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Règlement à la Sotelgui : Les travailleurs auraient eu jusqu’à 700 millions chacun si…

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[dropcap] L[/dropcap]a Société des télécommunications de Guinée (Sotelgui) est plongée depuis près de 3ans dans une crise jamais enregistrée dans son histoire. Cette situation a conduit à l’arrêt des activités de cet opérateur historique de téléphonie mobile et fixe sur l’ensemble du territoire. Lundi 14 juillet 2014, les travailleurs de la société ont perçu des montantsIsmael Sotelgui oscillant entre 15 et 20 millions de francs au compte de leurs règlements.

Dans cette entrevue que le président du Conseil d’administration de ladite société nous a accordée, Ismaël Baldé qui s’insurge contre la procédure qui a conduit à ce désintéressement insignifiant, évoque les raisons qui ont prévalu à l’arrêt des équipements de l’entreprise. Il dénonce également l’opacité qui caractériserait la gestion des biens de la société par le ministre Oyé Guilavogui, dresse un état des lieux de l’héritage Sotelgui et en appelle à l’implication du président Alpha Condé et son gouvernement à travers le Premier et le ministre de la Justice pour sauver le patrimoine.

VisionGuinee : La Sotelgui traverse une crise sans précédent depuis plus de deux ans, quelles sont les raisons qui ont conduit à cette situation ?

Ismaël Baldé : Les raisons sont nombreuses, mais on peut les ramener à 5. La première, c’est la dette abyssale de l’Etat vis-à-vis de la société qui a atteint 23 milliards de Francs Guinéens en 2011. Deuxièmement, c’est l’incursion intempestive des différents ministres qui se sont succédé à la tête du département des Télécommunications en Guinée, et qui ont donc influencé le recrutement partisan et surtout désordonné, qui a entrainé le gonflement des effectifs qui sont passés à moins de 5 ans de 400 à 1600 travailleurs. Troisièmement, c’est le fait d’amputer sur les prérogatives de la société. Parce que la Sotelgui, en tant qu’opérateur historique, devrait être placée dans une situation un peu privilégiée par rapport aux autres. C’est le cas notamment du transfert de la gestion du trafic international; c’est-à-dire le trafic entrant et sortant en Guinée de la Sotelgui vers l’Autorité de régulation des postes et télécommunications (ARPT). Quatrièmement, c’est le fait de traiter la Société comme les départements gérés à régie.

En fait, lorsqu’on a pris la décision d’instaurer l’unicité des caisses en Guinée, on a aussitôt ramené la Sotelgui dans le groupe des institutions dépendant de l’Etat qui devraient verser tout ce qu’elles engrangeaient comme fonds au Trésor, alors que la Sotelgui est une entreprise publique, industrielle et commerciale. Elle a droit à un découvert vis-à-vis des banques commerciales. Elle a droit à emprunter pour financer ses investissements. Donc, elle ne devrait pas être catégorisée comme les établissements publics administratifs. Tout cela réunit a considérablement joué sur la société, et a conduit ainsi à tous les problèmes que nous avons connus ces derniers temps. Mais la principale cause, la cinquième et qui est la fondamentale, c’est la mise en place à l’arrivée de l’actuel ministre des Postes et Télécommunications, M. Oyé Guilavogui, d’un Comité de gestion de la Sotelgui qui est venu jouer les rôles de la Direction générale et du Conseil d’administration de l’entreprise ; lequel Comité a conduit à l’arrêt des équipements pour faute de carburant au bout de 3 mois de gestion. Voilà donc de manière ramassée, les 5 causes qui ont conduit aux problèmes que nous connaissons aujourd’hui.

Quelles sont les attributions du Conseil d’administration et du Comité de gestion mis en place à l’arrivée du ministre Oyé ?

Le Comité de gestion, lorsqu’il a été mis en place, avait pour principale mission de gérer au quotidien, à la place de la Direction générale, l’entreprise. Donc, de faire les achats à sa place, les approvisionnements en carburant, de donner directement des ordres et des instructions aux différents chefs de services et chefs de divisions en lieu et place de la direction générale, de fixer les grandes orientations stratégiques en lieu et place du Conseil d’administration. Donc, c’était un comité qui venait se substituer aux organes légalement constitués, légalement nommés par les autorités de la République pour faire ce travail, en l’occurrence, le Conseil d’administration et la Direction générale. C’est un Comité auquel on avait donné de larges pouvoirs qui dépassaient ceux mêmes du Conseil d’administration et de la direction générale.

