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Régis Hounkpè, analyste géopolitique : ‘’Une force est opportune pour faire face aux putschs dans la sous-région’’

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Lors du 62e sommet de l’organisation ouest-africaine, tenu 4 décembre à Abuja, les chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont annoncé la création d’une force sous-régionale pour lutter contre les coups d’Etat et le terrorisme.

La création d’une force anti-putsch est-elle opportune dans l’espace CEDEAO ? VisionGuinee a interrogé Régis Hounkpè, enseignant en géopolitique de l’Afrique à l’Université de Reims et au Centre de Valorisation Professionnelle de Tunis, analyste géopolitique, directeur exécutif d’InterGlobe Conseils (cabinet-conseil spécialisé en communication stratégique et expertise géopolitique). Entretien.

VisionGuinee : Réunis à Abuja le 4 décembre, des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO ont annoncé la création prochaine d’une force en attente. Quelle lecture faites-vous de cette décision des dirigeants ouest-africains ?

Régis Hounkpè : Il est clair que ce projet répond à une urgence stratégique qui est celle de la sécurité et du retour à la paix et à la stabilité dans les pays ouest-africains. Le temps des projections est dépassé, il nous faut passer à l’action et à la riposte contre la propagation des groupes armés terroristes en mutualisant les opérations et la vision à l’échelle du Golfe de Guinée, de la CEDEAO, du Sahel et du continent. Cette force se veut également un rempart contre les coups d’Etat et je souhaite qu’elle ne délimite pas dans son champ son action aux prises de pouvoir par les armes, mais se positionne sans complexe sur les coups d’Etat constitutionnel.

Des chefs d’état-major des armées de la sous-région sont à Bissau pour étudier et proposer les options, modalités et moyens financiers et techniques destinés à l’activation cette Force en Attente de la CEDEAO. Pensez-vous que cette force pour être une solution aux coups d’Etat ?

On ne peut que l’espérer mais je pense que nombre d’handicaps qui ne sont pas nécessairement visibles méritent d’être exposés. Il y a les principes édictés et la réalité des terrains. De mon point de vue d’analyste géopolitique, je trouve plus aisé de faire déployer la force en attente contre les groupes armés terroristes mais face à un régime ayant renversé un pouvoir civil et constitutionnel, j’attends d’être convaincu sur les aspects purement opérationnels. Comment intervenir dans un pays où les militaires ont pris le pouvoir sans provoquer un conflit aux conséquences démesurées ? Les intentions portées par cette possibilité d’activation sont louables mais restons réalistes car une force ouest-africaine en opération contre un pouvoir putschiste risque de dégénérer. Je ne souhaite pas qu’il soit transféré aux Etats-majors des pays ouest-africains l’échec de la gouvernance politique.

Il existe déjà une Brigade de surveillance du cessez-le-feu de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (ECOMOG), est-il opportun de créer cette force anti-putsch ?

L’ECOMOG est né dans un contexte particulier de guerre civile au Liberia en 1990. Cette force d’interposition devait offensivement ramener la paix et éteindre les foyers de tension d’une part, et préventivement procéder au désarmement des rebellions ou toute force illégale qui menace la stabilité d’un des pays de la CEDEAO.

Aujourd’hui, les menaces ont évolué de façon désastreuse et le fait djihadiste est devenu une réalité plus ou moins dans tous les pays. Donc, cette force me semble opportune en plus de faire face aux putschs.

Que préconisez-vous pour mettre fin aux coups d’Etat dans la sous-région ?

La question de la gouvernance politique ne peut être éludée. L’absence de l’Etat et parfois sa démission dans les secteurs essentiels de l’instruction, de l’éducation, de la santé, de l’emploi des jeunes sont en cause. Mettre fin aux coups d’état ne peut se décréter et être une profession de foi. Il faut surtout à la base régler les causes de la désespérance sociale avant de se réveiller sur les conséquences des coups de force. La multiplication des coups d’Etat en Afrique n’est pas une pathologie spécifiquement tropicale. Elle n’est non plus pas une fatalité et le symbole d’une Afrique en échec. Elle est le fruit de crispations politiques, de frustrations sociales et économiques et d’un déni flagrant de l’Etat hérité postcolonial en souffrance.

Il faut, à cet effet, remettre de l’Etat partout où il est démissionnaire, réinstaller les armées dans leur rôle républicain et actionner les leviers de la formation et de la justice sociale et économique dans les pays africains. Et je ne veux pas que nous oublions les coups d’état constitutionnel et la norme corrompue des troisièmes ou quatrièmes mandats. En retour, je plaide pour que les mutations qui s’opèrent sur l’Afrique de l’ouest en particulier et l’Afrique en général ne soient pas téléguidées par des puissances extérieures.

Par Ciré BALDE, pour VisionGuinee.Info

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