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Verdict de la Cour suprême sur les législatives : de la comédie à la tragédie

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On devient vert quand on entend le verdict rendu par la Cour suprême sur les recours introduits par les partis politiques sur le contentieux des législatives du 28 septembre 2013. Une cour jusque-là dénommée suprême se transforme en cour supprime.

En se déclarant incompétente à prendre une décision qu’elle seule est sensée pendre, la Cour suprême guinéenne n’existe plus de fait. Elle s’est supprimée, en termes mieux appropriés, s’est auto-dissoute, pour cause d’incompétence. Légalement, institutionnellement et juridiquement, la Cour suprême n’existe plus et ne saurait prendre quelque décision que ce soit en Guinée. Pourquoi ?

Une institution n’existe (ou ne peut exister) que parce qu’elle sert à quelque chose, qu’elle remplit entièrement ses fonctions dans le respect de la loi qui l’a instaurée. En Guinée, pour rendre une décision, la Cour suprême, instance au-dessus de toutes les autres institutions se prononce en ces termes :

« La Cour, statuant publiquement, contradictoirement en matière électorale, en premier et dernier ressort,… se déclare incompétente pour connaitre des plaintes pour fraude électorale et utilisation frauduleuse… ». Et de poursuivre « Se déclare également incompétente pour connaître de tous les autres faits constitutifs d’infractions pénales prévues et punies par les articles 200 à 223 du Code électoral. »

Crédit photo: Lamarana Petty Diallo

De fait, toute décision prise par cette cour devrait être nulle et non avenue. Ce qui revient à dire que les résultats provisoires prononcés par la commission nationale indépendante (CENI) sont nuls et sans effet. Une institution incompétente ne saurait prendre une décision valable et qui s’appliquerait à qui que ce soit. Par conséquent, les législatives du 28 septembre ne peuvent être validées car la cour qui devrait le faire est incapable d’examiner les faits dans le fond et dans la forme.

Bien entendu, la CENI restée muette comme une carpe au cours de tout le processus électoral est aux yeux de plus d’un un complice du pouvoir. Du coup, elle n’est plus ni moins qu’une commission nationale dépendante dont l’existence ne se justifie plus. Mais, comme en Guinée, seul la médiocrité, l’inefficacité, la mal sous toutes ses formes ont la vie dure et la longévité assurée, la CENI et la cour suprême survivront tant qu’elles resteront nuisibles.

Face à des institutions désormais illégitimes dans les faits et qui prennent des décisions farfelues et incohérentes, on assiste à une folklorisation des réactions des premiers concernés : la classe politique de l’opposition. Je m’en explique !

Tout le monde a vu le sieur Syma bégayer, ânonner, buter sur les mots et les noms, confondre les partis politiques, affecter les candidats d’un parti à un autre, déformer des appellations, abréviations ou sigles de partis politiques, prenant UFR pour UPR, donner deux élus à des partis qui n’en ont qu’un, omettre la tête de liste de l’UFDG, etc. Face à ce qui n’est rien d’autre que l’expression de la magouille, non plus électorale, mais opérée au sein même de cette cour, que fait l’opposition ?

Se réunir avant de produire un papier qui déboussole le plus engagé de ses adhérents. Se réunir pour décider à son tour de ne rien décider au lendemain de la funeste sentence de la cour supprime de Guinée. Je voulais dire, Suprême Cour qui, dans Sa suprématie Supprime tout ce qui n’arrange pas le pouvoir. Une cour qui, dans son zèle de servir s’auto-dissout, se disqualifie tant et si bien que certains naïfs s’étaient pris à rêver la voir entrer dans l’histoire et la suppliaient d’agir dans ce sens.

La décision que l’opposition a prise, pour question de démocratie, nous dit-elle, c’est de consulter la base. Une seule question se pose. Pourquoi ne pas l’avoir fait auparavant en soumettant à l’ensemble de ses instances un certain nombre de cas de figure. J’en donnerai quatre.

La Cour suprême confirme les résultats de la CENI comme c’est le cas d’espèce. La direction du parti X avec l’ensemble des responsables politiques de l’opposition entend prendre telle décision. Qu’en pensez-vous ?

La Cour suprême augmente le nombre de députés pour le pouvoir, la direction nationale du parti propose telle réaction. Qu’en pensez-vous ?

La Cour suprême augmente le nombre de députés de tel(s) ou tel(s) parti(s) politiques en ne le faisant pas pour d’autres pour des raisons non élucidées ou clairement exprimées. Nous entendons prendre telle disposition. Qu’en pensez-vous ?

La cour annule le scrutin comme l’ont demandé l’ensemble des partis politiques, le parti présidentiel compris. Nous envisageons telle décision ? Qu’en pensez-vous ?

En adressant aux différentes instances de chaque parti politique ces questions et cas de figure, les directions nationales des partis d’opposition n’allaient pas une fois de plus donner l’impression d’être prises de court. Elles n’auraient pas, par cette sorte d’indécision, donné encore du temps au pouvoir de débaucher ses membres. Ce qui risque fort d’arriver car, en matières d’espèces sonnantes et trébuchantes, le RPG-Arc-en-ciel s’y connaît.

Quand on sait que ce parti a engrangé des millions d’euros et de dollars depuis son arrivée au pouvoir, surtout depuis la tenue des législatives, il est fort à parier qu’il a de quoi acheter certaines têtes de listes. Surtout quand ces dernières sont à la fois tête et queue de la liste de leur parti ! Quitte à s’en débarrasser comme des chaussettes par la suite. Ce ne sont pas les Kouyaté, Kassory, Jean- Marc Telliano, Jean-Marie Doré, Facinet Touré et autres qui diront le contraire !

