[dropcap]L[/dropcap]a semaine passée, le porte-parole de douaniers protestant contre la procédure de recrutement à la Douane, a ameuté l’opinion nationale.

Incriminé, le directeur général, colonel Toumany Sangaré apporte ici des éclaircissements sur cette histoire qui ne méritait d’être portée sur la place publique. Et pour cause ? Elle semble plutôt être une histoire digne de Toto s’insurgeant contre ses mauvaises notes à l’école. Nous vous proposons un extrait de notre entretien. Bonne lecture

Pourquoi 750 douaniers…

« Je vais vous parler de l’administration des Douanes guinéennes avant et après la signature du statut particulier. Avant donc la signature du statut particulier, la première promotion en douane a été recrutée après l’indépendance, bien sûr, en 1959, que nous avons appelée ici ‘‘classe 59’’. Donc, ils ont été recrutés sur la base d’un certain nombre de critères à l’époque.

Conformément à l’évolution non seulement de la Fonction publique,  mais aussi de l’administration des douanes. En 1966, il y a eu un autre recrutement pour renforcer les effectifs. Les éléments qui ont appartenu à ce recrutement sont appelés ‘‘classe 66’’.

Après, c’était en 1972. Il y a eu un autre recrutement en 1978. Après cette date, le recrutement qui a suivi était celui de 1985. Ensuite, a suivi le recrutement de 1990 qu’on appelé ‘‘classe 90’’ dont je fais partie. Après 1990, il y a eu un recrutement en 1993 qu’on a appelé ‘‘classe 93’’. Et après 93, ce n’est qu’en 2001 qu’il y a eu un recrutement, et c’est cette promotion qui a fait la formation militaire au camp Alpha Yaya Diallo qu’on appelle actuellement la promotion de l’Ecole militaire inter-armée (EMIA). Et cette promotion porte le nom du directeur qui était là au moment où se tenait la formation, c’est-à-dire feu colonel Naby Conté. Donc, ceux-ci ont fini leur formation en 2003. Depuis cette date jusqu’en 2011, il n’y pas eu de recrutement officiel.

Pour être à la Douane, « qui se sont débrouillés par des petites portes »

Tous ceux qui sont venus à la douane entre 2003 et 2011 sont des éléments qui se sont débrouillés par des petites portes. Mais de 2003 à 2008, pas d’affluence. C’est à partir de 2008 pendant la période d’exception que les effectifs de la douane sont passés de 1680 à près de 3000. Donc, les gens ont été engagés, on ne sait sur la base de quoi, et affectés à la douane. C’est de cet effectif-là dont il s’agit aujourd’hui. Première des choses, c’est qu’ils n’ont pas été recrutés sur une base légale : il y en a, qui sont seuls sur leur arrêté, d’autres sont deux ou trois. Il y a des gens même qui vendaient des arachides ici (aux abords de la direction générale de la Douane) qui sont dans le groupe.

La méthode Toumany Sangaré

Quand j’ai été nommé directeur général des douanes, j’ai demandé d’abord de faire la situation de ceux qui ne sont pas postés. On s’est rendu compte qu’il s’agissait uniquement des gens qui sont arrivés en douane entre 2008 et 2011. Alors, on n’avait pas le choix, on ne pouvait pas les rejeter. J’ai dit qu’il faut leur donner une formation. C’est ainsi qu’on a organisé des séries de formations d’un mois par catégorie (hiérarchies A, B et C) au Cedust. Au terme de cette formation, je les ai envoyés à l’intérieur du pays pour 12 mois de pratique. Au retour de cette formation, on les a soumis à un test d’évaluation.

D’abord, j’ai demandé à chacun de déposer son rapport de stage. Il n’y en a pas eu. Personne ne me l’a déposé. On ne peut pas aller faire un stage sans produire un rapport. Alors, j’ai dit de les soumettre à un test pour voir quels sont ceux qui peuvent réellement être utilisés par la douane. Le test a été organisé (cf. fac-similé de copies tirées au volet). Au niveau de la hiérarchie A, sur près de 200, il n’y a eu que 22 qui ont eu la moyenne. Les 22, je les ai mutés dans les services. Aux autres, j’ai dit que nous allons continuer à faire la sélection pour voir s’ils se sont améliorés.

L’application du statut douanier…

Entre temps, le statut de la douane a été signé. Dans ce statut, il est clairement dit qu’on ne peut plus être douanier si on n’a pas une formation militaire. Pourquoi ? Parce qu’on est un corps paramilitaire. Et puisqu’on est tous astreints au port de l’uniforme, vous avez droit au port de grade et au port d’arme individuelle. A cause de ces trois choses, on a dit qu’on ne peut plus être douanier sans avoir suivi la formation militaire. C’est le statut qui le dit, ce n’est

pas moi. On a donc cherché le financement pour former les uns et les autres. Depuis 2012, on a commencé à nous battre pour la formation. Vous savez c’est coûteux, parce que c’est des gens qui sont hébergés, nourris, soignés et logés dans un centre pendant 4 mois au minimum. Donc, vous comprendrez ce que ça peut donner comme coût. En 2012, c’était en pleine année

