.
L’Angola par exemple, devenu l’un des eldorados de ces jeunes en mal d’opportunités professionnelles dans leur pays, compte parmi les économies les plus dynamiques du continent africain malgré un fort ralentissement depuis le début de la crise économique mondiale. Sa croissance frôlait les 14% au cours de la dernière décennie. Notons également qu’il est depuis 2008, le premier producteur de pétrole en Afrique subsaharienne, dépassant ainsi le Nigéria. De même, signe que les affaires sont florissantes dans ce pays longtemps en guerre, l’on remarque depuis peu l’apparition d’une multitude de nouvelles banques et la multiplication des chantiers de construction de routes, d’hôtels ou d’immeubles, menés par les géants du BTP.
Tout comme les Portugais, les jeunes diplômés français sont également de plus en plus nombreux à quitter leur pays pour l’Afrique du Nord, plus précisément le Maroc. Si le royaume chérifien a toujours été une destination privilégiée pour les Français, notamment les retraités à la recherche du soleil, d’une vie meilleure et moins chère, il est devenu pour environ 55 000 d’entre eux installés sur son territoire, plus que jamais aujourd’hui, un « lieu de rêve » pour les jeunes diplômés qui y voient aussi des opportunités de carrière. Ces derniers sont ainsi particulièrement attirés par le dynamisme économique du Maroc, pays francophone à moins de trois heures de Paris où ils trouvent sans trop de difficulté un emploi et bénéficient de la confiance des employeurs, contrairement en Europe.
Mais le continent africain n’est pas le seul lieu où les jeunes européens ont jeté leur dévolu pour leur projet d’émigration économique. Les pays émergents ne sont pas non plus en reste. Ainsi, le Brésil en quête d’une main d’œuvre qualifiée – le pays manquerait de 200 à 400 000 travailleurs qualifiés dans des secteurs comme celui du pétrole, des exploitations minières et de la technologie– est passé pour la première fois depuis des décennies, de l’état d’exportateur à celui d’importateur d’individus. Parmi ces nouveaux arrivants qui débarquent en masse dans la sixième économie mondiale, on retrouve en majorité les Sud-Américains et les Asiatiques, ainsi que les expatriés brésiliens qui retournent chez eux pour profiter d’emplois plus abondants. Mais surtout, le ralentissement économique de l’Union européenne a vu toute une vague de Portugais s’envoler vers leur ancienne colonie. Entre janvier 2010 et juin 2011 seulement, plus de 50 000 visas leur ont été officiellement délivrés. Ainsi, début 2012, on dénombrait près de 2 millions d’étrangers vivant légalement au Brésil et 600 000 clandestins selon les estimations.
Par conséquent, face à leurs anciennes puissances coloniales encore empêtrées dans une crise économique qui s’éternise, les pays émergents, notamment les BRICS, osent enfin se poser en nouvelles puissances et géants de demain pour certains. Totalisant 40% des réserves monétaires du monde, 18% du produit intérieur brut, 15% du commerce et assurant l’essentiel de la croissance mondiale, ces derniers se transforment ainsi progressivement en véritable force économique sur la scène internationale. Une force économique devenue un attrait non négligeable pour de nombreux émigrants européens.
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