Il faut savoir que la Constitution est l’expression juridique de la souveraineté, c’est-à-dire du peuple : au-dessus des lois, au-dessus des hommes, elle est bienveillante et attentive à ce qu’ils respectent les valeurs qu’ils se sont donnés ensemble. Je ne suis pas juriste constitutionnaliste, je partage mes connaissances théoriques et universitaires.
Nous sommes dans une situation de transition et jusqu’à présent, on ne connaît pas ce que nous réserve le Conseil National de la Transition qui fait office de parlement dans cette période de transition actuelle. À propos de l’avant-projet du modèle de Constitution, nous voulons un retour rapide à l’ordre constitutionnel en République de Guinée. Nous ne savons pas : Quelle sera la forme de l’État ? Quel sera le modèle du régime politique ?
Le symposium sur la constitution du 22 février 2023, a fait venir des experts pour discuter sur les fondamentaux des modèles de constitution à travers le monde, en expliquant comment ça se passe ailleurs, afin de doter la Guinée d’une constitution qui reflète les réalités guinéennes. C’est une démarche sage.
Alors qu’elle est vraiment la réalité guinéenne ? Je ne prétends pas répondre à cette question à la place des milliers de mes concitoyens, mais, à égalité de droits et de devoirs, je veux tenter de répondre à cette question dans ma compréhension personnelle des réalités de la Guinée. Les critiques, les suggestions et les commentaires sont les bienvenus sur cet article afin de trouver un consensus sur nos perceptions, car les limites et les critiques d’une idée constituent le point de départ d’une nouvelle idée.
Pour la nouvelle constitution à la fin de la transition, opterons-nous pour une Présidence forte ou faible ? un parlement fort ou faible ? un régime présidentiel ? Ou un régime parlementaire ?
J’aimerais que la Guinée soit dotée d’institutions fortes et stables. Et donc, ce n’est pas au Président ou au parlement d’être forts. Sans quoi les germes d’une dictature ne seront pas éradiqués.
La République de Guinée, peut-elle être un Etat unitaire ? La réponse sans équivoque est oui. La République doit être indivisible, les lois et le système judiciaire doivent être les mêmes pour toutes et tous dans l’ensemble du territoire avec une seule constitution, un seul gouvernement central.
Devons-nous être un État laïc ? La réponse pour moi est non, car si nous voulons une constitution qui reflètent réellement les réalités guinéennes comme le souhaite le Président de la Transition, nous ne pouvons pas être laïcs. POURQUOI ? Parce que la laïcité suppose la séparation de l’État, des organisations religieuses.
Elle aurait pu être oui ! La notion de laïcité, héritée de la révolution française : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi » et complété au début du XX siècle par la séparation des églises et de l’État, a été dévoyée. Elle avait une inspiration très claire : ne pas nier les religions, bien au contraire les protéger, leur permettre d’exister en donnant au cadre républicain, à chaque citoyen la faculté imprescriptible de croire et de vivre sa religion. Si on retrouvait ce sens originel : permettre à tous de croire librement, de manifester sa croyance, tout en respectant les autres, alors peut être un État laïc serait à tenter ? Nous n’en sommes plus ou pas encore là…
En Guinée, le Président de la République, nomme par décret le Secrétaire Général des Affaires Religieuses et son adjoint. Les religieux ont également un poids sur l’administration, parfois même, c’est nous « peuple », qui appelle les religieux à s’impliquer pour décrisper les tensions au moment des évènements d’instabilités, pendant les manifestations, ou même parfois, on pousse les religieux à manifester leur position sur les détentions des hautes personnalités dans le pays ou sur des clivages sociopolitiques « Qu’elles soient arbitraires ou pas, c’est uniquement à la justice de trancher dans les conditions normales ». Ce que nous recherchons, c’est plus l’expression de leur sagesse, que le jugement religieux sur telle ou telle action publique, dont n’avons que faire.
Exemple : En Guinée, pendant le mois de ramadan, les chrétiens ou les personnes qui ne font pas le ramadan, ont du mal à trouver à manger, presque la majorité des restaurants sont fermés. On ne peut pas avoir une grande majorité de la population musulmane et espérer avoir une laïcité normale et comprise de part et d’autre de façon équilibrée.