Il est incontestable que, malgré sa bonne volonté dans son combat contre le pouvoir, l’opposition guinéenne croit encore à la bonne foi. Ce qui est inopérant en politique.

Sa démarche et sa manière de faire risquent de l’installer plus dans la durée d’éternels opposants qu’au pouvoir. L’opposition guinéenne n’arrive pas encore à être proactive en créant l’évènement, en anticipant pour se prémunir contre toute action de l’adversaire.

Elle devait prendre une position commune avant « la décision de la Cour suprême » qui, comme je l’ai indiqué, n’en vaut pas une en réalité. Ne l’ayant pas fait, elle est désormais prise entre la volonté d’une base qui a commencé à manifester hier à Conakry et qui brûle de voir le pouvoir RPG dégager et la pression de la communauté internationale qui a hâte de sortir du bourbier électoral guinéen.

Je parie que notre opposition se laissera aller au vœu pieux de paix sociale, de démocratie et tout le rituel habituel que la communauté internationale s’apprête à lui bassiner. Ce qu’elle semble ignorer ou incapable d’assumer, c’est que cette communauté internationale, est toujours derrière le gagnant et qu’elle a toutes les astuces pour sécher les larmes du perdant. Du moins, de celui qu’elle a choisi de faire perdre.

Si la communauté internationale veut t’installer au pouvoir, gagnant ou perdant, elle le fera. Le cas de la Côte d’Ivoire et de la Guinée sont édifiants. Alors, à quoi bon se conformer aux désidératas de ce lobby de diplomates, de politicards et de repus de toutes les élections ? Ceux qui nous ont envoyé et fait accepter le général Sangaré ne résoudront pas de sitôt, pour ne pas dire jamais, nos problèmes. Il ne faut pas non plus compter là-dessus pour voir le pouvoir guinéen se démocratiser.

En revanche, le guet devant Sékhoutouréya pour les futurs postes ira crescendo. Marabouts, féticheurs et autres diseurs de sorts auront leurs bourses remplies. On pourrait l’entendre au sens propre comme au sens figuré car ce ne sont pas que les hommes qui cherchent à se caser dans notre Guinée bien aimée !

J’ai voulu souligner l’aspect comique de la décision de la Cour suprême au sens où elle relève d’un non-sens, d’un paradoxe qui ne résiste à aucune approche sérieuse. La Cour suprême se moque des Guinéens. Elle a tout simplement bavé sur l’opposition tout comme l’a fait la CENI avant elle. Hélas, l’opposition ne semble pas prendre la mesure de l’enjeu. Elle ne comprend pas qu’Alpha Condé n’a pas perdu. Qu’il a tout gagné et à tout à gagner. Son score a été méticuleusement pensé, méthodiquement étudié et finement mené.

Alpha Condé à juste voulu tricher en bien dosant la fraude cette fois-ci. Il a mis en place une manœuvre qui lui a permis d’avoir une petite ou relative majorité. Il a certes été débordé par le cas particulier de Conakry où son plan a foiré. Il ne compte pas moins sur l’achat de voix d’élus « des petits partis » pour combler le vide créé par Conakry et se donner une courte majorité. De la sorte, il n’aura pas à essuyer les courroux que la fraude massive des présidentiels ont soulevé en 2010. En même temps, il aura donné à l’opposition, l’impression d’avoir perdu. Ce dont elle semble s’être contentée sans analyser en profondeur le mécanisme électoral de l’Arc-en-ciel.

L’annonce de la Cour suprême est tragique dans la mesure où elle hypothèque encore davantage l’avenir d’un pays, le devenir d’une nation et d’un Etat. Cette décision de la cour est à la fois désolante, choquante et insultante pour le peuple de Guinée. Tout simplement, si cette cour se jugeait incompétente, elle n’avait rien à examiner, à invalider ou valider. Elle devrait simplement faire part de son incompétence en invitant les différents acteurs à faire face à d’autres juridictions compétentes. Celles de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest, (CEDEAO) comme j’entends le dire depuis hier. Le temps que prendra une telle éventualité ayant moins d’importance au vu de l’enjeu. Un enjeu qui dépasse de loin le scrutin à proprement parler. Il fonde tout ce qui est en perspective entre 2014 et 2015.

L’opposition ne devrait pas croire qu’elle est sortie indemne de ces législatives quelle que soit l’option qu’elle prendra. Elle devra affûter ses armes et donner un blanc sein au pouvoir serait une erreur de taille. Croire que le système RPG donnera dans la transparence devrait réviser ses cours de sciences politiques.

En Afrique comme dans beaucoup de pays du tiers-monde, le pouvoir législatif est une sorte d’antichambre de l’Exécutif. A cela s’ajoutent la fiabilité, la moralité et la conviction, pour ne pas dire le manque de tout cela chez certains alliés. Autant de handicaps à relever par l’opposition guinéenne. Laquelle devra encore mieux affiner sa stratégie, sa communication politique face à des enjeux et décisions d’envergure historique.

Les premières décisions devant être celles qui sont attendues par les Guinéens, les militants et sympathisants restent, comme on le leur a demandé, mobilisés et à l’écoute de ceux sur lesquels ils comptent pour l’instauration de la démocratie en Guinée.

Cette opposition-là le fera-t-elle ? Wait and see !

Lamarana Petty Diallo

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