[dropcap]L[/dropcap]e président Alpha Condé était un grand opposant à l’autoritarisme de Lansana Conté. Il était convaincu que seule une véritable démocratie pouvait permettre à la Guinée d’avoir de réelles opportunités de développement. Aujourd’hui président de la république, Alpha Condé semble ne plus partager entièrement cette conviction. De l’opposant démocrate au président très peu démocrate, qu’est-ce qui s’est réellement passé ?

Le régime militaire de Lansana Conté initia la démocratie pluraliste en Guinée en 1984, et mit fin définitivement à la dictature du parti-Etat de Sékou Touré. Avec ce régime, la Guinée put se doter, pour la première fois depuis son indépendance, d’une véritable constitution démocratique. Les guinéens venaient de découvrir que la liberté était un besoin fondamental pour l’épanouissement de l’être humain.

Cependant, tout ne fut pas rose avec le régime militaire. Loin s’en faut. Lansana Conté se transforma, très vite, en autoritaire. La constitution n’était plus la référence pour la gestion des affaires du pays. Une situation que les partis politiques ne pouvaient pas supporter. Des partis politiques les plus farouchement opposés à la nouvelle tendance politique de Lansana Conté, le RPG d’Alpha Condé fut le plus intraitable.

L’opposant Alpha Condé ne mâcha pas ses mots face au régime de Conté. Il fut tenace dans ses convictions démocratiques. Il fut condamné, et même traité de « chef de gangs » pour la tentation d’envahir militairement la Guinée. Bref, il risqua sa vie pour le triomphe d’une véritable démocratie.

En 2010, Alpha Condé est élu président de la république. Mais très curieusement, la motivation ne semble plus être de son côté, pour faire triompher son idéal pour lequel il s’est battu pendant plus de trente ans dans l’opposition. Presque cinq ans d’exercice au pouvoir, le président Alpha Condé est méconnaissable. On ne reconnait pas cet opposant tenace qui voudrait le rayonnement des véritables institutions démocratiques dans son pays. Une démotivation du président facilement explicable.

Bien avant l’élection présidentielle de 2010, il est impossible de croire que le RPG (Rassemblement du Peuple de Guinée), n’était pas un parti bien structuré. Il est impossible de croire que ce parti, à lui seul, manquait de grandes personnalités, des cadres compétents capables de gérer les affaires du pays. On ne peut pas le croire que le RPG n’avait pas un idéal politique propre. Un idéal de gestion politique éloignée de toute politique politicienne.

Le RPG d’Alpha Condé avait bel et bien un programme de gestion centré sur la transparence politique. Mais l’élection présidentielle de 2010 réserva des surprises auxquelles Alpha Condé et ses collègues du parti ne s’attendaient pas : la victoire de l’UFDG au premier tour.

L’UFDG (l’Union des Forces démocratiques de Guinée), raflant le meilleur score au premier tour, provoqua la panique dans le parti RPG, qui n’a eu autre option que de recourir à « tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins ». La dépréciation et la division ethniques sont passées par là. La main tendue aux proches de l’ancien président, Lansana Conté, est passée par là. Aussi, la diabolisation des anciens premiers ministres de l’ancien régime.

Le choix vient d’être fait pour la malhonnêteté politique. S’en débarrasser, serait de prendre le risque de perdre tout espoir de gagner des élections. Voilà qui explique qu’Alpha Condé n’organisera jamais des élections libres et transparentes en Guinée.

A une seule condition les élections seront libres et transparentes, et le processus politique sera respecté : l’opposition républicaine doit impérativement unir ses forces et descendre dans la rue. L’arbitrage de l’armée ne serait jamais un désavantage.

Naby Laye Camara

Bruxelles