[dropcap]C[/dropcap]réé en 1988, sous forme de projet par le gouvernement, l’Agence française de développement avec l’appui technique de l’Institut de recherche et d’applications des méthodes de développement (IRAM), le projet Crédit Agricole et Rural de Guinée a traversé 4 phases correspondant chacune à des objectifs bien définis (expérimentation, diffusion, diversification, implication des bénéficiaires, institutionnalisation et privatisation).
En novembre 2001, ce projet public a été constitué en société anonyme avec un capital social de 428.550.000 GNF pour être le Crédit Rural de Guinée SA. ce capital a été porté à 8 000 000 000 GNF en 2011 avec autour de la table un Groupement d’intérêt économique (GIE) composé de salariés et de bénéficiaires (75%), l’Etat guinéen et deux organismes français : Solidarité international pour le développement et l’investissement (SIDI) et l’IRAM partagent les 25% soit 2.000.000.000 GNF.
Des actionnaires avec un objectif commun, qui est celui de la pérennisation du Crédit Rural de Guinée indispensable pour atteindre les objectifs spécifiques de façon durable : l’accès à un service pérenne de crédit et d’épargne pour les bénéficiaires (population rurale, péri urbaine et urbaine) des agences; la pérennité des emplois pour les salariés; et de la contribution au développement économique et social durable du pays pour les partenaires.
Le Crédit rural de Guinée est aujourd’hui la 1ère institution de microfinance du pays. Il couvre toutes les préfectures de la Guinée et quasiment tous les villages dont les plus reculés avec environ 60% de parts de marché de la microfinance guinéenne. L’institution emploie plus de 300 guinéens, offre de services financiers à des centaines de milliers de citoyens, exclus des services des banques classiques et en particulier, la population vulnérable (femmes et jeunes).
Le Crédit rural mobilise plus de 100 milliards d’épargne du public, au titre des crédits, plusieurs centaines de milliards de francs guinéens sont dans les mains des populations dans le cadre du financement de leurs activités. Le Crédit rural a un Conseil d’administration de douze membres dont un président, un directeur général et un directeur général adjoint tous nommés par le Conseil d’administration.
L’analyse des articles parus récemment chez nos confrères du ‘Le Populaire’, ‘Guinée matin’ fait état de détournements des fonds au Crédit rural. Les modes opératoires utilisés montrent que ce scandale financier ne date pas d’aujourd’hui…
L’institution a bénéficié d’appuis et noué de partenariat avec de nombreux bailleurs comme l’AFD, l’Union européenne (UE), l’USAID, le Fonds d’équipement des Nations Unies (FENU), la Banque africaine de développement (BAD), la Banque islamique de développement (BID).
Juste après son institutionnalisation en Société anonyme (SA), l’AFD a subventionné le Crédit Rural de Guinée à hauteur de 5 millions d’euros pour la formation, l’assistance technique à la direction financière, l’évolution du Système d’Information de Gestion avec l’informatisation du réseau et l’équipement. Malgré tout, l’institution est incapable de mettre à disposition les états financiers propres dans les délais réglementaires depuis plusieurs années (voir lettres de rappels de la Banque Centrale).
Pire, les états financiers produits sont régulièrement objet de réserves de la part du commissaire aux comptes. De sorte que l’on peut se demander si les 5 millions d’euros de subventions et les ressources propres décaissées régulièrement ne semblent pas avoir profité à autrui tapis à l’intérieur de la maison, qui sont devenus des milliardaires.
Des sorties de fonds injustifiés
Par plusieurs canaux, la direction générale userait pour sortir l’argent du Crédit rural et très malheureusement à travers des chèques qu’ils font émettre pour la quasi-totalité des cas au nom des employés du Crédit rural qui sortent l’argent de la banque pour le déposer au directeur ordonnateur afin d’en faire ce que bon lui semble, nous apprend les indiscrétions. Illustrations:
Au nom des impôts et de la Caisse nationale de sécurité sociale
Le directeur général adjoint, un certain A. Kourouma, aurait ordonné au DRH, un certain Siba Délamou de remplir une facture interne en la signant comme demandeur que lui DGA aurait validé. Après, il fait émettre un chèque pour le montant correspondant de la facture au nom d’un employé ou d’un stagiaire du Crédit rural. Ce dernier retire l’argent à la banque pour déposer au DGA.
En septembre 2014, deux factures internes du DRH pour un total de 275.000.000 FG et une facture d’une certaine Mme A. Sylla pour 70 000 000 GNF, toutes validées par le DGA sont sorties des fonds via des chèques au nom de deux employés pour une destination douteuse, parce que sur les factures, il est question question d’honoraire Impôts.
Le 20 janvier 2014, quarante cinq millions (45.000.000 GNF) étaient sortis du Crédit rural de la même façon avec comme libellé : honoraire CNSS. Le 20 janvier 2014 par le chèque N° 0395995, BICIGUI de 90.000.000 de GNF enlevé par un certain Fadjimba Mara, inspecteur à la CNSS.
Ce montant sort des livres du Crédit Rural avec le libellé ‘Ecarts de cotisations employés CRG à la CNSS’ pour une destination inconnue. Le seul support qui a été libellé : notification résultats défi contrôle, n’est même pas sur papier entête CNSS. Le même 20 janvier 2014, sur le compte Crédit rural à ORABANK, un autre chèque (N° 00256373) de 45.000.000 GNF est émis au nom d’un salarié ayant pour unique support, une facture interne du DRH validée par le DGA avec pour libellé: honoraires CNSS pour une destination inconnue.
Sous le couvert de la douane
Les 2 et 4 avril 2013, on instruit à un employé de remplir trois factures internes sans support de 20.000.000 et de 176.000.000 GNF respectivement ayant toutes comme libellé : honoraire Douane pour 5 véhicules. Ainsi les trois chèques sont émis et enlevés par le même salarié. Le 1er chèque sous le N°0072325 sur le compte ouvert à la BSIC et le second et troisième sous le numéro 7534484-85 du compte BICIGUI.
Le chèque BICIGUI N° 753448 de 27 719 371 GNF émis le 4 avril 2013 est cette fois soutenu par un bulletin dit de liquidation de la Douane. Le 8 avril 2013, à la suite d’une facture interne de 23.698.800 GNF libellé: Taxes douanières pour 5 pickup, un chèque barré (N° 0148136 ORABANK) est émis au nom du Receveur spécial de douane dont copies chèque et bordereau de remise sont joints à la facture interne, semble correspondre au montant de dédouanements régulier des véhicules. Les 196 millions sans support ont disparu des radars du Crédit Rural sans être repérés par ceux de la douane…
Le paradoxe qui a caractérisé l’achat de ces véhicules en question est un autre enseignement… (A suivre)