Après la fermeture de la Sotelgui, quel est l’état des lieux que vous pouvez nous dresser aujourd’hui ?

La société, je vous signale qu’elle n’est pas fermée. Elle n’est qu’arrêtée. Ce sont les équipements qui sont aux arrêts. Au plan juridique, la Société continue d’exister, puisque ses organes qui sont nommés à cet effet, existent. Le Conseil d’administration que je représente, existe. La Direction générale existe à travers le Directeur général adjoint qui est toujours en fonction, parce qu’il n’a pas été muté ailleurs. Nous avons un Directeur des ressources humaines qui existe en théorie. Donc, la société n’est pas fermée. Elle existe bel et bien, mais elle est arrêtée par la faute d’un comité de gestion qui n’avait aucune compétence avérée en la matière et auquel on a confié le soin de gérer la société pendant une période qui n’a pas excédé 3 mois.

Maintenant, pour répondre à votre question, depuis que la société est arrêtée par la faute de ce Comité de gestion, elle a été directement gérée par le département des Postes et Télécommunications, c’est-à-dire par le ministre. Vous n’êtes pas sans savoir que la société dispose d’autres secteurs d’activités qui génèrent des ressources, et qui ne soient pas le GSM seulement. Vous avez la fibre optique de la société qui est gérée de façon très opaque et directement par le ministre des Postes et Télécommunications, qui a contracté avec une société de la place appelée SODIACOM, et qui a donc géré la fibre optique depuis l’arrêt des équipements de la Sotelgui pour servir d’autres opérateurs, notamment Orange, ETi-Bull (…). Tous ceux qui fournissent l’accès à Internet en Guinée, utilisent la fibre optique de la Sotelgui.

Selon les informations que nous avons reçues, c’est autour de 100 milliards qui sont en jeu par rapport à la fibre optique depuis l’arrêt des équipements. Il y a aussi la colocation de la Sotelgui. Pendant que la société est aux arrêts, les pilonnes existent à l’intérieur du pays, partout en République de Guinée. La Sotelgui a le taux de pénétration le plus élevé dans la sous-région. Donc, ces sites-là sont sous-traités à d’autres opérateurs téléphoniques. Ce qui génère des revenus. Il faut demander des explications. Qu’il rende compte par rapport à la gestion de la fibre optique et à la gestion de la colocation des sites de la Sotelgui depuis que les équipements sont aux arrêts. Parce que même si la Sotelgui est aux arrêts, mais elle continue de générer des fonds dont la responsabilité de la gestion incombe aujourd’hui directement au ministre des Télécommunications et aux entreprises avec lesquelles il a eu à sous-traiter ces secteurs d’activités de la société. Même étant aux arrêts, la Sotelgui continue de générer des revenus vous l’avez dit tantôt.

Mais est-ce qu’avec seulement ces fonds l’Etat ne peut-il pas relancer l’entreprise ?

Justement, c’était ça le plan de relance du Conseil d’administration présenté au ministre Oyé sous la forme d’un mémo et qui avait été aussi transmis au Premier ministre et au ministre de l’Economie et des Finances depuis 2011. Nous avions estimé que la Sotelgui avait suffisamment de ressources pour se relancer elle-même sans avoir besoin de l’Etat. Ce mémo a été gardé par devers ces autorités. Nous n’avons pas eu de réactions. Ce qui a fait que la société, au bout du compte, s’est arrêtée. Et c’est pourquoi aujourd’hui nous demandons à ceux qui ont géré justement ces secteurs d’activités qui apportent des ressources énormes, de rendre compte. Avant qu’on ne parle d’un quelconque plan social, il faut d’abord procéder à l’audit de la gestion directe par le département depuis 3 ans, alors que les organes qui sont institués à cet effet, existent.

La semaine dernière, l’Etat s’est engagé à désintéresser des travailleurs de la Sotelgui. Où en est-on avec cette situation ?

C’est justement la goutte d’eau qui a débordé le vase, parce que l’Etat aurait pu s’abstenir de gaspiller, je vais même dire de dilapider tous ces montants ; pas moins de 38 milliards FG. Pourquoi ? Parce qu’il y a une procédure judiciaire qui est en cours. Un syndicat a été désigné, et un juge commissaire commis à la tâche pour procéder au redressement judiciaire de la Sotelgui. A l’issue donc de cette procédure judiciaire, on allait avoir une société qui pouvait être mise sur le marché pour rechercher un partenaire pour la reprendre et procéder à la mise en œuvre du plan social. C’est donc la société qui allait reprendre la Sotelgui qui allait payer ces montants en lieu et place de l’Etat.

