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Quand l’ignorance se pare du titre de politologue (Par Joachim Baba Millimouno)

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Il y a des jours où l’on se demande si certaines déclarations relèvent de la provocation gratuite ou d’un malentendu profond avec les fondamentaux de la science politique. Et puis, on lit les propos d’Abdoulaye Bah, pontifiant avec aplomb : « Il faut éviter la gestion arbitraire des élections par l’État. »

Ah bon ? Depuis quand l’organisation des élections par l’État est-elle un acte arbitraire ? À moins bien sûr d’avoir été diplômé en politologie sur WhatsApp Université, section complotisme appliqué.

Qu’on se le dise : dans la quasi-totalité des démocraties matures, c’est bel et bien l’État, avec ses institutions républicaines, qui organise les élections. Des États-Unis à la France, de l’Inde à l’Allemagne, ce sont des ministères de l’intérieur ou des commissions électorales nationales rattachées à l’État qui encadrent le processus électoral. Et pourtant, personne ne crie à l’arbitraire chaque samedi matin.

La vérité, c’est que la CENI est une création africaine sui generis, tolérée à la faveur du fameux Sommet de la Baule, dans un contexte où les coups de ciseaux constitutionnels et les bourrages d’urnes étaient presque des disciplines olympiques.

Elle fut une réponse circonstancielle, non un modèle universel. D’ailleurs, même là où elle subsiste, elle n’a jamais été une panacée. Bien souvent, elle a remplacé le soupçon par le chaos, en offrant un théâtre supplémentaire aux tiraillements partisans.

Et là où cela devient à la fois hilarant et inquiétant, c’est que mon grand frère Abdoulaye Bah, qui a fait de beaux jours dans une Belgique à monarchie constitutionnelle, pays où l’État organise sans bavure les élections, semble aujourd’hui découvrir qu’il existe un lien entre autorité publique et régularité électorale.

Faut-il y voir les effets secondaires d’une extase devant la foule de l’assemblée générale de l’UFDG de ce 21 juin ? Le micro, parfois, a des vertus aphrodisiaques sur l’élocution… et des effets collatéraux sur le discernement.

Alors, Monsieur Bah, parlez-nous franchement : que voulez-vous dire par “gestion arbitraire” des élections par l’État ? Est-ce l’administration électorale qui vous dérange ou bien l’idée que l’État puisse fonctionner sans que votre camp ne tienne le stylo rouge de la suspicion ?

Il faut avoir la modestie de ses lacunes. Se présenter en politologue alors qu’on confond structure de gouvernance et fantasme d’oppression est une forme de comédie qu’aucun amphithéâtre ne saurait pardonner. Les mots ont un sens, et les postures, des conséquences.

À trop vouloir délégitimer ce que les grandes nations ont de plus banal, la gestion publique des élections, on finit par se ridiculiser en attaquant un principe fondamental de l’État moderne.

Et à ceux qui confondent impartialité avec exclusion de l’État, rappelons cette vérité élémentaire : ce n’est pas l’État en soi qui triche, ce sont les hommes qui le pervertissent. Et pour corriger cela, il faut plus de rigueur, pas plus de folklore institutionnel.

Joachim Baba Millimouno

Politologue

Mouvement des Réformateurs de l’UFDG

1 commentaire
  1. Diané dit

    Comparer la démocratie des États-Unis ou de la France — où les contre-pouvoirs jouent leur rôle sans trembler et où les fonctionnaires ne marchent pas au pas — à celle de la Guinée devrait suffire à démontrer le vide argumentatif des tribunes de Joachim Baba Millimouno sur la création de la DGE. Il semble confondre autorité républicaine et autoritarisme bureaucratique.

    Inutile d’insister, Monsieur Millimouno: la DGE à la guinéenne, avec ses prérogatives quasi illimitées, n’offre aucune des garanties de neutralité que l’on observe dans les démocraties que vous citez dans vos troublantes comparaisons. Elle ne correspond pas davantage aux modèles africains que vous brandissez à la va-vite. La CENI que vous caricaturez a, au Sénégal, son équivalent dans la CENA (Commission Electorale Nationale Autonome) — un véritable contre-pouvoir à la DGE sénégalaise. Ce qui n’est pas le cas de la version Guinéenne, à date.

    Certes la CENI est née d’un contexte africain spécifique, mais ce contexte est marqué par une maturité démocratique encore en construction et une administration publique dont la neutralité reste fragile pour être mesuré. C’est précisément pour cela que l’article 3 du Protocole additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance insiste : « Les organes chargés des élections doivent être indépendants et/ou neutres et avoir la confiance des acteurs et protagonistes de la vie politique. » La CENA sénégalaise s’en inspire d’ailleurs explicitement pour justifier son existence.

    Je vous invite dare-dare, à consulter les sites officiels de la DGE et de la CENA du Sénégal. Vous y trouverez peut-être matière à réflexion — et qui sait, à inspiration.
    Car vos tribunes, à ce stade, ressemblent davantage à des lettres de motivation déguisées qu’à de véritables contributions au débat démocratique sur la création de cette administration électorale en Guinée.
    Taliby Diané

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