Exemple 2 : à l’approche des examens d’entrée au collège et lycée, certains élèves refusent d’enlever le voile pour prendre la photo d’identité. Si on veut être un pays laïc, nous devons dissocier, l’école et les signes religieux. Les exemples sont nombreux de ces contradictions.
Si nous voulons une constitution qui reflète les réalités, on ne doit pas opter pour une République laïque en Guinée.
Nous sommes à présent un pays suffisamment majeur, pour construire notre propre modèle, notre loi suprême qu’on nomme Constitution. Prenons seulement l’essentiel, la pensée originelle citée plus haut : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi » toutes les réponses sont dans cette simple phrase, il revient à chaque peuple de se l’approprier et de la traduire selon son histoire et ses valeurs, à sa façon.
Quels types de législation voulons-nous ? Dans un pays comme le nôtre, j’opte pour une législation bicamérale. Deux raisons à cela :
1 – Souvent les projets de loi sont portés par le pouvoir exécutif, qui a la plupart du temps une majorité à l’Assemblée nationale. Pour éviter que certaines lois passent trop facilement, il est bon d’équilibrer le débat.
2 – une nation, c’est un peuple et un territoire, la seconde chambre dite « haute » ou Sénat » doit porter la parole des régions et territoires de Guinée.
Des lois portées par un Gouvernement et « mûries » par un Parlement bicaméral est la garantie d’un dialogue national équilibré : chacun y défend des intérêts différents, certes, mais chacun s’enrichit de l’autre et ne peut abuser de son autorité, comme l’affirmait Montesquieu en 1748.
Le bicamérisme, c’est renforcer la démocratie : une Assemblée nationale élue au suffrage universel direct, un Sénat élu au suffrage universel indirect, un Gouvernement dans les mains d’aucun clan ou groupes et contrôlé avec mesure et légitimité. Certes, il faut conclure et agir, en général, l’Assemblée nationale dispose du dernier mot sur le vote des lois.
Cette forme de gouvernance coûte cher financièrement pour un petit pays qui a des nombreux défis à relever, mais cette forme de régime est la solution DE de la Guinée et non la solution POUR la Guinée vu toutes les mutations que notre pays a vécu ces dernières années.
« Quand je dis solution de la Guinée, pour moi c’est impératif de s’inspirer des réalités et des problèmes internes du pays pour écrire notre future constitution ».
« Quand je dis solution pour la Guinée, c’est de s’inspirer des autres pays qui ont à peu près eu les mêmes difficultés que la Guinée pour trouver solution à nos problèmes ». Si le Gouvernement reste à l’initiative des lois, il n’est pas anormal que le Parlement conclue la discussion.
Le meilleur exemple en est le budget de la Nation. C’est une loi votée chaque année en recettes, puis en dépenses traduisant un engagement fort : quels impôts ? À faire peser sur qui ? Quelle dépendance par l’emprunt ? Quel niveau de service public voulu par les citoyens (donc leurs représentants à l’Assemblée nationale) ? Quelle solidarité avec les territoires ?
Chaque année, cet exercice démocratique, puissant, exprime la volonté nationale, l’identité du pays. Le Gouvernement et les deux assemblées ne seront jamais trop à trois pour aboutir et servir le Peuple et ses aspirations.
Il est aussi important de souligner que l’organisation constitutionnelle d’un État moderne repose généralement sur une Constitution. Il apparaît nécessaire que les institutions politiques soient soumises à des règles juridiques qui vont déterminer leurs organisation et fonctionnement ainsi que leurs rapports entre elles et qui vont s’imposer aussi bien aux citoyens qu’à ceux qui exercent l’autorité politique.
Revenons à la Religion (plus exactement, devrait-on dire aux Religions ?) et aux « sages » que nous les consultons volontiers.
