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Session des Lois : la Constitution mutilée au parlement ?

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Réunis en session ordinaire des lois au titre de l’année 2014, les députés de la nation  avaient d’urgence «une seule loi» à  débattre hors ordre du jour  : interdire aux guinéens qui les ont élus de manifester pour l’amélioration de leurs conditions de vie.

Cette loi a été «  votée  » sans débat, par une voix, celle prépondérante du Président, le silence des cent douze autres députés et l’abstention d’un honorable, parti gérer à l’étranger la frustration que le parti au pouvoir lui a administrée lors des élections législatives. Probablement on peut dédouaner ceux en mission parlementaire, en attendant qu’ils reviennent adhérer à l’indifférence coupable de leurs collègues restés à Conakry.

Le chef du parlement guinéen, Claude Kory Kondiano, vient de tordre le coup à la constitution
Le chef du parlement guinéen, Claude Kory Kondiano, vient de
tordre le coup à la constitution

Le Gouvernement de mission était présent tout sourire aux lèvres et avec certainement des idées qu’il n’a pu exprimer à cause d’un diktat parlementaire au sommet qui a précocement interrompu la séance inaugurale. Les membres du corps diplomatique, témoins privilégiés des disputes interguinéennes, ont dû frémir devant cette contradiction inédite d’un peuple sanctionné par son parlement. La société civile et les journalistes hébétés, cherchaient, quant à eux et en vain, «  le charme » qui, dans la salle, faisait des courants politiques guinéens les champions du retour à l’ordre constitutionnel en Afrique.

Le panorama de l’hémicycle était en tout cas incandescent, ce lundi 7 avril, à cause surtout, d’un texte pamphlétaire distribué avec hargne par un groupe parlementaire comme réponse à un ministre de la République en guerre permanente contre les passerelles d’édification de la nation. Ce texte bien qu’«hors sujet», devrait davantage administrer comme il se doit en pareille circonstance, des leçons d’histoire et un sens du consensus à ce membre d’un gouvernement qui a beaucoup à apprendre en matière de réconciliation nationale.

En attendant on peut répéter la déclaration hésitante du Président du parlement guinéen. Regardant du coin de l’œil ses collègues députés, il a dit  à peu près ceci: « Nous sommes dans une crise d’électricité! C’est une crise qui touche tout le monde. Moi-même, hier, je préparais cette séance d’ouverture. Et voilà que mes collaborateurs m’appellent pour dire qu’il n’y a pas de courant. Donc la crise frappe chacun de nous. Jusqu’au parlement ! A ce stade, elle a atteint des niveaux tels que nous devons accepter de ne plus manifester au risque «de compromettre la paix sociale, l’unité nationale, les acquis démocratiques encore fragiles, le développement et la croissance économique du pays». «Il faut cesser les manifestations bien que prévues par la constitution » a martelé le plus honorable de députés guinéens. Point. Ce qui est dit est dit  !

Le Peuple doit entendre avec ses 22 millions d’oreilles bien tendues. La constitution est ainsi mutilée d’un de ses meilleurs articles, celui accordant au peuple le droit à se faire entendre dès qu’il est brimé par ses mandants. Le plus sérieux est que ce discours met dans la même loge la fièvre Ebola et les manifestations en tant que préoccupations nationales. On peut espérer que ce parallèle établi entre les deux phénomènes s’arrête au coût humain: Ebola a fait à ce stade, un peu moins du double des victimes des manifestations. Ce genre de vocabulaire et d’amalgame politiques ne serait-il pas une sorte d’aveu clair de l’impuissance du pouvoir législatif à contrer les dérives des forces de maintien d’ordre par des lois qui protège la vie des citoyens  ?

En tout cas le parlement préfère mettre fin aux manifestations qu’oser dire formellement «non» aux massacres des manifestants. Guinéens, si vous n’entendez pas, vous allez voir. Cette fois-ci l’avertissement vient plutôt d’une voix très autorisée parmi les élus du peuple. Point final.

Cette portion anticonstitutionnelle est en bonne place dans le discours de son Excellence. A entendre sa prononciation saccadée, on risque de croire qu’elle lui est venue par dictée télépathique du côté institutionnel où on a vite pensé que le parlement se substitue soudain à la constitution et doit en conséquence faire barrage aux autres formes d’expression de la souveraineté populaire. Encore une fois l’intelligentsia guinéenne s’est exprimée. Cette sanction parlementaire illustre une sorte de monde à l’envers.

