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Situation macroéconomique de la Guinée : Etats des lieux et actions à entreprendre

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[dropcap]A[/dropcap]près soixante années d’indépendance et plusieurs décennies des programmes d’aides publiques au développement, le résultat économique de la Guinée reste encore mitigé. Le pays se trouve aujourd’hui dans une situation économique et financière marquée par des déséquilibres à tous les niveaux avec des institutions faibles et précaires.

Cependant, la Guinée regorge d’immenses ressources naturelles parmi lesquelles figurent des ressources minières (Or, diamant, 2/3 des réserves mondiales avérées de bauxite, du fer, zinc, cobalt, nickel, uranium…), des ressources forestières, des ressources halieutiques ainsi que d’importantes potentialités d’énergie hydroélectrique (environ 1 200 fleuves et cours d’eau).

Toutefois, depuis son accession à l’indépendance en 1958, la République de Guinée a expérimenté plusieurs stratégies de développement élaborées par les Institutions Financières Internationales (FMI et Banque Mondiale). Malheureusement, les résultats obtenus ont été toujours en deçà des objectifs.

Etant donné que l’objectif de toute nation est de parvenir à un développement durable afin d’extraire le peuple de la pauvreté grandissante, la croissance guinéenne est restée faible et volatile sur une très longue période (situation préoccupante). Sur la période 2001-2010, le pays enregistre une croissance moyenne par tête d’habitant négative. En dépit du retour de la croissance, l’économie guinéenne reste encore vulnérable aux chocs exogènes car, absence de boucliers antichocs.

En 2011, l’essentielle de la croissance a été tiré par le secteur minier (4.7 %) et le secteur agricole (5%). Force est de constater que le secteur minier est le principal pourvoyeur de devises avec plus de 80% des devises issues des exportations (Banque mondiale, 2017). Selon la CNUCED, ce secteur a attiré plus de 90% des Investissement Directs Etrangers du pays en 2011. Cependant, la Guinée présente encore toutes les caractéristiques d’un pays fragile : mauvaise gouvernance, société fragile, infrastructures économiques de bases peu fonctionnelles, secteur privé peu compétitif et pratiquement inexistant, corruption systémique, extrême pauvreté, etc.

Aux dernières évaluations, la Guinée reste parmi les pays les plus pauvres de la planète. Classée en 2016, 183ème sur 188 pays au compte de l’Indice du Développement Humain (IDH). Elle a perdu 12 places par rapport au classement 2010 où elle était 176ème. Pendant ce temps, ses voisins les plus proches connaissent un meilleur sort : le Ghana (139ème), la Côte d’Ivoire (171ème) le Sénégal (162ème), la Gambie (173ème) ;

Durant la même année, sur les 186 pays classés dans l’indice du développement humain du PNUD, La Guinée arrive au 179eme rang et Tranparency International le classe au 4eme rang mondial des pays les plus corrompus. Tous les indicateurs macroéconomiques sont en dessous des normes acceptables : faible croissance économique (en moyenne 3% entre 2010 et 2017), dépréciation continue de la monnaie, détérioration des termes de l’échange, niveau de corruption élevé…

Au plan social, il apparaît une pauvreté grandissante, avec plus 55% de la population guinéenne vivant en dessous du seuil de pauvreté et près de 70 % de cette population n’a pas accès à l’eau potable et à l’électricité.

Malgré le potentiel de développement incommensurable en termes de détention de ressources du sol et du sous-sol, l’économie guinéenne reste profondément marquée par :

  • Une absence de croissance économique (3,0% en moyenne de 2010 à 2017) ;
  • Une croissance démographique de 3,7 % en moyenne annuelle ;
  • Un déficit commercial chronique (22 % du PIB par an de 2010 à 2017);
  • Une monnaie nationale défaillante ;

Pour faire face à ces innombrables difficultés, il sera nécessaire d’adopter un plan de relance de l’économie nationale dont l’objectif principal s’articule autour de la Refondation et la Révision Générale des Politiques Publiques (RRGPP).

De façon spécifique, il s’agit de mettre fin à plus d’un demi-siècle de mauvaise gouvernance à travers une gestion efficiente des finances publiques, la lutte contre la délinquance économique et financière structurelle et de ses impact nocifs sur la croissance économique et enfin, extraire des millions des guinéens dans l’extrême pauvreté afin d’estomper la forte attente sociale.