budgétaire, il n’était pas prévu dans le budget une telle formation. En 2013, nous avons discuté, mais aucun centre d’instruction de l’armée n’était disponible. C’est ainsi que le budget a été fait pour 2014. On a dit d’ici 2014, les rénovations des centres d’instruction seront achevées. Entre temps, il y a eu la situation des 500 fonctionnaires qui ont été recrutés en 2011 à la faveur du rajeunissement et de la féminisation de la fonction publique annoncée par le président de la République. Vous l’aviez appris sûrement. C’était pour remplacer les DAAF. Mais, vous vous souviendrez qu’en Guinée, il n’y a pas 500 DAAF. Donc, les meilleurs, je crois qu’il y a au moins une dizaine, qui avait été nommée comme DAAF et le reste  mis à la disposition du ministère délégué au Budget pour être utilisés dans les structures financières.

C’est à cette faveur que la Direction générale des douanes a reçu 157 personnes, mais jusqu’à maintenant nous, nous considérons que ces gens ont été recrutés sur la base d’un concours. Quels que soient les résultats, il y a eu quand même un concours sur la base duquel ils ont été recrutés. Donc, ils ont été mis à notre disposition. Alors, j’ai écrit au ministre pour lui dire que la douane est différente des Impôt et du Budget, des Marchés publics ou autres. Pour être douanier désormais, il faut une formation militaire. Donc, je ne peux les recevoir que si les conditions sont prises pour les former sur le plan militaire, malgré qu’ils soient recrutés sur la base d’un concours. C’est ainsi qu’il a été prévu dans le budget, la formation militaire de 750

agents. Pourquoi 750 ? Parce qu’on a considéré qu’il y a un groupe de près de 500 qui attendait. Donc, nous avons dit que le premier groupe va entrer et il sera composé essentiellement des gens qui ont été recrutés sur la base du concours plus le peloton d’honneur de la douane qui défile à l’occasion des fêtes.

Ces douaniers que vous voyez faire des manœuvres militaires, qui défilent là, ils n’ont aucune formation militaire. C’est nous qui leur avons donné le peu de connaissances qu’ils ont, parce que ma promotion classe 90, c’est des gens qui ont été recrutés à la base comme des militaires. C’est après qu’on s’est retrouvé à la douane sinon on a été formé comme des militaires. Donc, ces jeunes qui défilent là et que nous appelons ici les pelotons d’honneur de la douane, n’ont pas suivi de formation militaire.

Ainsi, il fallait commencer par eux.  C’est ce groupe plus les 157 qui ont été recrutés sur la base de concours, et pour lesquels nous n’avons pas encore testé le niveau, que nous avons demandé d’envoyer. A cette occasion, nous avons demandé à tous ceux-là qui n’ont pas fait la

formation militaire de déposer les dossiers pour constituer les deux derniers groupes afin de voir dans quel centre les envoyer. On devait avoir deux centres à la fois. On m’a proposé le centre de Kissidougou. A cause de la maladie (Ebola), j’ai dit que je ne peux pas envoyer des gens là-bas. Après, on m’a proposé le centre de Kassa. Mais celui-ci est fait pour former les commandos, parce les  formateurs qui sont là, c’est des commandos. (…) On a dit en attendant d’avoir notre centre, le premier groupe va partir, le second groupe suivra après 4 mois.

La déception…

Ce qui est très décevant, c’est le niveau de ces jeunes qui ne répond pas au aujourd’hui aux conditions de recrutement à la douane. Lorsque vous avez donné un mois de formation professionnelle à quelqu’un, vous le testez après, vous devez savoir s’il peut continuer ou pas. (…) Parce que la douane, c’est un métier. Peut-être que vous avez tous fait l’université, mais je ne pense pas si on vous a enseigné une seule matière de la douane à l’université. Vous ne trouverez une faculté de douane dans aucune université au monde. Si vous êtes comptable, vous terminez vos études en comptabilité, et puis vous apprenez la douane. Alors que si vous êtes comptable, vous pouvez directement servir peut-être au Budget ou aux Impôts. Mais à la douane, il vous faut absolument une formation de douanier.

Donc, après un mois, on les a soumis à un test. Mais, c’est malheureux si vous voyez les copies ! Dieu faisant bien les choses, le test a été organisé par le conseiller technique que j’avais ici José Sangenis, un français. Et, les copies ont été corrigées par Gaudinot Arnauld, qui est le conseiller technique du ministre délégué au Budget d’alors. Parce que, connaissant un peu le guinéen, j’ai dit qu’il ne faut pas mêler les gens et j’ai interdit de mettre les noms ; on mettait seulement les PV et qui correspondaient aux numéros chronologiques sur la liste. Mais, il y a des copies que vous ne pouvez pas lire. Il y en a quand même qui ont pu faire quelque chose et qui sont déjà placés.

A suivre…

D.Alpha