Il n’y a pas que des vieux, il y a aussi des jeunes qu’il faut changer
[dropcap]L[/dropcap]’alternance en Guinée ne devrait pas être que générationnelle car bien de « jeunes » politiques de notre pays n’ont d’égard que pour leurs petits intérêts personnels. La jeunesse n’est qu’un fonds de commerce pour eux dont ils se servent pour atteindre leur but.
Le changement pour qu’il puisse faire la différence ne devrait pas être marginal. À défaut d’une révolution, ce changement devrait être radical.
Le malheur de notre pays est dû d’une part au fait que nous n’ayons pas eu la chance ou le courage de faire face à notre passé pour situer les responsabilités des uns et des autres. C’est pourquoi des individus qui auraient dû être devant des tribunaux ou des commissions d’enquête et de réconciliation sont aujourd’hui ceux qui continuent toujours à décider de notre présent et de notre avenir.
Partout où les citoyens ont subi des abus de la part d’un pouvoir dictatorial, que ce soit en Allemagne, en Afrique du Sud, ou même en Gambie tout près, des commissions d’enquête ou de réconciliation ont été mises en place pour situer les responsabilités de ceux qui avaient en charge de diriger. En Guinée, nos dirigeants qui ont succédé aux dictatures ont choisi la fuite en avant. C’est pourquoi nous peinons à réconcilier le peuple avec son histoire et c’est pourquoi les mêmes péchés continuent car ce sont toujours les mêmes acteurs qui continuent.
Après le régime de Sékou Touré, nous aurions dû mettre en place une commission d’enquête et de réconciliation. Il en est de même après les régimes de Conté et du CNDD. Trop de crimes économiques et de crimes de sang ont été commis dans notre pays sans que PERSONNE n’eut à répondre d’un quelconque acte criminel.
Alpha Condé, en tant que premier chef d’État du pays n’ayant pas été acteur des systèmes qui l’ont précédé auraient pu nous offrir cette chance. Cette opportunité de faire face à notre passé et situer les responsabilités des uns et des autres. Malheureusement, ses préoccupations étaient plutôt ailleurs et dans la politique politicienne. Ou peut-être qu’il craignait lui même d’être rattrapé par son passé à cause des soupçons qui pesaient sur lui depuis le régime de Sékou Touré qui l’avait condamné par contumace mais aussi à cause de son implication supposée dans les rébellions de 2000.
Si hier nous comptions sur certains leaders relativement jeunes pour espérer redresser le cours de notre histoire, l’aventure périlleuse dans laquelle s’est engagé Alpha Condé nous a révélé leur nature. L’impunité qui a caractérisé tous les régimes successifs semblent faire croire à certains que c’est le statu quo qui continuera. Ainsi, ces “jeunes” qui semblent plus motivés par leurs intérêts égoïstes et éphémères ont décidé d’hypothéquer l’avenir de la jeunesse de ce pays. Ils sont aujourd’hui les plus grands défenseurs de la pérennisation d’un système qui ne profite qu’à un petit groupe espérant que demain comme dans le passé ils n’auront de compte à rendre personne et continueront d’ailleurs à tenir les rênes de ce pays.
J’espère que le prochain Chef d’État qu’il soit jeune ou vieux, fera de la mise en place d’une commission de vérité et de réconciliation une de ses priorités pour qu’en fin chacun puisse assumer sa responsabilité dans l’histoire douloureuse de ce pays et que nous puissions nous projeter dans l’avenir sans s’encombrer du passé et de ses acteurs corrompus et nuisibles à l’unité et au progrès de notre pays. C’est ainsi seulement que nous pourrions construire une nation pour toutes les composantes de ce pays.
Abdoulaye Barry
Portland, USA