Pour atteindre un tel objectif, un changement à la fois des mentalités mais aussi du fonctionnement des institutions du pays est primordiale.

Cette analyse succincte portant sur la dégradation profonde de notre économie se fixe un seul objectif. Il s’agit d’apporter un certain éclairage sur l’état actuel de la situation économique, monétaire et financière de la Guinée.

L’essentiel des statistiques fournies est le résultat du recoupement de diverses données officielles des Ministères de l’économie et des finances, du Ministère du plan, de la BCRG et des conclusions des Rapports de consultation entre la Guinée et les bailleurs de fonds.

Comment en est-on arrivé là ?

Sur la période 2010-2017, les performances économiques ont continué à être affectées par les difficultés connues en 2013 et 2014. L’économie guinéenne a été fortement impactée par les conséquences de l’épidémie à virus Ebola et la baisse du cours des matières premières sur le marché international. Elle a été également marquée par l’attentisme lié à l’organisation des élections présidentielles d’octobre 2015 et celles des élections communales initialement prévues au cours du premier trimestre 2014.

Néanmoins, sur le plan macroéconomique, le gouvernement guinéen s’est accentué sur la mise en œuvre d’un programme triennal appuyé par la facilité élargie de crédit (FEC), et le soutient à la croissance par le biais de la réalisation d’importants investissements publics (route, électricité et eau).

En dépit des efforts consentis par les autorités guinéennes, les principaux indicateurs macroéconomiques se sont nettement détériorés entre 2010 et 2017 car, la croissance économique est passée de 1,9% à 3,0% (contre une prévision de 6,6% en 2017). Cette situation s’explique par l’impact de l’épidémie Ebola, la baisse du prix des matières premières exportés, des manifestations orchestrés par les opposants au cours de la période, de l’attentisme né des élections législatives de 2013 et de celles présidentielles de 2015 dont les effets ont affecté les secteurs secondaire et tertiaire. Par ailleurs, contrairement aux deux secteurs cités précédemment, le secteur primaire a enregistré une croissance positive.

De plus, l’effectif de la fonction publique tel que résultant de la fiche des paie a atteint 102 532 fonctionnaires en 2017, contre 94 914 en 2010 avec une masse salariale en augmentation de plus de 50%.

Sur le marché de change, nous avons assisté à une dépréciation du GNF, car le taux s’est stabilisé autour de 10.500 pour un Euro et 9.600 en 2017 pour un dollar après respectivement 7594,07 et 5728,42 en 2010. Cette augmentation du taux de change a entrainé l’affaissement de la valeur extérieure de la monnaie ainsi que le déficit commercial (22% par an). Les réserves de change de la Banque Centrale s’effondrent à moins d’un mois d’importations contre un minimum de trois (3) d’importations comme le recommande le FMI et/ou les accords de convergence dans le cadre de la création de la monnaie économique africaine. Une telle situation risque d’entrainé une accumulation d’arriérés extérieurs en termes de charge de la dette occasionnant à son tour une remise en cause de la crédibilité du pays et l’amenuisement de la capacité d’endettement extérieur.

Sur le plan monétaire, nous assistons à l’explosion de la masse monétaire passant de 10 366,38 en 2010 à 20 989,95 en septembre 2017, soit un accroissement de 103% avec un taux de liquidité de l’économie à 28,1%. Le résultat de ces évolutions macroéconomiques négatives est l’aggravation de la pauvreté en Guinée. De ce fait, l’indice Général de la Pauvreté est passé de 52% en 2010 à 55% en 2017.

De passage, il convient de souligner la signature le 5 septembre 2017 d’un accord-cadre de financement de nos projets prioritaires avec la République Populaire de Chine pour une enveloppe de 20 milliards de dollars US couvrant une période de 20 ans (2017-2036). A cet accord, s’ajoute la promesse obtenue d’un montant d’Euro 21 milliards auprès du groupe consultatif de Paris. Cette situation va entrainer l’accroissement du stock de la dette extérieure et de son service. Ce qui constituera un manque à financer très important des secteurs sociaux prioritaires pour le développement tels que : l’éducation, santé, routes, ponts, barrages emploi des jeunes (qui est d’ailleurs loin d’être une préoccupation de l’Etat au regard de son budget de 2018).

Les prévisions faites par le gouvernement en termes d’antidotes pour combattre la crise économique, monétaire et financière :

Au vu des circonstances, les autorités guinéennes ont l’intention de resserrer les politiques économiques afin de réduire les déséquilibres macroéconomiques actuels, tout en protégeant les dépenses consacrées à la réduction de la pauvreté.

