*Article du Ministre des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu publié dans le journal « Kıbrıs Postası » le 14 juillet 2019
[dropcap]S[/dropcap]i vous ne vous conformez pas à la proposition, nous suivrons notre propre chemin.
Cela fait plus d’un demi-siècle que les chypriotes grecs se sont approprié violemment la République de Chypre en 1963, qui avait été établie par les Traités de 1960 et fondée sur un partenariat entre les chypriotes turcs et les chypriotes grecs, sur la base de l’égalité politique.
En raison de l’attitude intransigeante de la partie chypriote grecque, les processus de négociation menés sous l’égide des Nations Unies depuis 1968 n’ont pas pu aboutir à des résultats positifs. Malgré l’approche constructive dont ont fait preuve la Turquie et de la République Turque de Chypre du Nord (RTCN), le plus récent processus de négociation s’est également soldé en échec, la dernière ronde des processus de règlement global, la Conférence sur Chypre s’étant achevée sans résultat à Crans-Montana en juillet 2017.
La principale raison de l’échec de ces négociations est que la partie chypriote grecque refuse de partager le pouvoir avec les chypriotes turcs. Nous constatons qu’il n’y a pas eu de changement dans la mentalité de la partie chypriote grecque depuis la clôture de la Conférence sur Chypre. Le dirigeant chypriote grec se considère encore comme le chef d’un État unitaire et un leader qui octroie des droits aux minorités. Il révèle qu’il est loin d’accepter l’égalité politique de la partie chypriote turque.
Pour sa part, la Turquie a constamment souligné qu’il n’était pas possible de relancer le processus de négociation à partir du point où la Conférence sur Chypre avait été clôturée en 2017 sans résultats.
Nous avons souligné qu’afin de relancer les négociations, il était impératif de déterminer à l’avance ce qui sera négocié, et également d’établir dans quelle direction et dans le cadre de quelles modalités ces dernières seront menées. Au cours des cinquante dernières années, les négociations visant à créer une fédération bizonale et bicommunautaire sont demeurées sans résultat. Nous considérons qu’il ne serait pas bénéfique de s’engager dans un nouvel exercice ouvert, sans vision ou objectif clair, et d’entamer des négociations uniquement afin de mener des négociations.
En tant que partie turque, nous n’excluons aucun modèle de règlement et n’insistons pas non plus sur un modèle en particulier. Nous préconisons que toutes les options soient présentes sur la table. Plutôt que le nom du modèle de règlement, l’important pour nous est que ce règlement garantisse l’égalité politique des chypriotes turcs et leur participation effective aux mécanismes de prise de décision, ainsi que leur bien-être et sécurité.
D’autre part, si un nouveau processus de négociation doit être lancé, il faudrait confirmer à l’avance que les deux parties sur l’île aient une vision commune et qu’elles soient prêtes à négocier sur une base commune. Dans les circonstances actuelles, où la partie chypriote grecque prend du recul par rapport aux convergences du passé et n’accepte pas l’égalité politique des chypriotes turcs, il est difficile de dire qu’un tel terrain commun existe.
Nous sommes face à une administration chypriote grecque de Chypre du Sud (ACGCS) qui tire pleinement parti de tous les avantages de son adhésion à l’UE et se considère comme le seul propriétaire de l’île. La partie chypriote grecque n’est disposée à partager ni le pouvoir politique, ni les ressources naturelles de l’île avec les chypriotes turcs, qui sont les copropriétaires de l’île. Par ses activités unilatérales liées aux hydrocarbures, l’administration chypriote grecque ignore non seulement les droits inhérents des chypriotes turcs sur les ressources naturelles, mais viole également les droits de la Turquie découlant du droit international sur son plateau continental enregistré auprès des Nations Unies.
Nous avons souligné dès le début que tout en prenant des décisions sur les ressources communes de l’île, les chypriotes turcs devaient également être associés aux mécanismes de prise de décisions. La partie chypriote grecque a rejeté les propositions de coopération présentées par les autorités chypriotes turques en 2011 et 2012. En outre, l’ACGCS ne considère malheureusement pas la question des hydrocarbures comme un élément qui devrait être partagé et décidé conjointement avec les chypriotes turcs. L’ACGCS affirme qu’elle préserve la part des chypriotes turcs qui leur sera remise à l’issue du règlement. Alors que la partie chypriote grecque commercialise actuellement les ressources de l’île et procède à la génération de revenus, il n’est pas acceptable ni pour nous, ni pour les chypriotes turcs, que ces derniers laissent leurs droits à une période ultérieure à une solution, qui a été empêchée par les chypriotes grecs.
De ce fait, la proposition présentée par les chypriotes turcs le 13 juillet 2019 concernant les ressources en hydrocarbures est tout à fait précise et soumise à un moment très opportun.
Cette proposition, que nous soutenons pleinement, envisage que les chypriotes turcs et les chypriotes grecs, en tant que copropriétaires de l’île, coopèrent sur les ressources en hydrocarbures sur lesquelles ils ont des droits égaux, y compris le partage des revenus, et permet aux deux parties de bénéficier simultanément de ces ressources. La mise en œuvre de cette proposition ouvrira une nouvelle ère de coopération, contribuera à la paix, à la stabilité et à la coopération régionales, et fournira également un climat propice au règlement de la question de Chypre.
