Francis Dako de la Coalition pour la CPI : ‘’la lutte contre l’impunité doit être une priorité en Guinée’’
Le coordinateur Afrique de la Coalition pour la Cour Pénale Internationale a séjourné en Guinée du 24 au 28 mars 2014. Francis Dako a rencontré. Maître Dako était à Conakry dans le cadre du renforcement de la coopération internationale avec la CPI et la promotion des lois nationales afin que justice soit rendue aux victimes des crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide. A quelques heures de son départ pour Cotonou, Maître Francis Dako s’est prêté aux questions de notre reporter. Lisez !
Vision Guinée : M. le Coordinateur, dites-nous d’entrée de jeu, c’est quoi la Coalition pour la Cour Pénale Internationale ?
Maître Francis Dako : la Coalition pour la Cour Pénale Internationale est un regroupement de près de 2500 ONG du monde entier qui s’unissent pour faire avancer partout dans le monde la justice pénale internationale. Elle a été créée dans les années 90 pour pousser à la création de la Cour Pénale Internationale qui est un vieux rêve de Gustave Monier qui n’a pas pu voir le jour de son vivant. Il a fallu que la société civile se mobilise afin que les Nations Unies se retrouvent à Rome en 1998 pour créer la Cour Pénale Internationale. Ce premier objectif atteint, la coalition a continué à faire campagne pour la ratification du statut de Rome qui ont contribué à l’entrée en vigueur de cette Cour.
Vous coordonnez les activités de cette coalition en Afrique. Que faites-vous concrètement sur le terrain ?
Notre rôle est de s’assurer que l’objectif fixé par les Chefs d’Etat Africains soit effectif. Que les personnes auteures de crimes prévus au statut de Rome à savoir le crime de guerre, le crime de génocide, le crime contre l’humanité et celui d’agression soient poursuivies. Pour ce faire, nous rendons visite à différents Etats. Etant le Coordinateur Afrique de la Coalition, j’ai un certain nombre d’Etats sous ma juridiction à qui je rends visite pour voir l’état de la mise en œuvre du statut de Rome dans ces pays, mais aussi l’état de la société civile nationale que nous appelons à se regrouper en coalition. Nous rencontrons non seulement les officiels, mais aussi les ambassadeurs accrédités dans le pays que nous visitons.
Conakry était dans votre agenda du 24 au 28 mars dernier. Au terme de votre mission dans la capitale Guinéenne, que peut-on retenir ?
On peut retenir trois grandes choses. Au niveau des autorités, on note une très grande écoute. Les autorités sont conscientes qu’il y a du travail à faire en Guinée pour que la justice soit objective, impartiale. Et cela pour tous les Guinéens. Au ministère de la Justice, on a fait état d’une réforme judiciaire très ambitieuse qui permettra à chaque Guinéen de s’identifier à la justice. Le même discours volontariste et engagé m’a été tenu au ministère des droits de l’homme et des libertés publiques. Nous observons de près les reformes entreprises au niveau de ce département, notamment la notion du respect des droits de l’homme, la personne humaine est sacrée au terme de la constitution Guinéenne.
Tous ces discours volontaristes nous séduisent, mais nous ne perdons pas de vue qu’il nous faut rester suffisamment réalistes et maintenir l’état de veille de ses engagements afin que ces derniers soient traduits dans la réalité.
Vous avez aussi rencontré certains diplomates en poste à Conakry…
Du coté des diplomates en Guinée, nous avons eu le même écho. Les ambassadeurs rencontrés maintiennent dans leur agenda des démarches régulières vis-à-vis des décideurs afin que la lutte contre l’impunité soit une priorité en Guinée et que l’accompagnement apporté par la communauté diplomatique soit exigeant.
Et qu’en est-il de la société civile ?
La société civile est particulièrement motivée. Il y a un réel engouement pour la mise en place d’une coalition Guinéenne pour la Cour Pénale Internationale qui fera le suivi des engagements pris par les autorités. Le bureau du procureur de la CPI a séjourné en Guinée quelques semaines avant notre arrivée pour voir les avancées significatives faites par le Gouvernement Guinéen dans le dossier du 28 septembre 2009.