Mais la question qu’on pourrait se poser aujourd’hui, c’est celle de savoir pourquoi le ministre s’est-il empressé de dégager ces montants, alors que si la procédure suit son cours normal. Dieu seul sait, qu’il y a assez d’entreprises, assez d’opérateurs qui sont aujourd’hui candidats pour reprendre la société, parce que la Sotelgui vaut au bas mot 450 millions de dollars. Les investissements de la Sotelgui sont les plus élevés de la sous-région. Je rappelle que tous les opérateurs qui sont aujourd’hui installés en Guinée, Orange, Areeba, Cellcom et Intercel +, tous sont branchés sur des pilonnes de la Sotelgui qui les embarquent à l’intérieur du pays. C’est autant dire que c’est une entreprise qui a fait d’énormes investissements lorsque les Malaisiens avaient charge de la gestion. Donc, c’est une Sotelgui qui est recherchée. On la veut hein. C’est une belle fiancée, une jolie dame qui, si elle est mise sur le marché, va rapporter gros.

La question qu’il faut se poser, c’est celle de savoir s’il n’y a pas anguille sous roche, pourquoi est-ce que le ministre s’est-il empressé à initier la mise en œuvre de ce fameux plan social dont il n’a d’ailleurs pas la qualité. Parce qu’il n’est pas l’employeur des travailleurs de la Sotelgui. C’est un simple radié de la Fonction publique pour malversation financière alors qu’il était coordinateur du Projet agricole de Guéckédou sous feu le général Lansana Conté. C’est de là qu’il a été pêché et fait ministre des Postes et Télécommunications. Alors, je lui apprends que c’est l’employeur qui doit initier et mettre en œuvre le plan social, et non lui, Oyé. A travers le département, il représente l’Etat et l’actionnaire unique de la société. Mais il n’est pas l’employeur. L’employeur de la Sotelgui, c’est la Direction générale et le Conseil d’administration qui sont des organes habilités et qui ont qualité pour initier et mettre en œuvre un plan social. Le plan social qui a été initié et qui est en train d’être déroulé par le ministre des Postes et Télécommunications, est un plan qui ne respecte pas le Traité de l’OHADA. Tandis que c’est ce Traité portant Organisation pour l’harmonisation en Afrique du Droit des affaires qui doit être appliqué en pareil cas. Or, le ministre a pris les travailleurs de la Sotelgui pour des fonctionnaires. Alors qu’ils ne le sont pas. Ce sont des salariés qui ne relèvent pas du Statut général de la Fonction publique, mais du Code de travail. Donc, il est passé totalement à côté. Il est dans l’illégalité manifeste. Et le Conseil d’administration se réserve le droit de poursuivre ses agissements devant les tribunaux pour que les choses respectent la procédure qui sied en la matière, notamment les dispositions du Traité de l’OHADA en vigueur, et auquel la Guinée est partie.

A quand peut-on assister à cette assignation du ministre Oyé en justice ?

Ce n’est pas M. Oyé qui va être assigné en justice, plutôt les actes qu’il a posés. Il reviendra à celui qui a mis Oyé à la tâche de le sanctionner pénalement. Nous, nous allons attaquer l’acte de M. Oyé devant les tribunaux en vue d’obtenir son annulation pure et simple. Pour quand ? Ce sera pour bientôt. Le moment venu, vous en serez informé.

Et pour conclure ?

Je terminerai par en appeler au président de la République, à son Premier ministre et au ministre de la Justice pour qu’enfin, ils arrêtent cette machine qui a été mise en mouvement par le ministre des Postes et Télécommunications et qui n’a pour effet que de détruire des vies humaines. Imaginez que des personnes travaillent pendant 15 ans, 20 ans ou 30 ans, et qu’on ait des règlements à leur faire que des montants ne dépassant pas 20 millions de francs guinéens. Alors que si c’est le repreneur qui avait fait le plan social, les travailleurs qui avaient fait 30 ans, 25 ans, 20 ans ou 15 ans au sein de cette entreprise, pouvaient avoir 700 millions, 600 millions, 300 millions de francs guinéens. Je pense qu’il est important que les Guinéens s’aiment entre eux. Et que M. Oyé Guilavogui fasse machine en arrière pour permettre à ses frères Guinéens de bénéficier d’un plan social digne de ce nom. Un plan social qui soit respectueux des règles et principes en vigueur en la matière.

Mady Bangoura, pour VisionGuinee.Info

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