La question des hydrocarbures en Méditerranée orientale comporte deux aspects. L’une est liée à la protection des droits de la Turquie sur le plateau continental et l’autre à la question chypriote elle-même.
Ayant le plus long littoral de la Méditerranée orientale, la Turquie protège résolument ses droits et intérêts sur son plateau continental. Il est erroné d’établir un lien direct entre cette question et celle de Chypre. En effet, nous poursuivons nos activités d’exploration et de forage dans les zones – où nous avons enregistré nos droits sur le plateau continental géographiquement et juridiquement auprès des Nations Unies à partir de 2004 – pour lesquelles notre gouvernement a accordé des licences à la Compagnie pétrolière turque (TPAO) en 2009 et 2012. Notre navire de forage Yavuz poursuit ses activités sur le plateau continental turc.
Nous constatons que l’administration chypriote grecque se déchaîne dans presque toutes les plates-formes et émet des plaintes sans fondements selon lesquelles « la Turquie viole notre zone économique exclusive ». Pourquoi sans fondements ? En effet, en ce qui concerne la zone où Fatih effectue des forages, la zone de juridiction maritime entre la Turquie et l’île de Chypre n’a pas encore été délimitée par un accord de délimitation maritime. Par conséquent, il n’est légalement pas possible d’établir une définition telle que la « ZEE de l’administration chypriote grecque » pour cette zone.
L’approche de la Turquie sur cette question est conforme au droit international. Selon le droit de la mer, lorsqu’il est question de la délimitation, les îles ne peuvent avoir qu’un effet limité – voire nul dans certains cas – en termes de création de plateau continental et de ZEE par rapport aux côtes continentales, dans les cas où l’existence des îles fausse la délimitation équitable. Le recours de façon automatique à la méthode de « la ligne médiane/la distance égale » n’a absolument aucune place dans le droit international. La délimitation équitable est le principe fondamental conformément au droit international, y compris les précédents et la jurisprudence. La délimitation des zones de juridiction maritime devrait se faire soit par un accord bilatéral qui ne viole pas les droits des tiers, soit en soumettant la question à un mécanisme judiciaire international.
Par exemple, en ce qui concerne les droits de la Turquie sur le plateau continental, le soi-disant accord de 2003 portant sur la ZEE entre l’ACGCS et l’Égypte est nul et non avenu, non seulement en raison de l’existence même de la question chypriote, mais aussi parce que la ligne de délimitation dans le cadre dudit accord viole le plateau continental de la Turquie. La question de la délimitation dans l’ouest de l’île ne pourra être abordée qu’après un règlement global de la question chypriote, qui permettra à la Turquie de s’engager avec une entité internationale qu’elle reconnaîtrait.
La deuxième dimension concerne la protection, conformément au droit international, des droits inaliénables des chypriotes turcs, les copropriétaires de l’île. A cet égard, nous soutenons résolument la RTCN. C’est dans ce contexte que s’inscrivent nos activités pour lesquelles le gouvernement chypriote turc a accordé des licences à Compagnie pétrolière turque (TPAO) en 2011. Notre navire de forage Yavuz et notre navire sismique Barbaros Hayreddin Paşa mènent leurs activités dans ces zones.
En un mot, la Turquie a mis en œuvre sur le terrain toutes les actions pour lesquelles nous avons toujours mis l’accent. Nous réagissons donc en prenant des mesures concrètes sur le terrain, face aux activités unilatérales insistantes de la partie chypriote grecque en matière d’hydrocarbures, qui excluent les chypriotes turcs. La Turquie continuera sa position de principe et sa position résolue. En effet, comme notre président l’a déclaré à chaque occasion, nous ne permettrons jamais la violation des droits et des intérêts légitimes des chypriotes turcs.
A moins que les chypriotes grecs n’optent pour une coopération, comprenant un mécanisme de prise de décision conjointe avec les chypriotes turcs – les partenaires égaux de l’île – et à moins qu’un mécanisme de coopération ne soit établi tel que prévu dans la proposition du 13 juillet, la Turquie continuera résolument ses activités, sans interruption, dans les zones où la RTCN a accordé des licences à Compagnie pétrolière turque (TPAO).
Nous sommes en faveur de la paix et de la stabilité en Méditerranée orientale. En termes d’histoire et de géopolitique, la Turquie, qui possède le plus long littoral de la Méditerranée, est dans une position clé pour la stabilité et la sécurité de la région. Dans ce contexte, toute recherche de partenariat et de coopération visant à exclure la Turquie de la région est vouée à l’échec. En fait, cela devrait être considéré comme une conséquence naturelle des réalités de la région et du droit international.
Il est clair que les chypriotes turcs sont les victimes du maintien du statu quo sur l’île. Nous ne permettrons jamais que les chypriotes turcs, qui ont approuvé le plan Annan – qui avait été rejeté par les chypriotes grecs -, mené tous les efforts possibles pour aboutir à une solution, consenti tous les sacrifices attendus d’eux et fait preuve d’une attitude positive et constructive lors de la conférence sur Chypre clôturé en juillet 2017 à Crans-Montana, payent le prix d’un non règlement. La Turquie n’a jamais laissé seuls les chypriotes turcs et a fait tout son possible pour protéger leurs droits et intérêts. La Turquie ne ménagera aucun effort à cet égard à l’avenir.
*Traduction informelle en français du texte original en turc