Pour l’année 2018, les autorités guinéennes fixent un objectif de croissance de 5,8% du PIB (Produit Intérieur Brut) contre 6,6% dans la loi de finances rectificative 2017. En ce qui concerne la monnaie, les autorités monétaires visent à atteindre un taux d’inflation de 8,2% en glissement annuel. S’agissant des finances publiques, le projet de loi de finance prévoit un taux de pression fiscale de 16,21% du PIB contre 15,43% en 2017. Dans la même lancée, le gouvernement guinéen souhaiterait avoir un niveau de dépenses courantes de 12,81% du PIB et un niveau de dépenses d’investissement de 7,42% du PIB.

Le déficit budgétaire (dons exclus) sera de 11,3% du PIB. A noté que ce déficit sera limité tout simplement à un montant qui peut être financé exclusivement par des appuis budgétaires et des appuis projets extérieurs assurés, ainsi qu’un recours limité au financement intérieur, tout en évitant le recours à tout arriéré de paiement.

Dans le même sens, il est prévu un renforcement de la transparence du programme d’investissement public, un maintien des réserves de changes à trois (3) mois d’importations et un taux de liquidité de l’économie à 28,1% contre une moyenne de 15% dans les pays assurant une meilleure gestion de la monnaie. Le taux de change sera stabilisé à 9610,5 GNF le dollar tout en continuant naturellement à réduire la prime de change entre le marché parallèle et officiel.

Devant ces choix très difficiles en termes de remède indispensable au rétablissement de notre économie, de notre monnaie et de nos finances publiques, l’on comprend clairement qu’il va falloir faire des sacrifices à tous les niveaux en vue d’un vrai changement. Cependant, l’acceptation sociale de ces choix sera impossible dans la mesure où l’on s’attaque directement aux revenus des pauvres citoyens. De plus, le Gouvernement a choisi de toucher simultanément l’une des deux variables principales du budget dans le sens de la rigueur : l’accroissement des impôts. C’est qui est à mon sens n’a pas sa raison d’exister.

Les mesures suivantes peuvent renfoncer l’efficacité des choix faits par les autorités publiques :

Pour que l’ensemble des engagements pris par le nouveau gouvernement en 2018 aient une chance d’aboutir, il devient indispensable d’agir avec détermination afin d’atteindre le bien-être social que réclament les guinéens depuis tant d’années. Pour cela, la séparation des mesures conjoncturelles dont l’objectif est la stabilisation macroéconomique, des mesures structurelles dont l’objectif est la promotion de la croissance économique s’impose afin de faire face à l’extrême pauvreté.

L’Etat doit poursuivre et généraliser le paiement des salaires des fonctionnaires par virement bancaire. Auparavant, la BCRG et le gouvernement doivent s’assurer que les fonctionnaires disposent de comptes bancaires dans les conditions satisfaisantes mais surtout que les banques commerciales sont capables d’accueillir ces nouveaux clients avec un nombre suffisant de distributeurs automatiques de billets afin d’éviter des paniques et des files d’attente interminables devant les banques commerciales.

Dans la même lancée on doit mettre fin à l’existence de moins-values financières car, le manque à gagner s’élève à plusieurs dizaines de milliards de GNF par an.  En plus, l’Etat doit également augmenter dans les meilleurs délais, la capacité d’absorption des administrations publiques en termes d’élaboration et d’exécution de projets de développement.

Faire des économies en poursuivant l’assainissement du fichier de la fonction publique. L’objectif est également de mieux prendre en charge financièrement des jeunes ayant réussis aux concours d’accès à la fonction publique mais pas encore pris en charge convenablement.

Enfin, un autre phénomène non moins important ayant attiré notre attention consiste tout simplement à mener des reformes de la justice mais aussi du secteur privé. Toutefois, l’économie n’étant pas une science exacte, une réforme techniquement bien conçue peut aboutir à l’échec si le contexte général de son application n’est pas propice, tout comme une mauvaise réforme peut réussir dans un contexte général favorable. La réussite de ce vaste chantier n’est possible que dans l’unité nationale. La Guinée étant une et indivisible. La consolidation de l’unité nationale est indispensable au progrès économique et social.

 Mamadou Safayiou DIALLO

 Économiste, Enseignant-Chercheur

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