Cette Constitution doit être protégée, autant qu’elle nous protégera de l’arbitraire. Il faut pour cela un conseil de « sages », définissons-le à notre manière. Il faudra que ce conseil contrôle la conformité des lois et décisions du Gouvernement à la constitution, qu’il veille à la régularité des élections nationales, qu’il soit saisi pour émettre des avis dans certaines situations.
Ces sages, font en sorte qu’ils soient totalement indépendants, même s’ils sont nommés par les institutions (gouvernement, Parlement), qu’ils n’exercent aucun autre mandat à vie et que leurs décisions ne souffrent d’aucun recours.
Comme nous avons opté pour la démocratie, on peut très schématiquement ramener à deux, les types de procédés d’élaboration de la constitution. Ils font intervenir le peuple, car il est admis que le pouvoir constituant originaire lui appartient. Mais il ne faudrait pas réduire le droit à la loi, souvent considéré comme synonymes. Le droit ne se résume pas à la loi qui décrit la norme que l’on dit droit objectif ou normatif. Le droit peut être aussi subjectif (on parle de prérogative, de faculté, d’activité permise à chaque individu grâce à l’existence des lois). D’autres normes sont constitutives du droit : traités internationaux, principes généraux du droit. Une bonne Constitution dit comment se situer par rapport à ces Etats du Droit ! Ce n’est pas facile, c’est indispensable.
Dans le premier cas, la constitution élaborée et votée par une Assemblée constituante est ensuite soumise à la ratification du peuple par voie de référendum.
Dans le second cas, l’utilisation du référendum permet d’obtenir directement la ratification d’un texte élaboré par le Gouvernement ou un groupe de travail. Ce système confère en réalité au Gouvernement le véritable pouvoir constituant et, s’il paraît souvent plus efficace, peut paraître moins démocratique que le précédent.
Notre pays regorge de très hauts juristes, constitutionnalistes, j’espère que la première solution plus légitime, sera retenue !
Nous avons souvent eu des discordes concernant la révision des constitutions. Je pense que la révision de la constitution ne pose pas les mêmes problèmes que l’élaboration, parce que l’opération de révision est un ajustement lié à l’évolution de la société et non une remise en cause ou à plat du choix de société démocratique. Pour ce pouvoir constituant dérivé, un bon conseil constitutionnel garant de la Constitution peut prévoir et garantir ce mode d’ajustement de la loi fondamentale.
C’est pourquoi en Guinée, pour l’ouverture de la procédure de révision de la constitution, il faudrait faire très attention : l’article qui prévoit la révision ne peut en aucun cas donner au président de la République la latitude de le faire, car nous le savons pour l’avoir vécu, il porte des germes de dictature.
Décider de la révision de la constitution, doit relever d’un débat national organisé. Il ne doit pas être d’une trop grande facilité, sans être empêché par des rigidités. Nos experts constitutionnalistes cités plus haut, devront y réfléchir posément…
Les deux principaux systèmes de révision que les démocraties utilisent sont connus : la révision par le Parlement, avec ou sans formation et procédure spéciales ; la révision par une assemblée élut à cet effet enfin l’intervention du peuple par voie de référendum.
C’est ici qu’intervient la distinction entre constitution souple et une constitution rigide. Une constitution souple est celle qui peut être révisée par les organes et selon les procédures servant à l’adoption des lois ordinaires. Dans un régime de constitution souple, la constitution est considérée comme ayant la même force juridique que la loi ordinaire. Dans un État à constitution souple, celle-ci peut être révisée par l’organe législatif ordinaire (le Parlement), de la même façon que la loi ordinaire.
Quant à la constitution rigide, elle ne peut être révisée que par un organe distinct ou en suivant une procédure différente de celle servant à l’élaboration des lois ordinaires. C’est le cas de la plupart des constitutions. Dans un système de constitution rigide, la constitution est considérée comme un texte supérieur à tout autre texte. Dans un État à constitution rigide, celle-ci ne peut être révisée qu’au moyen d’une procédure particulière, renforcée.
La différence entre les deux systèmes réside dans le fait que, dans un système de constitution souple, la loi ordinaire n’est pas tenue de respecter les règles qui figurent dans la constitution. En effet, elle peut les contredire, ce qui revient en définitive à les modifier. Ce n’est pas vertueux.
