[dropcap]L[/dropcap]a Guinée est l’un des rares pays en Afrique pour ne pas dire le seul à avoir la « chance » d’être dirigée par un professeur en droit et de surcroît sorti de l’une des plus prestigieuses universités au monde : la Sorbonne. Après 40 ans de lutte pour l’instauration de la démocratie dans notre pays, le destin l’a choisi pour diriger les destinées du pays d’Ahmed Sékou Touré.
Avec un tel intellectuel à sa tête la Guinée devrait être la championne en Afrique en matière de droit puisque c’est le droit lui-même qui gouverne depuis plus de 5 ans. Un bilan à mi-parcourt de la situation du droit et de la démocratie dans ce beau pays qu’est la Guinée.
- Massacre du 28 Septembre 2009
Pour commencer, remontons un peu dans le temps jusqu’au 28 septembre 2009. C’était à l’appel de toute la classe politique guinéenne que la population s’était levée pour empêcher l’armée de vous (ndlr, la classe politique) confisquer le pouvoir. Chacun de nous connait la suite. Le minimum après votre accession au pouvoir serait de rendre justice à ces gens qui souffrent dans leurs âmes et dans leurs chairs.
Après 5 ans au pouvoir, ces victimes continuent de croiser leurs bourreaux dans les grosses cylindrées et en toute liberté et parfois même ministre. Ce dossier aurait du être la priorité de vos priorités. Aujourd’hui, il serait difficile de convaincre un seul homme, épris de justice, que ce dossier n’est pas politisé au grand dam des victimes. Comment peut-on expliquer l’accélération qu’a connu ce dossier à l’approche des élections de 2015 notamment après l’annonce de la candidature du capitaine Moussa Dadis Camara. Après les élections, c’est seulement quand l’ONU ou la CPI parle de ce dossier qu’on se rappelle qu’il existe. Et pourtant, tout le peuple de Guinée est redevable à ces victimes et leur rendre justice est un devoir pour chacun de nous.
- Répression des manifestations politiques
Venons-en à ces dizaines de guinéens tués dans des manifestations politiques. Qu’a fait la justice pour trouver les assassins de ces compatriotes ? Oui, on a vu des manifestants condamnés, ce qui est normal, pour les manifestations interdites ou en cas de casse. Par contre, dans un Etat de droit, on aurait également vu les assassins eux aussi condamnés pour meurtre. Hélas eux, on les a pas encore vus. C’est ce qui donne parfois l’impression à bon nombre de guinéens que la justice est là pour une catégorie de citoyens. Chose qui n’est pas favorable à la réconciliation nationale.
- Assassinat de Madame Boiro
Parlons de l’assassinat de Madame Boiro (Paix à son âme). La nomination de son époux, dès après sa mort, au poste de ministre aurait eu d’autres conséquences dans un autre pays. Malgré les compétences de son mari, je pense que sa nomination était inopportune même si, à mon humble avis, ce dernier aurait du décliner ce poste pour poursuivre son deuil et pousser à ce que justice soit faite. Et maintenant personne ou presque n’en parle. A qui la faute ?
- Meutre de Mouhamed Koula
Et récemment, on a vu le cas de l’assassinat du journaliste Mohamed Koula Diallo (paix à son âme). On a tous vu l’intérêt qu’a suscité ce dossier. Est-ce parce qu’il est lié à de la politique qu’il va aussi vite. Même si parfois il y a des avis à se faire sur l’impartialité de la justice, car nul ne peut nier que ce ne sont pas tous les protagonistes qui ont été inquiétés par cette procédure. Il faut aussi regretter que l’assassinat du journaliste entraîne encore une autre mort car pour moi un mort de plus est un mort de trop dans ce pays.
- Affrontements à Koundara
Déplaçons-nous un tout petit pays vers l’intérieur du pays, notamment à Koundara où l’Etat a été accusé, à tort ou a raison, d’avoir fait du deux poids deux mesures. Certains ont été privilégiés par rapport à d’autres. Ce qui n’est pas acceptable dans un Etat de droit. Il y a aussi eu l’incendie de cette maison de Dieu à Kankan. Qu’est-ce que la justice a fait pour sanctionner les responsables ? A mon avis pas grand-chose.
- Troubles récurrents à Siguiri
C’est le même problème aujourd’hui à Siguiri où un petit groupe prend en otage toute la population. Après beaucoup d’antécédents, les responsabilités n’ont jamais été situées. Rappelez-vous lorsqu’un groupe de jeunes avait barré la route à l’épouse d’un leader politique, les autorités étaient venus négocier avec des gens qui ne sont ni plus ni moins que de coupeurs de route. Malheureusement, on a sacrifié l’autorité de l’Etat à la place de la politique, car nul besoin de rappeler que tout guinéen est libre d’aller là où il veut en Guinée.
- Pour conclure…
Ne pouvant pas citer tous les cas au risque de transformer mon billet en roman, je vais terminer par dire que la partialité de la justice mènera forcement à l’anarchie dans ce pays. L’injustice entraînera forcement la population à se rendre justice elle-même. C’est ce qui s’est passé à la prison civile de Kouroussa où les populations ont extrait des prisonniers de leurs cellules pour les tuer de la façon que l’on connait. C’est également la cause de la recrudescence des lynchages dans ce pays.
La justice doit être la mère chez laquelle pauvres et riches peuvent aller se plaindre. Quoi de plus beau que d’entendre un citoyen dire ‘Je fais confiance à la justice de mon pays’. Les ivoiriens se glorifient d’avoir un économiste au pouvoir puisque les résultats économiques de leur président ne peuvent être niés même par les sceptiques naturels. Quand est-ce nous, guinéens, glorifierons le bilan en matière de droit de notre président ?
Les reformes oui, l’investissement aussi, mais tous ces actes doivent être suivis d’une volonté politique et d’une rigueur pour montrer à toute la population que l’autorité de l’Etat ne saurait être bafouée et cela sur toute l’étendue du territoire. Le plus grand mal que vous commettrez serait de rendre justice en fonction des appartenances politiques ou ethniques des uns et des autres. Pluton ne disait il pas que le plus grand mal à part l’injustice serait que l’auteur ne paie pas la peine de sa faute. A bon entendeur, salut !
Mamadou Adama DIALLO
Adamakoula.mondoblog.org
adamakoula@yahoo.fr