Il y a des silences qui apaisent et des paroles qui rouvrent les plaies. La récente sortie médiatique du Général Sékouba Konaté, ancien homme fort de la transition guinéenne, appartient à cette seconde catégorie.
En rompant un long mutisme que beaucoup interprétaient comme une forme de sagesse ou de retrait lucide, il a choisi de réinvestir la scène publique à un moment où la Guinée, déjà fragilisée, cherche à retrouver son souffle et sa voie. Mais à quel prix ? Et dans quel dessein ?
Le poids des mots d’un ancien pouvoir
Sékouba Konaté ne parle jamais pour rien. Son verbe, toujours empreint d’assurance, rappelle à la fois l’homme d’uniforme et le dépositaire d’un pan trouble de notre histoire récente. Ses déclarations, loin d’être de simples confidences, résonnent comme une revendication de légitimité perdue. Il s’adresse à une opinion fatiguée, désabusée, mais toujours sensible aux récits de sauveurs. En cela, il participe, consciemment ou non, à la réouverture de la boîte de Pandore : celle des rivalités militaires, des frustrations politiques et des calculs personnels enfouis sous les cendres de la transition de 2010.
Entre mémoire sélective et volonté de réhabilitation
Le danger de cette sortie réside dans la tentation de la réécriture de l’histoire. Car chaque ancien chef, en quête de justification, tente d’imposer sa version des faits. Or, la mémoire collective guinéenne n’a pas encore cicatrisé les blessures de la transition militaire. Les Guinéens ont le droit de se souvenir, mais ils ont surtout besoin de comprendre — et non d’être replongés dans le brouillard des règlements de comptes et des demi-vérités.
Le Général Konaté, en se repositionnant ainsi, semble vouloir rappeler son rôle dans le passage vers l’ordre constitutionnel, oubliant parfois les zones d’ombre, les promesses non tenues et les dérives qui ont marqué cette période. Ce n’est pas tant le rappel des faits qui dérange que la manière de le faire : sans mea culpa, sans recul, et surtout sans égard pour les conséquences politiques actuelles.
Un contexte fragile, une parole lourde de conséquences
Dans une Guinée en quête de repères, où les institutions de transition sont déjà contestées et où la confiance du peuple s’érode chaque jour, les mots d’un ancien homme fort ont un impact considérable. Ils peuvent rallumer des tensions, ranimer des nostalgies militaires ou servir de prétexte à de nouvelles manipulations politiques. La sortie du Général, en ce sens, agit comme une onde de choc : elle réactive les passions au moment où la raison devrait primer.
L’urgence de refermer la boîte
Ce que la Guinée attend aujourd’hui, ce ne sont pas des confessions tardives ni des querelles d’anciens régimes. Elle attend des hommes d’État capables d’assumer, de rassembler et d’ouvrir de nouveaux horizons. La véritable grandeur, pour ceux qui ont gouverné, ne réside pas dans la justification, mais dans la transmission d’expérience et la capacité à se mettre au service de l’avenir.
La sortie de Sékouba Konaté, loin d’être anodine, nous rappelle une vérité profonde : tant que les acteurs du passé n’assumeront pas pleinement leur part de responsabilité, la transition guinéenne restera une boucle sans fin.
À nous, citoyens et analystes, de ne pas nous laisser hypnotiser par les récits du passé, mais d’exiger une parole tournée vers l’avenir.
Boubacar Dieng