Pour le cas spécifique de la Guinée, quel contenu voulons-nous dans la future constitution qui sera élaborée ?
En général, les constitutions contiennent essentiellement les règles d’organisation générale des pouvoirs publics. Dans certains cas, la constitution proprement dite est précédée d’un texte qui porte le nom de « Déclaration des droits » ou de « Préambule » et qui contient l’énoncé des principes fondamentaux des droits des citoyens. On pourrait s’étonner que l’on insère ces proclamations des droits et libertés en tête des constitutions (ou même, dans certains cas, dans la constitution elle-même), puisqu’il ne s’agit pas ici de l’organisation des pouvoirs publics. Il est pourtant essentiel et aide bien souvent au « débat public » sur la constitutionnalité des décisions des pouvoirs publics.
Ce sont nos valeurs imprescriptibles qu’on se donne et qu’on respecte.
A l’inverse, la Constitution peut contenir parfois, en plus de ces règles, d’autres dispositions. Mais toutes les règles concernant les pouvoirs publics ne figurent pas dans la constitution. À cet égard, la constitution est souvent complétée par des lois. Oui, Chers Lecteurs, le Droit ce n’est jamais simple…
La raison est que l’on veut donner à ces textes un caractère particulier de solennité, mais aussi que l’on veut souligner que ces droits et ces libertés s’imposent à l’État, à ses organes, législatifs et exécutifs. C’est-à dire que ni les lois (actes du pouvoir législatif), ni les règlements (actes de l’exécutif) ne pourront y porter atteinte. Cela implique que les textes constitutionnels doivent être considérés comme ayant une valeur supérieure aux lois.
En conclusion : la personnalité juridique de l’État est une nécessité qui permet de rendre compte à la fois de sa capacité et sa continuité. L’État est une entité dotée de pouvoirs et de devoirs. Sa vie propre et indépendante de celle de ses membres ne répond qu’à la Constitution. Les Gouvernants n’en sont que les exécutants, « locataires » du pouvoir, sans droit de propriété. C’est de l’État que les gouvernants reçoivent leurs pouvoirs, c’est en son nom qu’ils les exercent. L’État est permanent, les changements qui surviennent dans sa composition ou sa direction n’affectent pas son existence, ni la durée de ses décisions.
Risquons un jeu de mots : « l’état de droit » c’est la Constitution qui le garantit, grâce à elle l’État (organe) n’a pas tous les droits ! Les régimes politiques et les institutions politiques démocratiques se différencient surtout par les types de rapports qu’entretiennent les pouvoirs publics entre eux, spécialement le pouvoir législatif (parlement) et le pouvoir exécutif (gouvernement) et le pouvoir judiciaire.
C’est à ce point de vue qu’il faut se placer pour définir et classer les divers régimes politiques ou systèmes de Gouvernement dont les principaux sont le régime parlementaire et le régime présidentiel.
Il faut toutefois ajouter une précision, le régime politique d’un pays ne se qualifie pas uniquement par les rapports qu’entretiennent les pouvoirs publics entre eux. Il faudrait tenir compte également de la réalité politique qui est souvent différente du schéma théorique présenté.
On ne peut décemment qualifier un régime politique en ignorant le nombre et les caractéristiques des partis politiques, les mœurs et les traditions politiques qui ont une incidence considérable sur la réalité.
La Guinée, doit-elle un régime parlementaire ou un régime présidentiel ?
A-t-elle l’envie et les moyens d’un système mixte, mais stable ? Je le crois, je le souhaite.
Comment la connaissance du passé doit-elle être envisager pour avoir des effets bénéfiques ? Est-ce que c’est une erreur de croire que tout change avec une élection présidentielle ? Pourquoi détestons-nous autant nos politiques ?
Commençons par rationaliser le nombre de partis politiques dans notre petit pays ! car, la gouvernance n’est pas seulement l’action du pouvoir, mais la façon de réfléchir, de penser du pouvoir.
Amadou BAH
Diplômé de Sciences Po Grenoble