Nous repartons satisfaits d’avoir eu une bonne écoute et nous sommes convaincus que la société civile Guinéenne saura s’organiser en une coalition efficace qui reprendra le flambeau de tous les engagements pris par les autorités
Avec la société civile, nous avons tenu deux réunions au Bureau des Nations Unies pour les Droits de l’Homme et au siège de l’Organisation Guinéenne de défense des Droits de l’Homme. Dans les prochaines à venir, les membres de la société civile vont se réunir pour véritablement jeter les bases de cette coalition. La nouveauté, c’est que le Barreau Guinéen prendra une part active dans la création de cet outil important de lutte contre l’impunité au plan national.
Les autorités tiennent souvent des discours volontaristes. Mais sur le terrain, la réalité est tout autre.
Oui. Mais parfois le contexte joue sur un certain nombre d’engagements. Une chose est sûre, il faut que la Guinée passe à une phase de réconciliation, à une culture de la justice et des droits de l’homme et mettre fin à l’impunité. Ce que la Guinée a connu depuis son accession à l’indépendance jusqu’à nos jours se résume essentiellement par le fait que l’Etat n’a pas été capable de frapper au-delà d’une prise de position communautariste. Il faut que l’Etat s’identifie à tous et frappe de façon impartiale et juste lorsqu’il y a des raisons fondamentales. Je pense que l’Etat Guinéen a de plus en plus conscience qu’il faut aller dans cette dynamique. Il en est de même pour la communauté diplomatique qui sera de plus en plus exigeante par rapport à l’aide qu’elle apporte à la Guinée dans le cadre des reformes de l’Etat. Autre chose, la société civile en jouant son rôle de veille peut amener les autorités à lier l’acte à la parole pour le bonheur des victimes qui attendent d’être rétablies dans leurs droits.
Maître Dako, pendant que vous battez campagne en Afrique pour la Cour Pénale Internationale, on a l’impression que de grands criminels occidentaux restent en liberté et que les poursuites ne concernent que des dictateurs africains?
C’est un procès injuste. Lorsque les Chefs d’Etat du monde entier se sont retrouvés à Rome en 1998, ils ont pris des engagements forts que les crimes internationaux ne resteront plus jamais impunis. Ensemble, ils ont défini un mécanisme pour sanctionner ces crimes. Lorsque nous constatons que des infractions dans un pays, ce n’est pas à la Cour Pénale Internationale de s’approprier, c’est d’abord aux juridictions locales de régler le problème. Si cet Etat n’a pas la volonté ou son appareil judiciaire n’a pas la capacité de juger ce crime, le dossier doit être référé à la Cour Pénale Internationale en dernier recours. La plupart des cas transférés à la CPI, ce sont les Africains eux-mêmes qui ont livré leurs compatriotes. Il y a un peu plus de deux semaines, la Côte d’ivoire transférait Charles Blé Goudé à la Haye. Vous voyez, ce n’est pas la cour qui est venu le chercher, c’est l’Etat Ivoirien est l’a envoyé.
La question qui devrait être posée c’est de savoir si les crimes pour lesquels ces prisonniers sont transférés à la Cour Pénale Internationale sont avérés. Le principe est clair, il ne faut pas laisser les crimes impunis.
C’est vrai qu’on ne voit pas des américains ou des Irakiens à la CPI. La raison est simple. L’Iraq n’a pas ratifié le Statut de Rome. L’Amérique également. La Cour est créée sur la base d’une convention. L’effet relatif des traités oblige la CPI à ne travailler que le cadre que les Etats eux-mêmes auront défini. Le procès qui est fait à la Cour Pénale Internationale est un procès politique soutenu par quelques dirigeants Africains qui n’ont pas voulu comprendre que le temps est résolu où il faut cesser avec les crimes de masse.
Merci Maître Francis Dako…
C’est à moi de vous remercier et à très bientôt.
Entretien réalisé par Ciré BALDE, pour VisionGuinee.Info
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