Au lendemain du 5 septembre 2021, et dès les premiers actes posés, des observateurs avertis, des chroniqueurs et quelques leaders politiques ont commencé à douter et émettre des réserves sur les bonnes intentions des nouveaux maîtres de la Guinée : celle de faire de la Justice la boussole de la transition.
De l’origine douteuse de la charte de la transition et du flou qu’elle contenait sur sa durée, à la méconnaissance de la composition des acteurs du CNRD, même des élèves scénaristes avec un peu d’histoire sur les transitions politiques en Afrique, notamment en Guinée (1984, 2010), auraient été en mesure d’écrire le scénario de cette autre transition, acclamée par les populations et jusque-là tolérée par la communauté internationale. Comme toutes les transitions qui ont tourné court, celle du CNRD semblait porter en elle, dès ses débuts, les causes de son hypothétique échec.
Tout d’abord, sur le casting des membres du gouvernement. Des nominations tous azimuts avec pour objectif de gommer toute velléité de résistance et de sabotage de celle-ci par les éléments de l’ancien régime, et de l’autre, créer un nouveau contingent d’obligés, et ainsi prendre le contrôle total de l’appareil étatique sans oublier certains actes à forte dose de populisme. Les transitions issues des coups d’État ont presque toujours eu des raisons fondées, quoique certains aient déraillé en cours de chemin. Celle de 2010 en Guinée en est l’illustration.
Ainsi voit-on apparaître à la tête des institutions des transitions, des personnages consensuels, de moralité irréprochable tout comme des personnages controversés, acteurs de toutes les intrigues au cœur de l’Etat. Mais le danger qui guette toutes les transitions militaires, demeure cette nébuleuse de conseillers occultes, souvent parents et amis, qui gravitent dans l’ombre des transitions et qui pousse les militaires vers des sentiers glissants : vengeance personnelle, promotion ethnique, propagandes, manipulations, affairisme, voire la confiscation du pouvoir.
Dans l’entendement des putschistes en tout temps et partout, il est toujours question de prise de responsabilité face aux dérives des politiques (ici la sempiternelle bêtise du troisième mandat), de lutte contre l’impunité, de moralisation de la vie publique, de rajeunissement de l’administration publique et d’autres choses dans ce genre plus ou moins raisonnables. C’est dans leur application et leur mise en exécution que le bât blesse. Et le temps leur est presque toujours fatal.
Une transition, plus c’est court et mieux c’est. Deux semaines de vacances valent toujours mieux que trois ou quatre. On s’ennuie vite, et dans le cas de la transition en Guinée, on est enclin à des dérives, à des ratés chaque jour qui passe.
Il n’est pas encore tard. Que ce soit sur la durée de la transition, la nature de nos institutions politiques, la justice, rien n’est plus important qu’un retour à un ordre constitutionnel rapide. Rendons à César ce qui appartient à César. Rendons à la classe politique toute la place qu’elle mérite dans une transition qui reste avant tout éminemment politique. Vouloir les en écarter pour des intérêts inavoués nous fera perdre du temps et prendre des risques inutiles.
Au CNRD de savoir bien tirer les leçons du passé et de nous éviter l’épreuve de force qui s’annonce déjà implacable et hypothétique.
IbOu Diallo du MoDeL