La boussole législative en marche fait ainsi tanguer le bateau guinéen dans les profondeurs incertaines d’un océan politique agité. Il n’y a pas à se méprendre. Le chef du parlement guinéen vient de tordre le coup à la constitution à cause de la crise «indisciplinée» qui a osé toucher  la cime parlementaire. Cette crise a montré sinon démontré que le député est, lui aussi, sensible à la souffrance mais seulement quand elle le touche directement. Qui a osé administré un tel mal – être au Président de l’Assemblée Nationale? La sanction ne s’est pas fait attendre.

La question était  simplement : à qui l’appliquer  ? La société énergétique est trop petite pour supporter le courroux de l’éléphant parlementaire. L’exécutif, c’est le grand frère constitutionnel. En Afrique, «le cadet doit respect à l’ainé ». Mieux celui-ci a fait récemment preuve de générosité. Il mérite reconnaissance. Alors cette sanction va au peuple de Guinée, le souverain numéro un.

La Loi numéro un doit lui revenir. Ce manège adroit est-il annonciateur d’un regain de courage législatif dans le futur ? Probablement, quand les deux institutions de la République auront le même âge. Quand ils deviendront des jumeaux siamois. Au cas où, entre temps, la plus prédisposée d’entre elles ne se proclame pas, seul souverain du pays en suivant des sentiers battus. Heureusement qu’un civil est moins prompt qu’un militaire sauf lorsqu’il s’agit d’accorder plus d’espace constitutionnel à l’exécutif qui, pour avoir longtemps manœuvré seul, a acquis une gourmandise incommensurable.

Le plus grand danger sociopolitique est que cette «déclaration-loi» indique une sorte de myopie parlementaire vis-à-vis des préoccupations du peuple. On peut se permettre de rappeler quelques unes à l’attention sublime des honorables députés.

On ne doit pas se fatiguer de prêcher même dans le désert guinéen. Alors Honorables députés, ces préoccupations ont pour noms impunité, bavures des forces de l’ordre, détournements des deniers publics, pillages des biens, assassinats de paisibles citoyens, absence presque totale de services sociaux de base, violation de la constitution. Celle-ci risque de ne pas être retenue parce que ces parlementaires ont juré de respecter religieusement leur président. Le Président d’un bruyant groupe parlementaire a vite fait de rappeler cette politesse sur les ondes d’une radio privée.

Or le Président du parlement n’aime pas la constitution. Il a trouvé les mots et une astuce pour le dire à tous ses collègues et à l’opinion. Quiconque ne le comprendra pas, fera figure de «virus Ebola».

Tous les Députés ont vite fait de se laver de tous les projets de lois à l’eau de javel sur ordre de leur Président bien aimé. Aussi il n’y a eu aucune trace de propositions de lois pour contrer les menaces innombrables qui risquent d’assombrir le théâtre des libertés publiques. Et voilà qu’à l’ouverture de leur session, ils n’avaient de loi que celle adoptée contre les manifestations, contre la liberté de leurs concitoyens. Au moins quelqu’un aurait dû demander au parlement d’interdire les propos ethnocides de la bouche de tout détenteur d’une parcelle du pouvoir d’Etat qui, sous tous les cieux démocratiques, est sensé servir le consensus national. Ce qui aurait plus de signification politique qu’une pancarte mal confectionnée, exhibée pour le bonheur des lecteurs de journaux satiriques.

Le peuple de Guinée a compris le langage de démarrage de la session des lois. Les députés, perchés au summum de la souveraineté nationale, ont d’autres priorités que de s’occuper de ses  préoccupations. Ils veulent tout d’abord un bâtiment et des équipements neufs.

Ils doivent savoir que les autres guinéens veulent au moins la sécurité et les services sociaux de base dans un pays où toutes les ressources sont disponibles. C’est cela qu’ils doivent faire savoir à leur interlocuteur privilégié, le Gouvernement. Comme ils en ont la prérogative souveraine, les honorables n’ont qu’à voter une autre loi qui leur octroie quelques petits milliards de francs glissants afin que leur prochaine session se tienne dans un palais de leur niveau et de leur goût.

Ce qui permettra aux besoins et autres préoccupations du peuple de venir probablement à la surface des priorités immédiates d’une assemblée nationale en démarrage visiblement chaotique.

Ainsi, on ne parlera pas seulement pour le plaisir de l’exécutif mais pour son efficacité afin que le développement et la croissance économique du pays ne soient plus compromis par le droit de manifester.

Alors les deux « frères constitutionnels» pourront dormir dans le même lit, les poings fermés  quand le peuple sera tranquille !

Lamarana Diallo

Démographe

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